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En effet, ce n'est pas plus la
complexité des paramètres qui peuvent servir à la construction de notre modèle
de gouvernance et de développement économique de façon pertinente, efficiente
et cohérente avec notre environnement le plus sensible et le plus influent que
la complexification engendrée par des choix subjectifs, imposés par des forces
sensibles négativement, voire même hostiles à l'émergence d'un modèle réussi
dans un environnement que seul l'échec pourrait maintenir sous leur contrôle et
leur influence. Cette complexification, qui frôle souvent l'acte délibéré et
intentionnel, a rendu impossible l'émergence d'opinions et d'idées positives ou
utiles pour simplifier et orienter les choix nationaux vers les bonnes
solutions et les paramètres pertinents à prendre en considération.
Quels sont les préalables et impératifs que notre modèle de gouvernance et notre modèle de développement économique doivent prendre en considération pour garantir sa réussite ? En fait, il s'agira de s'efforcer de PRÉVOIR : - Pertinence : Choisir un modèle de gouvernance et de développement économique pertinent dans un pays qui n'en avait jamais trouvé auparavant reviendrait à se poser des questions qui n'avaient jamais été posées auparavant. Il s'agit notamment de définir une méthodologie agrégative des paramètres à prendre en considération selon le degré de leur influence et de leur impact prévu sur l'évolution du futur modèle de gouvernance et de développement économique. Ensuite, il s'agit de définir un cadre adéquat d'accessibilité des informations nécessaires à la construction du futur modèle, ainsi qu'un degré de transparence suffisant pour permettre une lecture et des réajustements pertinents. Il s'agit enfin de tolérer, voire même d'encourager toutes les critiques visant à objectiver le choix desdits paramètres ou leur remplacement ou leur réajustement (Carmen APAZA, revue française d'administration publique 2008/3, 127, disponible sur https://www.govindicators.org). Comme la perception de ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas est relative et obéit à des critères et à des paramètres souvent subjectifs, sauf si cette pertinence dispose d'indicateur de mesure objective et factuelle. Il sera donc question de définir les indicateurs de mesure adéquats concrets et visibles au préalable afin de pouvoir les positionner dans un repère commun et accepté dans le contrat social du pays. En Algérie, quatre principaux indicateurs permettront de mesurer le degré de pertinence des paramètres intégrés dans le modèle choisi : - Évolution du cadre juridique régissant le fonctionnement des institutions du pays et de l'économie nationale, et degré de sa clarté ainsi que les conditions de son application sur le terrain ; - Évolution du PIB issu des activités autres que rentières et sa composition par rapport aux objectifs arrêtés initialement ; - Évolution des flux d'investissement directs étrangers et domestiques, ainsi que leurs bilans nets en devises étrangères ; - Enfin, l'évolution des nœuds problématiques majeurs dont souffrent les agents économiques en Algérie (économie parallèle, taux de change parallèle, degré d'efficacité et d'efficience des prestations du service administratif public). - Résilience : L'Algérie subit régulièrement les deux principaux facteurs déstabilisateurs de son économie : le changement climatique et les chocs pétroliers. Tout modèle de gouvernance et de développement économique doit donc être, non seulement, construit avec les hypothèses les plus pessimistes et les plus radicales pour ces deux facteurs de résilience, mais également, en être soumis et actualisé régulièrement. Ces hypothèses seront intégrées selon les trois positions orthodoxes de gouvernance des risques : plans et scénarios de détection précoces, plans d'action et de gestion opérationnels et enfin, plans de couverture et de substitution prospectifs. Aussi, il est nécessaire de se rendre à l'évidence que l'économie nationale tourne exclusivement aux gaz et au pétrole dont la production est en déclin et les chocs de prix sont totalement non maîtrisables et de se rendre à l'évidence que la production nationale en est tributaire et fortement dépendante. Si ce paradigme ne change pas rapidement par l'intégration d'une production agricole substantielle et de revenus de