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Le bilan est lourd et combien
significatif : La mauvaise gestion du Patrimoine national, la dilapidation des
deniers publics, l'instabilité, la démagogie, l'anarchie, le mensonge et
l'improvisation se sont imposés comme procédés de gouvernement. Par la menace,
le chantage, le viol des libertés individuelles et l'incertitude du lendemain,
l'on s'est proposé de réduire, les uns à la docilité, les autres à la peur, au
silence et à la résignation. Déclaration du 19 Juin 1965.
Rien ne vaut l'image pour comprendre une situation politique particulièrement, lorsque, brusquement, l'Histoire qui semblait être parvenue à sa phase finale se remet en marche avec une vigueur inépuisable. Le train de l'Histoire s'est remis en marche, et on ne peut pas le ramener à sa gare de départ On peut reprendre la comparaison usée et abusée de l'Histoire avec un train, car cette comparaison s'applique bien aux évènements que vit l'Algérie depuis maintenant 6 semaines. Le train de l'Histoire était arrêté à la gare «Algérie,» depuis des décennies. A ses commandes se trouvaient des dirigeants qui avaient, depuis longtemps, bloqué ses freins et arrêté ses moteurs, tandis que leurs partisans, distribués dans les wagons selon leur position hiérarchique, les uns dans les voitures luxueuses réservés exclusivement au chef suprême et à ses proches «collaborateurs,» pour ne pas écrire ses «complices,» les autres en première classe, la majorité en seconde classe, et la plèbe des exécutants de basses œuvres dans la classe «bestiaux et marchandises diverses,» la moins confortable. Le Peuple occupe maintenant le train de l'Histoire qu'il a remis en marche Le peuple était sur les quais, spectateur à la fois angoissé et frustré par le spectacle que donnait un train , dont les occupants ne pensaient qu'à leurs intérêts personnels, mais qui semblaient jouir de l'impunité la plus totale, et de la puissance la plus difficile à affronter. Un jour, cependant, le peuple, finalement excédé de ce spectacle, qu'il supportait de plus en plus difficilement, a décidé d'expulser les distinctions hiérarchiques ou de classe « d'affaires.» Maintenant le train, débarrassé de ses indus occupants, s'est remis en marche. Ses anciens occupants, dont certains insistent pour continuer à s'accrocher au wagon de luxe, se retrouvent sur le quai à essayer de reprendre le train, allant même jusqu'à répéter les slogans de ceux qui les ont sortis et, courant à perte d'haleine, ces anciens passagers tentent vainement de remontrer dans la cabine de pilotage pour ramener le train à la gare de départ. Quant aux opportunistes, qui n'ont jamais pu dépasser la «seconde classe» du train à l'arrêt essayent, eux aussi, de se trouver une place dans le train, mais les nouveaux passagers leur tapent sur les doigts pour les empêcher de monter. Bref, c'est la confusion la plus totale qui règne sur le quai, alors que le train s'en éloigne peu à peu. Tout le monde se met brusquement à parler, à commenter, à échafauder toutes sortes de stratégies pour arrêter le train, ou pour en prendre le pilotage. Mais, hélas, le train en marche de l'Histoire à ses propres «voies,» qui ne sont pas forcement de «fer». Dans ce contexte de confusion où la seule réalité est que le peuple est dans la cabine de pilotage, bien qu'il n'en tienne pas encore les commandes, certains de ceux qui, hier, le conduisaient, se retrouvent sur les quais, réduits au rôle de spectateurs à la fois détenteurs des attributs du pouvoir, mais également incapable de les déployer avec toute leur puissance. Ils tentent en vain de reprendre l'initiative, en avançant des propositions dont toutes n'ont qu'un seul objectif : arrêter la marche du train. L'appel à l'article 102, une proposition digne d'être prise au sérieux ? Parmi les toutes dernières propositions, il y en a une qui a particulièrement frappé les esprits, d'autant plus qu'elle vient d'une autorité dont la place dans la hiérarchie du système politique actuel est non seulement, incontestable et incontestée, mais, plus encore dans le paysage médiatique actuel comme dans la hiérarchie politique réelle, difficilement incontournable, tellement sa présence est écrasante. Laissons de côté la pointe d'humour qui apparaît dans la proposition d'un des «clous» du système politique, qui ne demande rien d'autre que le titulaire actuel du poste de chef de l'Etat «rédige et signe une lettre de démission.» Demander à un homme qui, visiblement, ne peut ni s'exprimer, ni contrôler un quelconque de ses membres, encore moins ses facultés intellectuelles, marque un sens de l'humour particulièrement cruel. L'expert du «faux en histoire,» qu'est ce «vizir,» qui a tenu, avec loyauté et depuis des décennies, le rôle du «iznogood» des illustrés, ou «comics,» a jeté un peu trop loin le «bouchon de sa