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A travers tout le territoire
national, il n'existe pas une agglomération urbaine qui ne soit concernée par
une absence de stratégie de développement urbain. L'état des villes algériennes
est détérioré, mais surtout augmenté depuis les vingt dernières années d'un lot
de laideur considérable, dont l'Etat est le producteur principal à travers ses
programmes d'habitat.
Dans les villes algériennes, il n'est pratiquement plus question de parler de paysage. D'ailleurs, le faire en ce terme signifierait une hérésie de conception urbaine. Les 3 urbatopes3 comme les biotopes sont à un tel point dégradés qu'il semble difficile de remédier par des actions conjoncturelles et d'appoint ; comme lorsqu'il s'agit pour la propagande de s'attaquer à des manifestations symptomatiques du drame environnemental algérien. Manque de volonté politique Je crois que nous n'en sommes pas encore au courage de reconnaissance de l'échec de l'ensemble des politiques menées en matière d'urbanisme algérien. D'autant plus que les faiseurs de cet échec, certainement historique, continuent à agir en acteurs exécutants se limitant encore à une conception mécanique et technicienne de l'urbanisme réglementaire. Ces derniers tiennent à leurs convictions des méthodes utilisées, lesquelles ont reproduit partout le même scénario de dégradation de la condition humaine et de l'environnement. D'ailleurs, comment se fait-il qu'on persiste à séparer les questions de l'environnement, de l'aménagement des territoires (ce domaine à l'heure actuelle est censé être le plus important !), des travaux publics, du tourisme (tout le monde constate qu'il n'y a pas de politique touristique, encore plus sans urbanisme prometteur), de l'urbanisme (ce dossier est certainement le plus brûlant), au lieu de les rassembler dans un seul ministère (de l'urbanisme, de l'architecture et de l'aménagement et ménagement des territoires) ne serait-ce que pour éviter les sectorisations inutiles qui font perdre beaucoup de temps, et esquisser une vraie politique de l'urbanisme ? Il est évident désormais pour moi que la volonté politique n'est pas encore et que les politiques urbaines effrontées que notre pays a pratiquées depuis l'indépendance sur fond de conjonctures plus politiques (présidentielles !) qu'autre chose, ont non seulement atteint leurs limites, mais ont fait surtout exhaler le manque de courage et d'imagination de nos décideurs par rapport à la nécessité de repenser l'urbanisme à tout point de vue. Les modalités de production de l'urbanisme qui dominent actuellement ne répondent plus à l'état actuel de l'Algérie, ni sur le plan politique, ni sur le plan social, ni évidemment sur le plan économique. En fait qu'il s'agisse de l'urbanisme européen dix-neuvième ou de l'urbanisme post-indépendance, nous sommes dans un cas d'urbanisme failli et faillé lequel exprime franchement l'incohérence culturelle dans laquelle est noyé tout le peuple algérien. Pression de l'habitat conjuguée à une méconnaissance de la ville Il est sûr et certain que l'offre de l'habitat de ces deux dernières décennies a été importante, et qu'elle a attisé la convoitise de tout le monde ! Qui ne s'est pas vu saisir l'occasion de bénéficier d'un logement (ou plusieurs) et le transformer en valeur rentière destinée à exercer une pression sur le marché de l'immobilier ? Qu'on soit Algérien solvable ou pas, ou immigré, tout le monde sans exception s'est prêté à ce jeu de répression sociale sans que personne ne se soucie, y compris dans le monde universitaire, pour les conséquences des paliers de loyers pratiqués et leurs effets sur la distribution des populations de manière scientifique. Les discours portant sur la ville ont demeuré généralistes et n'ont pas orienté (presque jamais) leurs focales sur les transformations et mêmes mutations qui s'y opéraient. Il s'en est suivi la disparition de modèles d'habitat à valeur architecturale qui pouvaient tout au moins intéresser les chercheurs par rapport à leurs conceptions spatiales (souvent c'est le cas de groupements d'habitat très suggestifs datant de la période coloniale, comme le foyer oranais), et le grignotage opéré sur le foncier des ZHUN qui a déstructuré les territoires urbains et concouru à leur discordance avec les objectifs des politiques initiales. Certes, les millions de logements ont soulagé la demande des Algériens, mais ne les ont pas satisfaits dans de très nombreux cas, du point de