services consistants (réforme du système bancaire et des marchés financiers et changement des modes de gestion des finances publiques), ainsi qu'une amélioration de la production des PMEs/PMIs rien ne pourra être entrepris avec réussite. La résilience de l'économie du pays devra prendre en considération non seulement les chocs sur les cours des hydrocarbures, mais également leur effet amplificateur engendré par le fait que ce sont justement les hydrocarbures qui sont mis en cause dans les changements climatiques et écologiques que nous risquons de subir de plein fouet dans les quelques prochaines décennies. Si rien n'est fait pour améliorer la résilience de notre économie à ces deux facteurs, par ailleurs totalement exogènes et incontrôlables, l'onde de choc sera de moins en moins gérable et supportable dans le temps. Améliorer cette résilience passe donc, comme on le voit ci-dessous, par une amélioration rapide de : - Cadre juridique et institutionnel régissant les activités agricoles, des services et du cadre institutionnel des PMEs/PMIs, ainsi que la stabilisation de certains cadres juridiques considérés comme structurants : flux internationaux de marchandises et de capitaux, investissements directs étrangers et législation commerciale et fiscale. - Stratégie d'investissement nationale, avec une allocation plus rationnelle des ressources publiques et leur orientation vers le développement d'une agriculture indépendante de la pluviométrie et des conditions climatiques nationales, vers le développement des investissements en aval du secteur des hydrocarbures et des industries des inputs qui en seraient dérivées en un tissu dense de PME/PMI, vers la privatisation des services et la libéralisation des marchés financiers avec une régulation publique stricte et rigoureuse. - Rôle régulateur de l'Etat et sa séparation nette et sans concession de son rôle d'agent économique lucratif. La résilience de l'économie nationale dépend fortement des capacités d'un Etat régulateur à anticiper les chocs, à les gérer et à les juguler ainsi que de ses capacités à minimiser leurs impacts immédiats et latents. Chose qui ne saurait être atteinte sans adoption d'une master-attitude claire, reconnue et facilement interprétée par l'environnement et les partenaires du pays. - Transparence et fiabilité de l'information, ainsi que le cadre juridique de sa gestion et de sa régulation. Ceci améliore sensiblement et significativement la résilience d'un modèle de gouvernance et de développement économique. - Lutte contre la corruption et les pratiques de dumping économique. C'est le dernier facteur qui permet d'objectiver l'ensemble des paramètres intégrés au modèle de gouvernance et de développement économique construit. - Efficience : L'Algérie n'a presque jamais cherché à optimiser l'utilisation de ses ressources et de ses moyens en fonction de ses objectifs. Elle a dépensé sans compter, à la limite du gaspillage irréfléchie, pendant les périodes d'aisance et des excédents exceptionnels. Elle a, par conséquent, subi des situations délicates, très douloureuses pendant les cycles de récession ou de contrechocs pétroliers. L'optimisation des ressources publiques et leur allocation de façon efficiente passe par : - Un alignement des normes et des standards appliqués à la commande publique à ceux en vigueur dans le secteur privé et à l'international. Ceci passe inévitablement par la transparence dans l'élaboration des cahiers de charges, dans l'attribution des marchés publics et dans le suivi de l'exécution desdites commandes. - Allègement en amont et en aval des procédures d'achat, de fiscalisation et de chasse des surcoûts, souvent générés par la lenteur et la complexité des organismes et institutions chargés de l'exécution et de la supervision de la commande publique. Ceci passe également par une transparence irréprochable dans la gouvernance et la conduite desdits organismes et institutions publics et la mise en place de structures neutres et dédiées à la lutte contre la corruption, le gaspillage et les surfacturations qui y règnent. - Redimensionnement systématique de la taille, de la durée et des frais relatifs à toutes les commandes publiques par l'élaboration d'études et d'estimations contradictoires, notamment par le biais de structures relevant d'autorités contradictoires pour éviter des projets surdimensionnés inutilement ou à