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La loi n° 67-81 relative aux
fouilles et la protection des sites monuments et sites historiques et naturels.
En 1967 fut promulguée une ordonnance relative aux fouilles et à la protection
des sites et monuments historiques et naturels. Elle avait pour ambition
politique, la récupération des éléments constitutifs de l'identité nationale,
dans le sens, non pas de l'appropriation, mais de la nationalisation (biens archéologiques,
sites, monuments, musées). Bien que fortement encadrée par un discours
politique volontariste, la politique patrimoniale a montré une certaine
ambigüité et une ambivalence entre une détermination de rupture avec l'ordre
ancien et la réalité d'un contexte de décolonisation fort complexe.
L'indépendance de l'Algérie étant accompagnée de conventions de coopération
avec la France (Accords d'Evian). Aucune référence nationale explicite ou
implicite, n'est associée au patrimoine culturel, qui aurait fixé, entre
autres, les critères de légitimation de l'appropriation et de la
patrimonialisation. L'Etat s'étant auto-saisi de
lui-même, pour reconduire le droit français, en enchâssant les ancrages
juridiques français dans un texte de loi nationale, l'ordonnance n°67-281 :
- Loi n°67-157 du 31 décembre 1962 tendant à la reconduction de la législation en vigueur au 31 décembre 1962, sauf dans ses dispositions contraires à la souveraineté national. - Loi du 2 mai 1930 relative aux monuments naturels et sites de caractère artistique, historique, scientifique légendaire et pittoresque, et l'ensemble des textes qui l'ont complétée et modifiée». - Décret du 14 septembre 1925 concernant les monuments historiques en Algérie, modifié par des décrets des 3 mars 1938 et 14 juin 1947 et la loi du 21 novembre 1954», - Décret du 9 février 1942 étendant à l'Algérie la loi du 27 septembre 1941 confirmée par l'ordonnance du 18 septembre 1945 sur les fouilles intéressant la préhistoire, l'histoire, l'art et l'archéologie», - Décret du 10 septembre 1947 règlementant la publicité, l'affichage et les enseignes en Algérie». - Arrêté du 26 avril 1949 modifié et complété portant création en Algérie de circonscriptions territoriales pour la surveillance des gisements archéologiques et préhistoriques. Dans les faits, l'ordonnance n°67-281 ne sera qu'une reconduction de la législation française en matière de fouilles et de protection des sites et monuments historiques et naturels. Il ne s'agit pas, ici, de faire le bilan de la mise en œuvre de cette loi qui, dans un contexte postindépendance, a permis, notablement, de préserver l'héritage culturel immobilier reconquis, selon les règles préétablies. L'objectif est de situer l'emprise du système juridique français sur le processus national de patrimonialisation et ses conséquences en termes de souveraineté juridique. Quelques stations sont utiles à revisiter, pour mieux comprendre le processus historique de construction du droit dans le domaine du patrimoine culturel : - Le 5 juillet 1976 est promulguée une charte nationale, qui définit les principes fondamentaux et les orientations devant régir la République algérienne. Une sorte de document normatif qui réaffirme, en précisant et codifiant le contenu des différentes proclamations, depuis l'appel du 1er novembre jusqu'à la date du 19 juin 1965 ? date considérée comme étape de «redressement révolutionnaire». Cette charte a le mérite d'avoir permis, par l'ouverture et l'extension des débats et discussions sur son avant-projet, de dessiner une première cartographie des forces sociales réelles et potentielles et de mesurer la hauteur des antagonismes et des conflits de classes, qui n'ont pu se fondre et se dissiper dans le moule d'un nationalisme conservateur. De la diversité des situations enregistrées, s'est révélée une réalité culturelle et linguistique aux caractéristiques multiples, qui ne pouvait s'inscrire dans un dispositif monolithique, pré requis d'une doctrine «révolutionnaire» uniformisante et égalisatriste. Dans son titre premier sur l'édification de la société socialiste, cette charte énonçait que «l'Algérie n'est pas une création récente. Déjà, sous Massinissa fondateur du premier Etat numide et Jugurtha, initiateur de la résistance à l'impérialisme romain, s'était dessiné le cadre géographique et commençait à se forger le caractère national, qui devaient tous deux affirmer leur permanence à travers le développement historique de l'Algérie durant plus de deux millénaires. A ces deux caractéristiques principales se sont ajoutés progressivement à partir du 7ème siècle, les autres éléments constitutifs de la nation algérienne, à savoir son unité culturelle, linguistique et spirituelle, et la centralisation de son économie que sous-tendaient une rare volonté d'indépendance et un attachement indéfectible à la liberté». Ce chapitre est fondateur d'une historiographie qui assure la cohérence d'une histoire (temps long et temps court) avec sa géographie (au sens du territoire). Une construction historico-géographique qui est, toutefois, confondue et amalgamée - par les mêmes rédacteurs de ce chapitre - ouvrant sur d'autres significations exclusives et plus subjectives du type : «Le peuple algérien se rattache à la Patrie arabe dont il est un élément indispensable» et «l'Algérie est une Nation», étant entendu que «La Nation n'est pas un assemblage de peuples ou une mosaïque d'ethnies disparates». «Patrie», «Nation» et «Peuple» sont conjugués et combinés ici au gré des contextes idéologiques, des circonstances historiques et des entendements de chacun. Pour mieux préciser sa pensée sur ce sujet, le président feu Houari Boumediene, dans un discours prononcé à la clôture des travaux de la conférence nationale, sur l'élaboration du projet de charte nationale, avait déclaré : «Nous entendons par le mot Nation, la patrie, le peuple et l'histoire» tout en soulignant que «La lutte pour dominer notre pays remonte à l'époque romaine et même avant, puis l'Algérie a fait partie de la civilisation arabo-islamique». La notion de «civilisation» est introduite ici pour enchâsser le tout dans un creuset sans véritable fond. Nous notons, d'ailleurs, son attitude quelque peu circonspecte lorsqu'il déclara qu' «Il existe certaines théories historiques disant que ce sont quelques rois berbères qui auraient contribué à l'arabisation du pays». Il est intéressant de rappeler, ici, le point de vue du Dr Ahmed Taleb-Ibrahimi, sur la complexité des débats et discussions sur le chapitre «Révolution culturelle» de la Charte nationale : «Dans nos discussions, il arrive de constater que nous ne donnons pas aux mots le même sens ; par exemple lorsqu'il s'agit de termes tels que Oumma, nation, patrie, peuple. Cela est non seulement regrettable mais grave. Il arrive aussi, dans notre enseignement que l'on donne de ces mots, aux élèves, des significations qui se rattachent non pas aux orientations de la Charte mais aux convictions du professeur et à la tradition dans laquelle il a été formé». A suivre * Docteur |
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