vue des délais non respectés et de la qualité souvent médiocre. En parallèle, de nombreuses voix se sont élevées pour rappeler que l'urbanisme ne se réduit pas à la production des cités d'habitations collectives. En gros, nos villes ont été soumises à la dictature de l'individu public et privé qui travaille contre la société, ou autrement dit, comme pour paraphraser certains sociologues, parmi eux l'éminent Ibn Khaldoun, l'Etat est surtout l'Etat n'a pas protégé la société du danger torpilleur des individus faisant le culte de l'argent à accumuler par tous les moyens. Du coup, au-delà du critère de rentabilité foncière, nous sommes souvent stupéfaits de constater que l'offre privée n'a pas tellement dépassé ni différé de l'offre publique. Nos environnements sont 3 AAdLisés3 et parsemés d'équipements publics de très mauvais goût. Un seul modèle d'immeuble domine, affichant avec ostentation une terrifiante signalisation polychromique, des lignes généralement arbitraires, et des formes à la fois banales et inconvenantes1. Les acteurs publics et privés ont couvert le territoire national de laideurs. Les programmes d'habitat que les responsables nationaux et locaux ont justifiés sur fond de discours tournant autour de la priorité et de l'urgence d'agir, ont aggravé l'état des villes algériennes. Nous ne sommes pas encore sortis du constat de Michel Ragon qui lui faisait dire, et cela au tout début des années 1960, écoutez bien: «Tout cela demeure bien timide, bien conformiste. On ne sort pas de la formule d'urgence qui consiste à loger, à reloger, à entasser et à parquer un excédent de population qui semble soudain avoir surgi du néant (si l'on en juge par la stupéfaction de nos gouvernants, comme de nos urbanistes) et dont on ne sait que faire». Disons dans le cas algérien que l'Etat de clans et même tribalisé se souciait plus de sa pérennité que de protéger la dignité de l'Algérien. Autrement dit, nos dirigeants ont refusé d'adhérer à l'idée consistant à dire qu'il existe d'autres modalités de production de l'urbanisme au lieu de le réduire à une 3 dortoirisation3 généralisée des cités et de faire croire qu'il y a une volonté de changement en intégrant à ces dernières des commerces de proximité et des équipements de première nécessité dans le cadre d'un planisme qui n'apporte pas grand-chose à la qualité de vie urbaine. Urbanisme ou cimetière de l'avoir Cet urbanisme de promoteurs, public et privé, que je n'ai de cesse de dénoncer, n'esquisse aucun projet de société, et encore moins ne protège la société (ou ce qu'il en reste comme j'ai tendance à le dire) de l'individu, ni l'individu de la société ! J'en suis arrivé à penser que pour réfléchir architecture, il faudrait d'abord le faire en termes d'urbanisme. C'est-à-dire qu'il faudrait régler notre problème avec la modalité de ville à suivre, celle qui nous permet d'apaiser de pacifier nos rapports en sociétés, voire organiser nos vies intimes et collectives selon le nécessaire intérêt général que nos politiques et nos acteurs de l'urbain ont sacrifié à l'intérêt individuel. Nos périphéries sont devenues des poubelles de promotions immobilières en mode chantiers permanents. Le foncier agricole n'est pas du tout protégé des hyènes du mètre carré, puisque tout se commerce, y compris l'avenir de nos cités qui s'improvisent en immenses dépotoirs humanisés et de friches pécuniaires. Nos villes, si elles le sont vraiment, sont des cimetières de l'avoir qui s'étendent à des horizons toujours lointains que ferment des constructions laides internant des déprimés urbains. Même si je dis qu'il faut réfléchir urbanisme, il faudrait aussi se rendre compte que l'urbanisme de par les valeurs et les modes de se représenter qu'on lui a accolés, le détachement de l'homme de sa nature inspirée de la nature, encourage la tendance à la possession, à la dictature de la valeur imaginaire de l'argent, à la consolidation des valeurs contre-humaines donc contre-environnementales, et que nous sommes obligés d'agir avec vigilance contre les urbanisations du contre-urbanisme en cours. Nous devons prendre très au sérieux les défis qui nous guettent dangereusement, et nous préparer du mieux possible en mettant un terme à nos penchants invasifs vis-à-vis de la nature. C'est ça l'avenir de l'urbanisme et l'urbanisme de l'avenir ! *Architecte (USTO) et docteur en urbanisme (IUP) Note: 1- C'est le cas des programmes d'habitat longeant le très convoité quatrième périphérique d'Oran. |