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Il nous semble enfin que le
recteur doit admettre le principe de son évaluation périodique par un comité
d'experts et la possibilité d'être remercié (ou congédié) en fonction de ses
résultats. Il devra, nous semble-t-il, être nommé pour un mandat de cinq années
renouvelable une seule fois.
De l'organisation universitaire L'université croule actuellement sous le nombre d'étudiants. Chacun en est conscient. Il y aurait évidemment deux options possibles : i) mettre en place un système de sélection à l'entrée universitaire ; cette solution, outre son caractère très impopulaire donc pratiquement impossible à mettre en place, est en contradiction avec le principe même d'ouverture de l'université et de droit du citoyen à la connaissance et aux savoirs ; ou ii) revoir la forme d'organisation de l'université en sortant du schéma traditionnel où la quantité tue la qualité. La seconde solution nous semble plus pragmatique et facile à mettre en œuvre. En quoi consiste-t-elle ? Cette solution part : a) du constat de la massification universitaire qui tue, rappelons-le, la qualité et b) d'un projet à moyen terme d'une université algérienne d'excellence ; cet objectif ne peut être atteint que si l'étudiant entrant dans le système est «qualifié», c'est-à-dire capable de franchir les étapes de sortie dans des délais réglementaires. A notre avis, l'université devrait être scindée en deux structures distinctes mais complémentaires : a) une université, au sens noble et plein du terme qui se concentrerait, au niveau de la formation, sur les niveaux supérieurs, soit le master et le doctorat et b) un centre universitaire de formation intermédiaire pour la licence, le DUT, le DU et autres équivalents. Le centre universitaire doit ainsi avoir pour objectif essentiel de « produire » l'étudiant véritablement qualifié pour poursuivre des études longues ou encore pour entrer efficacement dans la vie active avec des savoir-faire et des compétences théoriques prouvées et appréciées. Certes, cette solution serait de loin celle qui soulèvera le plus d'opposition ; elle reste néanmoins, à notre avis, l'une des plus efficaces pour redresser la situation de l'université algérienne qui n'arrive pas à décider des choix douloureux, notamment entre la qualité et la quantité, entre la pédagogie et la recherche, entre le quotidien et l'avenir. En tous cas, cette solution ne devrait pas être définitive ; elle tiendrait au plus une dizaine d'années, le temps que la situation devienne «normale». Université et accompagnement éducatif L'université, au sens où nous venons de le définir, doit avoir pour objectif de former les formateurs de haut niveau et les élites capables d'observer, de réfléchir, de chercher et de trouver des solutions aux nombreux problèmes du développement, capables aussi de devancer les questions scientifiques et technologiques, de former en quelque sorte des visionnaires scientifiques et technologiques ! Pour cela elle se doit d'aller chercher dans le système éducatif et dans le champ social les enfants prédisposés puis à les accompagner selon des formes à imaginer et à mettre en place. Université et société Actuellement l'université algérienne ne jouit pas d'une bonne impression ou d'une bonne appréciation à la fois au niveau interne national mais aussi au niveau étranger. On a souvent tendance à dire, dans notre champ social, que les sortants de l'université algérienne ne savent rien faire. Il y a évidemment bien des carences comme le souligne le professeur Khelil dans son article, comme des enseignants mal formés, une organisation quasi inexistante, la recherche du diplôme et des notes à moindre effort. La faute n'incombe pas à l'université seule. La société, dans son ensemble, participe à faire de l'université algérienne ce qu'elle est devenue. Mais la société ne s'en rend malheureusement pas compte. Elle ne se rend pas compte que l'université reçoit le produit de la société. Les étudiants qu'elle reçoit sont les enfants de la société, mes enfants et les vôtres ; ceux que nous avons éduqués à tricher, à voler, à déconsidérer l'effort et le travail, à prendre sans donner ; ceux que nous avons nous-mêmes éduqués au piston, à l'intervention pour tout, pour avoir un travail, pour être servi en premier, pour griller la chaîne, pour avoir de bonnes notes, pour avoir une belle voiture, les meilleurs vêtements ; ceux que nous avons éduqués à l'assistanat, ceux que nous n'avons pu empêcher de céder à la violence, à la sauvagerie, à la barbarie en agressant à coups de marteau jusqu'à la mort leur propre professeur ; ceux à qui nous n'avons pas appris à réagir à la violence sous toutes ses formes comme nous l'a recommandé le Prophète de l'Islam. Nous sommes-nous posés la question comment l'université peut-elle former, ou plutôt reformer, ces invertis ? Elle n'en a pas les moyens et, de toute façon, ce n'est pas son rôle. Alors que faire ? La solution est dans l'éducation de la société et sa sensibilisation aux valeurs morales, aux valeurs religieuses, au