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C'est sous ce
thème qu'a été organisée la 15ème Assemblée générale du CODESRIA (Conseil pour
le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique) du 17 au 21
décembre 2018, à Dakar (Sénégal).
Le CODESRIA, pour ceux qui ne le connaissent pas, est une institution panafricaine, créée en 1973 à Dakar (Sénégal) et où est domicilié son siège, par un ensemble de chercheurs africains, de Samir Amin notamment, dans le but « de construire une Communauté scientifique autonome capable de penser et interpréter les réalités sociales, en Afrique, et contribuer à la réflexion sur les questions qui intéressent le monde dans sa globalité ». C'est, incontestablement, l'une des plus importantes institutions contribuant à la production de connaissances en Afrique. C'est ce qu'a indiqué un rapport du ?Think Tanks and Civil Societies Program' de l'Université de Pennsylvanie (Etats-Unis), celui publié en 2011, classant les ?Think Tanks' dans le monde. Selon ce rapport, au plan mondial, le CODESRIA, de par ses performances, fait partie des 30 premiers ?Think Tanks' s'intéressant aux questions de développement. Le CODESRIA est reconnu non seulement comme l'organisation pionnière de la Recherche africaine en Sciences sociales, mais aussi comme le principal Centre non gouvernemental de production de connaissances en Sciences sociales sur le continent. Le financement des activités du CODESRIA provient de plusieurs sources qui sont des contributions d'un certain nombre d'institutions dont les principaux bailleurs de fonds sont : SIDA/SAREC, DANIDA, FINIDA, Fondation FORD, Fondation pour le renforcement de capacités en Afrique (ACBF), Gouvernement du Sénégal, Ministère néerlandais des Affaires étrangères, NORAD. Le CODESRIA organise des Assemblées générales qui se réunissent tous les 3 ans, sous forme d'un rassemblement de chercheurs et d'universitaires travaillant dans les Sciences sociales et humaines, en Afrique et dans la diaspora. Les Assemblées générales du CODESRIA sont, au fil des années devenues, une plate-forme de discussions critiques sur les tendances socioéconomiques, politiques et culturelles qui influent sur le développement de l'Afrique, ainsi que l'état de la production de connaissances, dans les Sciences sociales et humaines. Ceci étant , le choix du thème retenu pour cette 15ème Assemblée générale, n'est pas fortuit, loin de là, comme l'a exprimé Dzodzi Tsikata, de l'Université du Ghana, actuelle présidente du CODESRIA, dans un préambule à la conférence «Nous avons pensé, tout à fait approprié, de revenir sur la question de la mondialisation dans la conjoncture actuelle où la mondialisation néo-libérale est en pleine tempête - crise financière, alimentaire et énergétique mondiale combinée, à laquelle aucun pays ne s'est complètement remis du fait de l'enracinement des politiques d'austérité. En Europe, la crise existentielle du projet européen peut être perçue dans la tourmente économique, sociale et politique, le mécontentement de populations rétives, la montée de l'ultra-nationalisme et du populisme de droite, les sentiments anti-immigration et anti-migrants et l'incertitude, à la suite du vote pour le Brexit au Royaume-Uni. Aux États-Unis, les dernières élections ont mis en évidence des forces qui mettent à mal le libre-échange et promeuvent des programmes agressifs de primauté des intérêts nationaux qui pourraient mener à des conflits commerciaux, à long terme, avec des ramifications au-delà de la sphère économique. » Comme l'a relevé la conférencière, aussi, « la montée en puissance de la Chine en tant que puissance économique et son influence croissante sur la scène mondiale et en Afrique, constituent, également, un développement important qui a des implications pour l'avenir de l'ordre mondial. » Et dans cet ordre, ainsi établi, la place de l'Afrique est celle de « pourvoyeur de matières premières, de terres arables et d'eau, mais aussi de migrants non désirés », alors que le besoin continental d'industrialisation et la transformation structurelle exigent