des fins occultes et malsaines. - Application systématique des sanctions et de pénalités pécuniaires et pénales prévues afin d'éviter les conséquences dramatiques de révision des prix et des devis de la commande publique. Ceci passe tout simplement par : ? La détection précoce des sous-estimations intentionnellement insérées dans les cahiers de charges, de surestimation qui y sont glissées par inadvertance, ainsi que des conditions anormales ou inadéquates de révision des prix et des devis initiaux. ? Le recours à des arbitrages contradictoires lors de la survenance de cas de révision de prix afin de décider de sa légitimité, de son opportunité, de son montant réel, des responsables à l'origine de sa survenance, ainsi que de la sanction applicable en pareils cas aux fautifs. ? Enfin, la couverture systématique des prix et tarifs contractuels par le biais d'assurances et de produits financiers spécifiques (les options, par exemple) afin de transférer le risque vers d'autres structures plus performantes et moins complexes que les structures étatiques avec provisionnement des préjudices et/ou pertes potentielles sur la commande publique concernée. ? L'élaboration et la publication de codes ou de manuels clairs qui permettraient une identification, une évaluation et une appréciation équitable des préjudices et responsabilités pour ne pas tomber dans l'injustice, l'impunité et l'arbitraire. Il y a lieu de noter ici que les conditions actuelles de suivi et de fonctionnement des relations entre maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre ne permettent pas une gestion efficiente des dommages, des préjudices et pertes générées lors des défaillances potentielles des maîtres d'œuvre ou des organismes tiers à la commande, telles que des administrations défaillantes, des variations résiduelles de paramètres internationaux et exogènes. Recourir davantage aux outils de couvertures des risques par l'ensemble des intervenants dans l'exécution de la commande publique est, à mon avis, la meilleure solution possible, surtout que les instruments y afférents sont maintenant bien maîtrisés au niveau international. Une refonte complète et une reforme entière de ces rapports et conditions d'accompagnement de la commande publique doit faire objet de réflexion par des équipes pluridisciplinaires afin de faire des propositions objectives et tenables. - Visibilité et Visionnaire : Les classements internationaux de l'Algérie en matière de «Doing Business» sont surtout le fruit et le résultat de l'absence de visibilité et de clarté dans les choix de politique économique, de politique commerciale, de politique monétaire, de politique fiscale et de politique industrielle, voire même de politique tout cours. Le pays est en proie à une instabilité inouïe en matière de législation sur tous les plans ce qui n'est pas pour rassurer les opérateurs économiques nationaux comme internationaux. Ceci ne permet pas de mener, ni même de parler de modèle de développement économique ni de gouvernance. Car le premier principe d'une bonne gouvernance c'est bien la clarté et la stabilité des règles de jeu en vigueur dans le domaine ou dans la structure gouvernée. Or, un inventaire des textes juridiques et législatifs qui régissent l'économie nationale et les conditions de sa gouvernance nous révèle l'étendue de la volatilité, des contradictions, de l'incompréhensibilité et parfois même de l'obscurité de certains textes législatifs et juridiques. Comment, dans ce cas, définir une démarche pérenne et stable d'accompagnement du modèle de gouvernance et de développement économique avec des textes clairs, modifiables de façon discrète et capable d'adaptation sans remettre en cause les règles du jeu économique national ? À mon avis, si nous parvenons à comprendre et a mettre en application une formulation majeure d'Ibn Khaldoun (3) à ce sujet, nous arriverons peut-être à trouver des solutions: «Si le gouverneur se met à exercer des activités lucratives, alors ni la gouvernance ni les activités lucratives ne seront épargnées par la corruption»: - Sortir le cadre législatif économique du cadre législatif global et séparer de façon nette et claire les prérogatives régaliennes et de régulation des prérogatives opérationnelles et applicatives du cadre économique. - Définir des principes et des constantes économiques et de gouvernance globales sur le long