respect de la nature (la toufsidou fi alardhi), au goût de l'art, au respect de l'Autre ; la solution est aussi dans la recherche sociale qui, à notre avis, ne joue pas complètement son rôle. Certes, certains éminents collègues ont souvent tiré la sonnette d'alarme. Qui les écoute et qui les lit ? Il me semble que là aussi, bien des choses sont à faire ; mais il s'agit là d'une autre réflexion ! L'université algérienne et la recherche scientifique Nous avions hérité à l'Indépendance de l'existence de quelques structures et équipes de recherches suffisamment performantes : l'Institut d'études nucléaires, le Département de physique du globe de l'université d'Alger, l'Institut agronomique, l'Observatoire de Bouzaréah. Il nous faut noter et signaler ici que les thèmes abordés dans ces structures produisent, pour la plupart, des effets d'entraînement sur les autres savoirs et nécessitent l'interdisciplinarité, la mutualisation des moyens, le travail en équipe. La physique du globe met en œuvre les mathématiques, la physique, la chimie, l'analyse numérique et que sais-je encore ? Les sciences et la technologie nucléaires avaient permis de mettre au point et de lancer, non seulement l'arme atomique, mais également la technologie spatiale, le laser, la résonnance magnétique nucléaire, les algorithmes complexes? La recherche scientifique en Algérie avait été organisée par l'Organisme national de la recherche scientifique (ONRS) avec des projets nationaux prioritaires de recherches, des centres thématiques de recherches et des équipes universitaires souvent très performantes. L'Institut d'études nucléaires, devenu par la suite Centre des sciences et de la technologie nucléaires, a été découpé en centres de développement indépendants ; l'ONRS avait été dissous avec ses centres de recherches et ses équipes ; la stratégie basée sur des programmes prioritaires avait été abandonnée ; la recherche scientifique algérienne a commencé à sombrer dans la médiocrité bien que des îlots de résistance persistent encore courageux et isolés ; l'encadrement doctoral, épine dorsale de la recherche, a commencé à perdre de sa notoriété ; des directeurs de thèses qui inscrivent une dizaine ou une quinzaine de doctorants sans les suivre? Il est temps que l'on fasse un diagnostic sérieux de l'histoire de notre recherche. Pas un diagnostic conventionnel se terminant par un rapport que personne ne lira. Mais plutôt la mise en place d'un master en technique et histoire du développement scientifique et technologique ; il y aura dans ce master un volet spécifique sur l'histoire et le développement de l'activité de recherche en Algérie et bien entendu des sujets de doctorat sur toutes les questions proches de ces thèmes. La différence entre le rapport (ou diagnostic) conventionnel et ce master est si évidente qu'on n'y prête pas attention : le rapport conventionnel sert de base aux réformes dans les pays qui font confiance à leurs cadres ; ici, il sert à alimenter les archives et les tiroirs. La formation de master alimentera au contraire les esprits et permettra de faire réfléchir nos jeunes apprentis chercheurs aux questions intimes du développement scientifique et aussi à l'histoire de la recherche en Algérie afin d'éviter les erreurs, à ne pas dupliquer (en croyant inventer) ce qui s'est déjà réalisé avec succès les années 70, rendre, quand il le faut, hommage aux anciens, à leurs aînés. En guise de conclusion Nous remercions encore une fois le professeur Khelil pour son article. Nous avons ici tenté de formuler une sorte de complément à ses propositions. Certes, les idées développées dans cet article peuvent paraître un peu utopiques ou tout au moins difficiles à réaliser. Elles sont pourtant nécessaires si nous voulons vraiment sortir notre université, et par là même notre société, de la médiocrité et du malaise dans lesquels elle se trouve embourbée. Il faudra du courage, beaucoup de courage pour les accepter et les réaliser ; il faudrait sûrement des sacrifices ; mais il faudra surtout expliquer, informer, sensibiliser avant de les entamer ; il faudra obtenir l'adhésion volontaire de tous les citoyens (et pas seulement la population universitaire) si on veut vraiment réussir ces réformes de profondeur. Dans cet article nous n'avons pas parlé des cursus eux-mêmes. Il s'agit d'un sujet tellement vaste et épineux que nous l'avons intentionnellement écarté dans cette discussion. Mais nous notons que ce volet devra également être débattu quant à la stratégie globale de formation, quant aux multiples choix de cursus, quant aux prérogatives mêmes de l'université en tant qu'institution publique sur les choix d'orientation. La question des écoles supérieures, des grandes écoles, des écoles ou universités privées devra également être discutée de manière sereine dans le cadre d'une stratégie nationale complète d'éducation et de formation. *Ancien recteur, Ancien directeur du Centre de développement des techniques avancées - Professeur honoris causa de l'université de Bucarest, Médaillé de l'université Paris Est Créteil |