de « une conversation élargie et rigoureuse sur la manière dont cette conjoncture affectera l'Afrique et les Africains, et ce qu'elle signifie pour l'Afrique du futur ». Cette année, aussi, l'Assemblée générale a attiré un grand nombre de candidats dont les communications ont été soumises à un processus d'évaluation à l'aveugle et par des pairs. Un peu plus de 35 pays sont représentés. Une forte présence panafricaine (plus de 300 participants). Outre les nombreuses sessions où des communications sont présentées dans les nombreux axes de réflexion, 4 séances plénières ont été aussi consacrées à célébrer des intellectuels et chercheurs africains qui ont joué un rôle important dans la trajectoire historique du CODESRIA. Ce sont, feus Aminata Diaw, Abdul Raufu Mustapha et Samir Amin. Ceci étant la séance inaugurale a été marquée par deux communications présentées respectivement par notre ministre de l'Education nationale, Nouria Benghabrit-Remaoun et le ministre de l'Enseignement supérieur de la Recherche et de l'Innovation de la République du Sénégal, Pr Mary Teuw Niane. La communication de notre ministre de l'Education nationale Nouria Benghabrit a mis l'accent sur la nécessité, pour les pays africains de « fonder un nouvel élan sur un nouveau socle de valeurs et d'actions » pour faire face aux enjeux que leur impose la mondialisation », face aux phénomènes sociaux qui interpellent, aujourd'hui, les gouvernements africains avec acuité, notamment « les flux migratoires vers ?l'Eldorado' européen, de milliers de jeunes Africains au péril de leur vie (?) et l'invasion numérique dont certains contenus endoctrinent nombre de jeunes « déchantés », affirmant que « c'est notamment grâce à l'école que cela peut s'accomplir », plaidant pour la valorisation de l' « africanité » des Africains et pour la nécessité de « les mettre en valeur chez eux ». Ajoutant : « l'apprentissage de l'esprit critique, de l'éducation à l'innovation et de la créativité doit être au cœur du processus éducatif. Désormais, les progrès ne sont plus liés à la seule science et à la seule technicité mais, plutôt à l'usage qu'on en a fait et à nos capacités organisationnelles ». Notre ministre de l'Education nationale a, aussi, marqué sa présence en tant qu'universitaire /chercheuse. On lui a confié la présidence d'un panel intitulé : « Genre, libération et luttes politiques : célébration du Professeur Aminata Diaw », en hommage au Professeur Aminata Diaw, une intellectuelle sénégalaise, aujourd'hui disparue, qui a marqué toute une époque par son engagement, non seulement par la pensée (production des idées), mais aussi par l'action, pour la promotion de la femme africaine. Notre ministre s'est acquittée brillamment de cette tâche, démontrant en fait qu'elle demeure une universitaire /chercheuse accomplie, engagée depuis longtemps pour défendre la Cause africaine au sein du CODERIA, notamment où elle fut membre du Conseil exécutif durant de nombreuses années. Quant au ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation de la République du Sénégal, Pr Mary Teuw Niane, il a, dans une longue allocution, présenté le plan de développement de son secteur qui permettra au Sénégal d'aspirer à l'émergence vers 2035. Parmi les plus marquantes personnalités invitées cette année, il y avait: - Thabo Mbeki, ancien président de la République d'Afrique du Sud, qui prononcera la conférence. - Cheikh Anta Diop - Wole Soyinka, dramaturge, poète et essayiste, lauréat du Prix Nobel de littérature. Tous deux ont longuement intervenu devant l'ensemble des participants pour exprimer les préoccupations des Africains pour retracer comme le fit l'ex président de la République d'Afrique du Sud, Thabo Mbeki, sans détours, la problématique du développement socio-économique de l'Afrique, mettant en exergue certains blocages inhérents, non seulement, au mode de gouvernance qui prévaut à l'échelle mondiale, mais aussi le manque d'engagement de beaucoup de pays africains pour bouleverser les schémas de développement qui n'ont guère fait avancer le progrès, en Afrique. Thabo Mbeki