terme dans la Constitution même, qui ne sauraient être remises en cause par des décrets, arrêtés ou décisions de personnes dont les mandats sont limités dans le temps et dans l'espace. - Leur modification ne pourrait survenir sans un référendum et après adoption des amendements et des modifications proposées par des structures techniques élues par les pairs et connues pour être composées de compétences reconnues et avérées. - Séparer de façon effective, immuable et constitutionnelle les autorités, les prérogatives et les pouvoirs des différentes institutions de l'État : législatif, exécutif et judiciaire et en consacrer définitivement les relations fonctionnelles. - Intégrer l'ensemble des textes fondateurs et des références juridiques et législatives internationales relatifs aux activités économiques, commerciales, financières, industrielles et de protection des investissements dans le corpus législatif et juridique national et ratifier les passerelles possibles et reconnues entre le droit national et international. - Élaborer un code simple, synthétique, compréhensible et rigoureux des exceptions et des spécificités que l'État régulateur se réserve le droit de gérer exclusivement et en dehors du cadre tel que défini ci-dessus. La visibilité est également une question d'investissement. Qu'avons-nous fait par le passé pour garantir une visibilité à notre économie, à nos entreprises, à nos avantages comparatifs et absolus ? Je ne pense pas que nous ayons fait par le passé des efforts en matière d'investissement dans l'image que nous dégageons à travers le monde. Pourtant, ce n'est absolument pas les atouts ni les moyens qui nous manquaient. Cette image se construit comme tout autre instrument de politique économique par le biais d'investissements orientés et menés selon les objectifs de développement souhaités : - Sponsoring adéquat, surtout à l'international, et lié aux secteurs économiques à développer et que les autorités souhaitent voir émerger, - Publicité internationale ciblée et persistante selon les objectifs économiques fixés. - Organiser, participer et financer des évènements sportifs, festivals cinématographiques, activités culturelles et foires ou forums économiques internationaux majeurs avec invitation de figures internationales significatives. - Lobbyings discrets dans les circuits et les cercles politiques, économiques et financiers internationaux influents. - Enfin, impliquer directement et indirectement la diplomatie nationale en lui assignant des objectifs économiques clairs et suivis par des indicateurs de performance. - Organisation et Ordre : L'organisation des structures, des entités et des agents économiques est l'autre élément qui participe à la clarification des rôles et des prérogatives. L'instabilité juridique et législative a créé une anarchie dans le fonctionnement des différentes structures censées accompagner et gérer la gouvernance et le modèle de développement économique national. - À mon avis, le premier pas dans toute démarche d'organisation et/ou d'ordre à remettre dans l'économie nationale doit systématiquement commencer par un investissement massif dans la construction d'une vraie base de données constituée d'informations, caractérisée par sa fiabilité, sa traçabilité et sa maniabilité. Ceci permet d'identifier sur des tableaux de bord clairs, synthétiques et fiables ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qui est pertinent et ce qui est inutile, ce qui est efficient et ce qui est du gaspillage, et de préparer des plans construits sur la base d'éléments factuels et objectifs. - Le deuxième acte dans l'établissement d'une organisation optimale et d'un ordre rigoureux et juste, c'est la décentralisation contrôlée et régulée. En effet, la gestion centrale des affaires publiques ne permet pas une allocation efficiente des ressources ni une gestion pertinente et efficace des plans. Toutes les grandes civilisations ont été construites autour d'une gestion décentralisée et d'une délégation modérée des pouvoirs. En tant que musulmans, nous croyons que la régence est la nature du pouvoir. Par conséquent, définir des modalités efficaces de décentralisation de la gouvernance des affaires publiques avec un encadrement adéquat, une surveillance intelligente et un contrôle effectif ne manquera pas d'améliorer à la fois l'organisation et l'ordre dans les cités, les