fourberie.» Et il n'est évidemment pas à prendre au sérieux, sauf si on considère que la crise actuelle est de la «rigolade» qui ne demande que de l'humour pour que le pays la dépasse. Une proposition qui ne tient pas l'eau Quant à celui qui demande ni plus, ni moins, que le retour à la légalité constitutionnelle, sa proposition, si ce n'est son ordre, mérite qu'on s'y arrête, car il est difficile de ne pas prendre au sérieux une idée qui ne fait que rappeler que, tout de même, l'Algérie a une Constitution, fondement de la légalité et de la légitimité du système politique actuel et de ses gouvernants. Mais cette proposition, si puissance soit l'autorité qui l'a avancée, ce qui donc exige qu'on y prête attention, pâtit des déficiences mortelles, dont on donne la liste de manière systématique, mais probablement incomplète. 1- L'incapacité du Chef de l'Etat a été établie depuis sept années et la Constitution a toujours contenu une clause traitant de ce type de situation. La Constitution algérienne a souffert d'une certaine instabilité et a été modifiée, de nombreuses fois, depuis que le titulaire du poste de président actuel a pris ses fonctions. Cette «loi fondamentale du pays,» a été amendée ou révisée quatre fois en deux décennies, c'est-à-dire à une moyenne d'une fois par mandat présidentiel. Ces modifications ont été conçues, rédigées et ratifiées «en cercle fermé,» et sans consultation populaire large. On a fait passer, discuter et ratifier le texte constitutionnel par les «collaborateurs,» et les «soutiens du pouvoir.» Le reste des Algériens a été tenu à l'écart et , sauf une minorité choisie sur la base de critères clandestins, n'y a vu que du «noir,» suivant l'expression populaire. Il n'en reste pas moins que cette Constitution, dans tous ses changements, n'en a pas moins fait force de loi. Et parmi ses articles, celui concernant la situation d'incapacité physique et / ou mentale du Chef de l'Etat, a toujours été présent, sous un numéro ou un autre, et sous une version ou une autre. Il se trouve que la clause qui traite ce type de situation, qui était à l'article 88, auparavant, est maintenant l'article 102. La question qui se pose est la suivante : le président de la République a disparu de manière plus ou moins complète de la scène politique, depuis plus de 7 années, au point où il n'a même pas fait de campagne électorale, lors de sa réélection, en avril 2014. Il était passible, depuis longtemps, de cet article auquel on veut, officiellement, revenir. Pourquoi, puisque l'on se réclame, à tout instant, du respect de la Constitution dans l'exercice de ses attributions, n'a-t-on pas fait appel à ces clauses, quelle qu'en fût le numéro de leur article, aussitôt que le Chef de l'Etat avait été frappé de paralysie quasi-totale de ses fonctions vitales visibles ? 2- Des mesures inconstitionnelles ont été prises depuis ces dernières semaines pour dépasser la crise actuelle. Ces mesures violent, si ce n'est suspendent la Constitution, pourtant, elles ont été déjà mise en œuvre, après approbation implicite ou explicite du Conseil constitutionnel, et créent donc une nouvelle donne constitutionnelle qu'on ne peut pas ignorer ou effacer rétroactivement. De plus, depuis ces dernières semaines, les autorités publiques, au nom d'un Chef d'Etat incapable d'assumer ses responsabilités, ont pris un certain nombre de décisions qui, qu'on le veuille ou non, ont créé une situation constitutionnelle nouvelle, et ont frappé de nullité sinon toute la Constitution actuelle, du moins une partie d'elle. Citons, sans prétention d'exhaustivité, tellement le système politique est opaque, -et on ne veut pas se lancer dans des élucubrations tentant de percer le mystère qui couvre la prise de décision au sommet. - Le dépôt de la candidature du président actuel par une autre personne que lui, ce qui rend ce dépôt nul et non avenu, car il révèle l'incapacité physique totale du candidat, - l'annonce de l'annulation des élections présidentielles, prévues pour le 28 avril, et de la mise en place d'une période transitoire, gérée par un «gouvernement de transition,» «largement représentatif,» et composé de «personnalités politiques et de technocrates connus pour leurs compétences, - l'annonce de la convocation, à la fin de cette «période transitoire,» dont la durée n'est pas fixée, «d'une conférence nationale,» représentative, mais choisie par les autorités en place, qui serait chargée de rédiger une Constitution soumise à référendum. - Toutes ces mesures, prises en violation du texte constitutionnel actuel, ont été approuvées par le Conseil constitutionnel, soit par son silence, soit explicitement, pour ce qui est de l'annulation des élections et de la non validation des candidats, et dans un avis ne donnant aucune référence à une clause quelconque de la Constitution. - De plus, ces mesures ont commencé à être mises en œuvre : le gouvernement transitoire, même s'il y a des difficultés insurmontables à le mettre en place, tout comme la préparation de la Conférence nationale, car les services de sécurité ont commencé à contacter d'éventuels candidats. 