a intrigué tout le monde avec une brève référence à la façon dont les réformes proposées par l'Union africaine proposées par Kagame étaient « susceptibles d'affaiblir, pas de renforcer » l'Organe continental, et a renoncé à en dire plus. L'Afrique sous le NEPAD a présenté son plan d'action au G8 pour l'Afrique. Il s'agissait d'un plan pour le développement de l'Afrique, du point de vue africain. Les dirigeants africains s'attendaient à ce que le G8 prenne le NEPAD au sérieux. Quelques années plus tard, ce n'était même pas à l'ordre du jour. En 2010, le Plan d'action pour l'Afrique du G8 avait disparu du programme du G8 » Concernant la Chine, l'ex. président de l'Afrique du Sud estime que l'Afrique est trop faible pour négocier avec la Chine des accords loyaux aux pays africains. Les résultats des relations de pouvoir asymétriques entre la Chine et les pays africains désavantagent les pays africains, ce qui a des conséquences négatives pour l'Afrique. Nous avons besoin, a-t-il souligné, d'une Union africaine forte pour relever les défis de l'Afrique face à la mondialisation. Pour sa part, Wole Soyinka a, dans une longue allocution, traversée par de nombreuses imageries que seul un écrivain de sa trempe pouvait le faire, montré, exemples à l'appui, les incohérences et les contradictions des politiques publiques, en Afrique, (importer des produits au détriment des produits similaires produits localement et réduire les cultures vivrières au profit des cultures d'exportation, ou les paysans redeviennent des prolétaires après avoir cru qu'ils s'en étaient émancipés. Tabo Mbeki autant que Wole Soyinka ont été ovationnés, avant d'être invités à répondre à de nombreuses questions que beaucoup de participants s'empressaient à formuler. Les contributions des panels, des interventions en séance plénière, ont traité par ailleurs, de nombreuses questions parmi lesquelles les itinéraires et itérations de la mondialisation, les expériences africaines de la mondialisation par rapport aux idéaux du panafricanisme et de l'intégration régionale africaine, la forme et les fortunes de l'État-nation sous la mondialisation, et les implications de la mondialisation pour la production de connaissances, les économies, les processus politiques, les questions religieuses et écologiques, entre autres ». Un panel a, particulièrement, attiré l'attention, c'est celui des Chinois qui étaient présents avec une équipe de jeunes conférenciers (un panel intitulé ?Opportunités et défis: coopération sino-africaine dans le contexte de la mondialisation », annimé par 4 universitaires, (présidé par le professeur Zhu Weidong, de l'Institute of West-Asian and African Studies CASS (China), maîtrisant parfaitement la langue anglaise. Ils ont décortiqué chiffres et graphes à l'appui, avec un art consommé de la persuasion, la coopération sino-africaine. Un débat, très animé, a été entamé sur l'argumentaire très serré, sans failles, qu'ils ont déroulé devant une assistance nombreuse (la salle ne pouvait contenir tous ceux que la curiosité, comme ce fut mon cas, ont été attirés vers ce panel). Concernant la participation des Algériens, outre la présence remarquée de notre ministre de l'Education nationale, il y a lieu d'évoquer l'intervention magistrale du professeur Hassen Remaoun, au cours de la session consacrée pour rendre hommage à Samir Amin, dont l'ombre planait autour de cette Assemblée générale. Le professeur Hassen Remaoun a mis en exergue lors de son intervention, les deux côtés de la personnalité de Sami Amin, le penseur (théoricien du développement inégal ), et l'homme d'action. Samir Amin est à l'origine de la création de nombreuses institutions, comme le Forum du Tiers Monde, Le Forum altermondialiste, le CODESRIA... A noter aussi le panel intitulé ?Mondialisation et référents politico-religieux nationaux en Algérie', parrainé par le Centre de Recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) qui a été présidé par le jeune Professeur Djilali El Mestari, actuel directeur du CRASC où 5 conférences ont été présentées : 1. Amar Mohand-Amer, CRASC (Algérie), Etat-national et réfèrent(s) religieux. 