organisations et dans les marchés gouvernés. - Le dernier élément d'organisation et d'ordre indispensable, c'est la progressivité dans la conduite des changements espérés et souhaités afin de pérenniser les actions menées, de préparer mûrement et de mâturer celles à venir. La diversité et les multiplicités des aspects culturels et géographiques, la diversité et la multiplicité des impératifs et des besoins exprimés appellent des démarches différenciées et des solutions multiples dont seule la progressivité permettra l'aboutissement sans débordement ni chamboulement préjudiciables. - Interactivité et intelligence collective : Ce n'est ni facile ni simple de continuer à gouverner un modèle de développement pertinent, résistant aux chocs, efficient, visible et organisé sans interactivité et intelligence collective. Une gouvernance interactive d'un modèle économique puise son énergie d'abord dans les ressorts de la société et les spécificités sociétales collectives. Dans ce cadre, je pense que notre société dispose de suffisamment de modes, de processus et de ressorts communs susceptibles de garantir cette interactivité et intelligence collective. - Gestion collaborative et totalement décentralisée des intérêts et des affaires collectives dans le Tajmaat management que tous les villages d'Algérie maîtrisent à la perfection. Un jeu démocratique interactif, progressiste et progressif, actualisé, proche de la réalité quotidienne des gouvernés et des problématiques effectives et réelles du terrain. - Gestion équitable des deniers et impératifs publics dont nous pouvons nous inspirer dans les systèmes de distribution d'eau, de gestion des écoles coraniques, dans la gestion des espaces publics communs à partir des ressorts culturels dont nous disposons déjà notamment l'eau des Foggara, la lumière des habitations El Herim/Harem, droit au passage Abridh/Iberdhan et le droit au savoir par le partage des charges et des frais d'installation de l'instituteur du village sur l'ensemble de la communauté dit Ettaleb, ainsi que la prise en charge commune des sinistrés El Mounnath/Dotation collective, la fixation des dots et des conditions des mariages dans la communauté Lamhar/El Mahr. - Un système national interactif de solidarité est également nécessaire pour la prise en charge des imprévus et des aspects et risques majeurs de la vie des concitoyens. Ici, nous pouvons également nous inspirer des Twiza de nos ancêtres qui disparaissent peu à peu dans ce sédentarisme rampant. Conjugués à une gestion décentralisé, les Twiza permettent une gestion efficace des transferts sociaux qui coûtent cher à la communauté. - Rajeunir le management des structures opérationnelles, des organisations dynamiques des positions stratégiques actives tout en garantissant une sagesse maximale des structures de surveillance, d'organismes de contrôle et des positions passives et défensives. Les premiers sont des compétiteurs athlétiques et des innovateurs innés, tandis que les seconds doivent être des conseils mûrs et des freins fiables. Ceci améliorera inévitablement, à la fois l'intelligence collective et l'interactivité globale du pays et de la nation. - Réalisme et rationalité : Comment définir un concept aussi relatif et aussi volatile ? Comment ne pas tomber ni dans la superficialité, la légèreté et l'insouciance de la jeunesse débordante ni dans la complexification, le pessimisme et les zones de confort de la vieillesse moribonde mais sereine ? Nous sommes d'ailleurs connus pour passer pour des narcissiques invétérés à la limite du dogmatisme, ce qui n'est pas pour nous aider à évoluer et à améliorer nos conditions de gouvernance ni notre modèle de développement économique. Deux types d'actions peuvent guider nos efforts de réalisme et d'autocritique : - Actions objectives et factuelles : ? Les structures de planification et de mesure des performances ont cédé la place à des administrations dont l'organisation est trop archaïque pour faire des études et des diagnostics objectifs et réalistes. Remettre ces structures de planification totalement dédiées au cœur des choix stratégiques en est le premier élément. ? Les retours d'information des structures décentralisées et les chiffres d'une bonne base de données permettront d'avancer des résultats factuels et incontestables. Ils permettront également de mettre le doigt sur les problématiques, les