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Le monde entier,
enfin celui qui compte, braque un regard attendri sur Berlin, s'émeut du remake
de la chute du Mur, s'auto congratule de la liberté retrouvée et du retour des
Européens égarés dans le giron de l'Occident. Le «monde entier», enfin celui
qui compte, celui qui pèse, celui qui décide, se félicite de l'abolition des
frontières, du retour de la justice et de la démocratie. Pour tous ? Enfin
presque, disons pour ceux qui comptent, pour ceux qui sont nés du bon côté de
la mer, pour ceux dont la santé, les loisirs, le train de vie constituent
l'alpha et l'oméga de la politique mondiale.
C'est qu'il n'y a pas d'autre Mur que celui de Berlin. Seul a le droit d'être qualifié de Mur, celui qui enferme des populations dont la vocation est d'être riches, de consommer les biens de la Terre sans se préoccuper de l'existence d'un ailleurs. Il n'y en a pas à la frontière du Mexique, puisque celui qui s'efforce de lui ressembler n'est là que pour protéger l'opulence étatsunienne de la misère mexicaine. Il n'y en a pas à Chypre pour séparer torchons grecs des serviettes turques (à moins que ce soit l'inverse). Il n'y en a pas à la frontière de l'Arabie saoudite pour séparer les pouilleux yéménites de leurs «frères» arabes riches. Il n'y en a pas en Corée, au Cachemire, à Bagdad, à Belfast... Il n'y en a surtout pas en Palestine. La «barrière de sécurité», selon l'euphémisme consacré, sert à protéger Israël, un Etat démocratique, contre les assauts des Barbares. N'allez pas imaginer que ces barbares se révoltent contre la spoliation dont ils ont fait l'objet. N'allez pas croire qu'ils se rebellent contre la confiscation de leurs terres, la négation de leur identité (comme s'ils pouvaient en avoir une !). Otez-vous de la tête qu'ils s'élèvent contre les massacres dont ils font régulièrement l'objet (comme si ce n'était pas leur vocation !). D'ailleurs, la vertueuse Allemagne réunifiée vient de voter à l'ONU contre le rapport Goldstone, du nom de ce drôle d'individu qui s'est mis en tête que l'assassinat d'indigènes pouvait constituer un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité ! Cette vertueuse Allemagne, réunifiée dans la joie, cette belle et bonne Allemagne toute heureuse de fêter sous les yeux ébaubis du «monde entier», enfin celui qui compte, le retour de tous ses sujets sous la bannière confortable de l'Occident, cette Allemagne, «symbole de la liberté», démontre que, pour autant, il n'y a de liberté que pour les citoyens du «monde entier», c'est-à-dire, les citoyens du monde occidental, riche et moral. Les Palestiniens, et tous les damnés de la terre qu'ils incarnent, ne font pas partie de ce «monde entier». Ils ne font pas partie de la «communauté internationale», vous savez, celle qui s'indigne des violations du droit partout, celle qui décrète ce qui est juste, ce qui est licite, celle qui applique des «standards adaptés» à chaque région du monde, celle qui s'offusque de massacres dans une région du monde et les justifie dans une autre. Les damnés de la Terre ne comptent pas, enfin pour l'heure. Qu'en sera-t-il demain ? Il en ira autrement, à coup sûr. Le «monde entier» actuel ferait bien de faire attention à ne pas accabler ceux qui n'en font pas partie de son mépris et de son injustice. La roue de l'Histoire tourne. Il vaudrait mieux déminer le présent pour que l'avenir ne nous explose pas à la figure ! |