2. Fouad Nouar, Djilali El Mestari, CRASC (Algérie): Jeunes et références religieuses en Algérie : éléments d'une enquête de terrain. 3. Belkacem Benzenine, CRASC (Algérie) : La condition féminine et le référent religieux. 4. Abdelouahab Belguerras, CRASC (Algérie) : Soufisme et référent religieux national. 5. Khadidja Mokaddem, CRASC (Algérie) : Le réfèrent religieux dans le discours officiel La participation aussi du Professeur(e) M. Ammara Bekkouche, de l'Université des Sciences et de la Technologie d'Oran (Algérie) qui a présidé une session parallèle intitulée: ?La mondialisation, la décolonisation et la question de la production du savoir en Afrique'. Et enfin, l'auteur de ces lignes qui a présenté une communication intitulée : ?L'état-nation, la mondialisation et la gestion de la diversité culturelle en Afrique : l'expérience algérienne », dans la session intitulée ?État-nation et l'expérience de la mondialisation », présidée par le Professeur Mamadou Diouf de Columbia University (USA). Dans cette communication nous avons commencé par souligner que de nombreux écrits ont déjà appréhendé la question du sort des Etats-nations dans le contexte de la mondialisation. Ainsi , plutôt que de rester dans les généralités et la redondance des propos, sur l'impact de la mondialisation sur l'Etat-nation en Afrique (consolidation ou effritement), nous avons choisi de traiter un aspect, sans doute le plus essentiel au regard du concept d'Etat-Nation, à savoir : la culture (ciment de toute identité nationale) dans un pays, le plus grand par la superficie et sans doute le plus diversifié culturellement, à savoir l'Algérie. Lorsqu'on parle de l'Afrique, on oublie souvent, en effet, qu'on parle d'un ensemble de pays très disparates, chaque pays ayant ses spécificités, même si elles se retrouvent, quelque part ,chez le voisin. Chaque pays à son histoire propre dans la quête de la construction d'un Etat-nation menacé, présentement, par le phénomène de mondialisation. Nous avons considéré, à la suite de nombreux auteurs, que la question de la gestion de la diversité culturelle se révèle, aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation néo-libérale avec son cortège de conséquences en termes d'uniformisation et de standardisation culturelle, d'essence occidentalo-centriste, au centre des enjeux existentiels pour les peuples et communautés qui, au-delà de valeurs universelles partagées, ont des spécificités qui doivent être reconnues et défendues. Les revendications identitaires qui se sont exacerbées dans un tel contexte, notamment en Afrique et dans le monde arabe, doivent être ainsi considérées avec attention. La gestion de la diversité culturelle revêt donc, dans les pays africains, sans doute plus qu'ailleurs, une importance particulière par les dangers réels et potentiels, éclatés ou latents considérables qu'elle renferme. Tous les pays ont tenté et tentent des réformes de leurs systèmes socio-politiques et culturels avec des résultats mitigés. L'Algérie, qui fait l'objet de notre analyse, en a fait autant depuis plus de 3 décennies. Dans ce pays, qui se présente comme un cas quasi unique d'anatomie socio-politique et économique, beaucoup a été fait sur le plan de la gestion de la diversité culturelle mais beaucoup reste à faire si on veut éviter un déchirement aux conséquences incalculables pour toute l'Afrique du Nord et au-delà au Sahel avec des retombées en Europe sans doute autrement plus graves que celles de la Libye (sous la menace d'un éclatement tribal). - Comment est conçue et menée la gestion de la diversité culturelle en Algérie ? - Répond-elle aux revendications exprimées et/ou anticipées ? - Ne faut-il pas envisager, comme le suggèrent de nombreux chercheurs de remettre en cause le modèle jacobin centraliste qui étouffe les particularités, et penser, par conséquent, à une authentique décentralisation ? Telles ont les principaux questionnements auxquels nous avons tenté, très synthétiquement d'apporter des réponses. *Dr. Université de Tlemcen |