surestimations et les sous-estimations irréalistes et narcissiques des choix et décisions inutiles et potentiellement préjudiciables. ? Les diagnostics et les résultats des différents paramètres macro et microéconomiques du pays tels que perçus par les structures et les organisations internationales partenaires ou neutres permettent également d'affronter la réalité de nos performances avec humilité et bienveillance. - Actions subjectives : ? Construire l'identité économique nationale sur des bases existantes et des principes habituels aux concitoyens, car c'est le seul élément capable de forger un réalisme pratique et pragmatique sans écorcher les croyances identitaires et cultuelles du pays. La diversité sera intégrée comme élément de diversification fortifiant et non comme une légende exclusive et extrémiste narcissique. ? Construire un imaginaire collectif avec tous les moyens à disposition du gouverneur pour doter les instruments objectifs ci-dessous d'un cadre émotif et mental adéquat et convenable notamment via l'éducation nationale, les médias et les réseaux sociaux. ? Déconstruire méthodiquement et progressivement certaines croyances légendaires et narcissiques diffusées par le passé au sein de la société qui bloquent toutes les tentatives d'évolution et de progression pour des raisons purement psychologiques ou culturelles révolues ou dépassées ou des raisons simplement pécuniaires et de fonds de commerce politiques ambiants. Quelles que soient les propositions que nous ferons pour participer à l'évolution des modes de gouvernance et de conception des modèles de gouvernance de notre développement économique, nous ne saurons ni ne pourrons être exhaustifs et statiques dans nos choix et nos décisions. Évoluer avec notre environnement, nos partenaires et nos objectifs immédiats et lointains, nécessite non seulement un sens aigu de perspicacité et un long souffle de persévérance, mais également de l'humilité et de l'adaptation perpétuelle aux changements qui surviennent autour de nous. Cependant, certaines valeurs et principes de construction d'une civilisation pérenne, matures, restent immuables et inchangés depuis des siècles. Parmi ces constantes vertueuses, certaines en provenance de notre propre histoire, de notre propre géographie et de nos propres ancêtres dont le travail et l'intelligence sont parfois stupéfiantes et intemporelles. En effet, en guise de conclusion de cette modeste contribution, je vous propose de redécouvrir les conclusions et propositions rapportées et recommandées par notre célèbre sociologue et non moins économiste Ibn Khaldoun (2), reprises dans une contribution coécrite par deux chercheurs dont l'un est d'ailleurs algérien Smail GOUMEZIANE (4) et l'autre Tunisien Mohamed TALBI (5) et publiées sur plusieurs parties dans le magazine d'orientation africaine «Jeune Afrique» en 2006: «L'injustice ne peut être commise que par ceux qui échappent à la loi commune, ceux qui disposent de l'autorité et du pouvoir... [Il cite par la suite les tares suivantes] Spéculer en matière foncière et commerciale; prendre les biens d'autrui ou le faire travailler de force; lui réclamer plus que son dû ou le soumettre à un impôt illégal, ne pas respecter, de manière générale, les droits du peuple ... S'il y a spoliation brutale, si des atteintes ouvertes sont apportées à la propriété privée, aux femmes, aux vies, aux personnes, à l'honneur des sujets, le résultat en sera la désintégration soudaine, la ruine, la rapide destruction de la dynastie, en raison des inévitables troubles suscités par l'injustice... En réalité, la cause de tous ces abus, c'est le besoin d'argent que l'habitude du luxe entretient chez les gens au pouvoir [Or] la leçon de l'Histoire, c'est que l'injustice ruine la civilisation [prospérité] et, par suite, la dynastie [l'État-nation]... Dieu a été bon pour toi [à l'adresse du gouverneur/responsable], Il t'a fait obligation d'être bon pour ceux de Ses Serviteurs dont Il a fait tes sujets. Tu dois être juste envers eux, les défendre, protéger leurs familles et leurs femmes contre toute effusion de sang, leur donner la sécurité et leur permettre de vivre en paix... Que tes sentiments et tes ressentiments ne t'éloignent jamais de la justice. Suis partout la modération. La modération fait appel à la bonne voie. Celle-ci conduit au succès et le succès au bonheur ... Ne porte tes