3- La proposition ignore totalement, tout en reconnaissant l'existence, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes de la situation actuelle, le mouvement populaire et ses revendications pour l'instauration d'un vrai Etat de droit. Plus important encore, le vaste mouvement populaire, - qui a démarré le 22 février 2019, et dont les manifestations attirent de plus en plus de peuple et de personnes représentants des groupes socioprofessionnels divers, prouvant l'ampleur de la mobilisation populaire qui touche, maintenant, toutes les couches de la société, sans exceptions,- a créé un paysage politique nouveau, qui qu'elles le veuillent ou non, les autorités doivent prendre en charge les revendications aussi légitimes que pacifiquement exprimées. Ce mouvement s'est produit en dehors de tous les cadres institutionnels et politiques supposés refléter et orienter l'opinion publique, depuis les partis «présidentiels», en passant par les «partis politiques de l'opposition», sans oublier les «opposants professionnels» issus, déchus et déçus, de l'ancienne hiérarchie politique, tout comme les organisations de la société civile. Toute tentative d'écarter des calculs politiques ce mouvement populaire massif est non seulement condamnée à échouer, mais également retarderait le retour à une stabilité sociale et politique exprimée sur la base de nouveaux principes rompant avec le système de gouvernance actuel, fondée sur la prédation et un populisme condamnant le peuple à la déchéance, de plus en plus, poussée. En conclusion Le train de l'histoire s'est brutalement remis en marche, et c'est le peuple qui l'occupe et en a pris la direction ; Les autorités publiques actuelles sont forcées de courir derrière ce train et d'en reprendre le contrôle, mais leurs efforts semblent jusqu'à présent voués à l'échec, malgré de multiples tentatives de le ramener à la gare de la stagnation et de la déchéance d'où finalement il a pu redémarrer ; La dernière tentative de reprise du contrôle des évènements a été la proposition de mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution qui traite de la mise fin aux fonctions du président actuel, pour des raisons d'incapacité physique et mentale ; Cette proposition apparaît comme non-avenue pour différentes raisons : - d'abord parce qu'elle vient tardivement, alors qu'elle aurait dû être mise en œuvre il y a 7 années de cela, lorsque s'est manifestée l'incapacité visible du Chef de l'Etat d'exercer ses fonctions; - Ensuite parce que des mesures officielles, publiées sur le Journal Officiel, et violant de manière claire la Constitution, ont été prises pour suspendre les élections présidentielles, et instaurer une période transitoire, prolongeant le mandat présidentiel actuel, établissant un gouvernement de transition, déjà officiellement en place, et avec un projet de convocation, déjà lancée, d'une conférence nationale chargée de définir un nouveau système politique, - Et, enfin, le vaste mouvement populaire demandant une rupture totale avec l'ancien mode de gouvernance, a changé définitivement, le paysage politique du pays et la dynamique sociétale, et aucune évolution future du pays ne peut s'effectuer si ce mouvement, qui est représentatif de l'état actuel de l'opinion publique nationale, continue à être ignoré dans les calculs, et/ou les machinations des autorités en place. Donc, la proposition de retour au respect de la Constitution par l'application de son article 102 ne peut être qu'un marché de dupes qui ignore les conditions constitutionnelles actuelles, telles que dictées par les tenants du pouvoir même, tout comme la mobilisation populaire actuelle, qui ne laisse planer aucun doute sur la volonté de changement, largement appuyée par le peuple algérien. Cette dernière proposition tient plus de la manœuvre dilatoire que d'une tentative sincère de répondre aux aspirations de ce peuple. Il est pénible de constater, qu'au-delà des belles paroles flatteuses qu'a suscité en elles ce mouvement, les autorités publiques continuent à vouloir planifier le futur de l'Algérie sous forme de répétition d'une Histoire, longtemps freinée, si ce n'est bloquée dans son évolution, et pourtant maintenant en marche sans ambiguïté. Tout appel pour un retour en arrière est vain. On ne bouche pas les ruissellements d'un barrage avec le pouce et on ne rappelle pas sur le terrain, et alors qu'ils sont déjà sous la douche, les joueurs d'un match de football parce que l'arbitre n'a pas sifflé un penalty au moment où il devait l'être ! |
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