soupçons sur aucun de ceux que tu as chargés d'une tâche, avant d'être bien informé. Car c'est un crime que de soupçonner et de mal juger mal... Que la bonne opinion que tu auras de ton entourage et ta bienveillance envers tes sujets ne t'empêchent pas de faire des enquêtes, de bien étudier les problèmes, de t'occuper personnellement du travail de tes fonctionnaires et de défendre tes sujets en veillant à leur avantage et à leur intérêt ... Si tu prends un engagement, tiens-le. Si tu as fait la promesse d'une faveur, remplis-la. Garde-toi des mensonges. Méprise les menteurs et chasse les calomniateurs. Aime les gens bons et droits. Sois bienveillant envers les faibles ... Ne sois pas avare. L'avarice ruinerait, plus vite que n'importe quoi tes projets d'amélioration du sort du peuple. Si tu veux amasser des trésors, que ce soient ceux de la piété, de la crainte de Dieu, de la justice, de l'amélioration du sort de tes sujets, du développement de leurs terres, de l'administration de leurs affaires, de leur sécurité et du secours aux affligés. Tu dois savoir que les trésors accumulés ne fructifient pas, à moins d'être consacrés au bien-être du peuple, à lui assurer ses droits et à le préserver du besoin ... Consulte fréquemment les juristes. Prends les conseils des hommes pleins d'expérience et de sagesse ... Contrôle les registres et les contrats militaires. Augmente les soldes. Donne à tes soldats des moyens d'existence suffisants pour les tirer de la misère ... Sache que les fonctions de juge tiennent une place incomparable aux yeux de Dieu. Les décisions équitables, la justice au tribunal et en toute chose, tout cela contribue au bien-être des administrés. Car, de cette manière, on peut circuler en toute sécurité. Les opprimés sont enfin soulagés. Chacun rentre dans ses droits. Les vies humaines sont protégées. L'ordre est assuré ... Abstiens-toi de toute corruption. Applique les peines légales. Traite le plaignant avec équité. N'avantage aucun de tes sujets. Sois humain envers tous tes administrés ... Voyons maintenant l'impôt foncier, auquel sont soumis tes sujets. Dieu l'a institué pour renforcer et exalter l'islam, aider et protéger les musulmans Tu dois donc répartir équitablement cet impôt entre les contribuables. Pas de dispense pour les nobles, tes secrétaires, tes intimes ou ton entourage. Pas de charges excessives. N'impose personne exagérément. Traite tout le monde avec équité ... Finis aujourd'hui ton travail quotidien et ne le remets pas à demain. Et fais-en une bonne partie toi-même ... Occupe-toi personnellement des pauvres et des indigents, de ceux qui ne peuvent te faire part directement des injustices dont ils sont victimes, des humbles qui ne savent même pas qu'ils pourraient faire valoir leurs droits. Pense encore aux victimes des accidents, à leurs veuves, à leurs orphelins. Donne-leur des pensions sur le Trésor. Pensionne également les aveugles. Fonde des hôpitaux pour les musulmans malades, avec des gardes pour s'occuper d'eux et des médecins pour les soigner ... Aie des réunions fréquentes avec les docteurs de la loi : recherche leur avis et leur compagnie...» Si ceci ne peut constituer un cadre et une ligne de conduite de la gouvernance souhaitée et souhaitable, alors je ne vois pas comment, les spécialistes définiraient des principes directeurs Pertinents, Résilients, Efficients, Visionnaires, Organisés et Ordonnés, Intelligents et Interactifs, Réalistes et Rationnels. Je me suis permis d'user de mon présent pour retourner dans le passé et aller chercher dans nos racines et interroger nos ancêtres sur des pensées fécondes à même de germer, de mûrir et de se mâturer pour enfanter un avenir meilleur à nos descendants. Ne dit-on pas que «Féconder le passé en engendrant l'avenir, tel est le sens du présent» (6) ?! *Ancien banquier et consultant freelance en finances islamiques. Notes: (3) Ibn Khaldoun, dans El Mokaddima, tome II, chapitre relatif au rôle économique de l'Etat/gouverneur. (4) Docteur, ancien ministre du Commerce et professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine, dans Ibn Khaldoun, génie maghrébin, dans le magazine Jeune Afrique, 25 avril 2006. (5) Intellectuel, Historien tunisien, professeur à la faculté des sciences humaines de Tunis, 1921/20117, dans le magazine Jeune Afrique, 25 avril 2006. (6) Friedrich Nietzsche, philosophe allemand, 19844/1900. |