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Zahia nous a quittés, sans quitter Oran, le 12 juillet 2022. Ville
qu'elle a choisie, adoptée et servie jalousement durant plus du beau et
conscient tiers de sa vie. Bien que native d'une grande famille intellectuelle
de la vielle cité conservatrice de Constantine, et après des passages en France
où elle parfait sa formation médicale de médecin-réanimateur ; à Annaba où elle
dirigea son université ; puis à Alger devenue ministre de la Santé, Zahia s'est posée consciemment, peut-être amoureusement,
mais définitivement à Oran. Ville qu'on croit posséder mais qui, au juste, vous
adopte et vous possède, entièrement, en définitive...
A commencer par le thaumaturge soufi Sidi El Houari, venu des tribus rurales des Houarra de l'Est de Mostaganem pour devenir le serviteur et Saint Patron respecté et redouté d'Oran jusqu'à inspirer pour le choix de son nom de guerre le président Houari Boumediene. Cette ville, première ville d'étude et puis premier siège politique de l'Emir après son départ de son terroir natal d'El Gueitna des rives de l'Oued Bouhanifia en non de Mascara, n'en déplaise aux bourgeoisies citadines anciennes de Mascara et dont il ne fut jamais extrait, a accueilli en son sein et corps social fertile ce juste et preux Si Hakim alias Larbi Ben M'hidi, militant nationaliste et premier responsable de la Wilaya V. Puis se succédèrent les épilogues révolutionnaires et, parfois, tragiques d'Ahmed Zabana, enfant de la paysannerie de Jeniène Meskine et premier guillotiné de la guerre de libération algérienne. Puis suivirent les jeunes distingués et beaux compagnons de Hamou Boutlelis avant d'être suivis, après les soubresauts encore incompréhensibles de l'indépendance, ce juste créateur du théâtre révolutionnaire et populaire, Abdelkader Alloula, plus proche des petites gens du peuple que des nouvelles bourgeoisies avides en formation dans le nouvel Etat. Toutes ces belles personnes, autant que pour Zahia Mentouri, étaient d'ailleurs et ont adopté et servi Oran pour devenir à jamais ces perles et lumières qui éclairent les nuits et moments douloureux du pays. Ville cosmopolite par excellence d'Algérie, Oran est la ville qui n'appartient à aucune communauté particulière du pays mais à tous ceux qui portent en eux l'amour du pays, des petites gens humbles, simples, humaines et, surtout, dénuées de morgue d'éducation bourgeoise tellement contre-productive. Cette grande ville et deuxième métropole du pays restée à caractère bonnement rural ne sera jamais une cité bourgeoise, citadine et donc rétrograde. Merci à Zahia Mentouri Chentouf qui y a par sa vie grandement contribué à cela. Souvenons-nous aussi qu'au niveau professionnel de sa praxis médicale et de formation des spécialistes en médecine, Zahia a, au jour le jour, contribué à démanteler les vieilles et rigides habitudes bourgeoises et compradores qui sclérosaient jusque-là le milieu médical de la cité et du pays. Elle s'attela en effet d'une manière conciliante mais décidée à combattre les visions élitistes et socio-électives de classe sociale des praticiens et formateurs de la médecine qui y régnaient en féodaux détenteurs d'une chasse gardée. Ce que confirmeront, au lendemain de sa disparition, les témoignages spontanés de certains de ses collègues, étudiants et amis adressés aux membres proches de la défunte : - Chère Fadéla (Professeure Fadéla Chentouf, belle-sœur et amie de Zahia), chers Amis Lions, nous avons perdu en la personne de Mentouri Chentouf Zahia, une grande personnalité, une grande figure de la Réanimation en Algérie, une bâtisseuse de l'Université algérienne, un grand levier de la Recherche scientifique en santé, une référence en Pédagogie médicale. Sur le plan humain, une Grande dame Seigneure, généreuse, disponible, humble et aimable. Sur le plan relationnel, une grande capacité d'écoute, une fluidité dans la communication, et une forte sympathie. Nous la regretterons et l'Algérie perd en elle l'une des figures de la brillante génération post-indépendance qui a relevé le défi après le départ des coopérants étrangers. Elle a été avec le professeur Aberkane les pionniers de la spécialité de Réanimation médicale et les pionniers de l'avènement des INESSM. Elle a été ministre de la Santé l'artisane de la réforme des études médicales en 1992. Elle a présidé la première création de la filière médicale en 1998. Elle a succédée à un autre monument de notre communauté médicale d'Oran le Professeur Touhami. Elle a été l'instigatrice de la création de la spécialité d'Anesthésie Réanimation de l'enfant à la fin de sa carrière. Reposes en paix Zahia, saches que nous ne t'oublierons jamais. L'Algérie debout n'oubliera jamais ses vrais militants de l'ombre, ses vrais enfants légitimes, modèles pour les générations futures. (Texte signé) Noureddine Bachir Bouiadjra (Professeur de Chirurgie au CHU d'Oran). - Hommage au Professeure Zahia Mentouri-Chentouf. Le lundi 12 juillet 2022, tard le soir, nous a quittés à 77 ans et après une longue maladie, Zahia Mentouri-Chentouf. Zahia Mentouri-Chentouf est née à Constantine dans une grande famille qui a donné à ce pays des grands résistants et des hommes illustres. Elle a choisi de s'engager dans la dure spécialité de réanimation dans laquelle elle a été pionnière pour créer le DEMS d'anesthésie-réanimation et a formé des générations de spécialistes dans la région ouest. Elle a aussi occupé des postes de responsabilité, rectrice de l'université de Annaba, puis ministre de la Santé sous la présidence de feu Mohamed Boudiaf. Madame Mentouri-Chentouf a été parmi les bâtisseurs de la Recherche scientifique en Algérie, et plus particulièrement de la Recherche en santé où elle a conduit entre 1997 et 2003, le Conseil scientifique de l'Agence nationale de développement de la recherche en santé (aujourd'hui ATRSS), dont elle a pris la direction jusqu'en 2012. Elle a contribué à l'élaboration d'une nouvelle loi sur la recherche scientifique adoptée en 2008 qui élève la santé publique au rang de priorité nationale. Elle a organisé à Alger la Conférence africaine sur la Recherche en santé qui a préparé la Conférence ministérielle mondiale sur la Recherche en santé tenue à Bamako (Mali) en 2009. Elle laisse un mari et une fille éplorés. Qu'ils trouvent ici toute notre sympathie. Femme de cœur et de courage, pleine d'énergie, intègre, solidaire et humaine, elle était animée de grandes valeurs morales et professionnelles. Elle défendait âprement une vision avant-gardiste de la Santé et de la Recherche pour l'Algérie. Elle est l'exemple à suivre, elle qui a tant donné, tant construit et initié tant de belles rencontres. Allah Yarhamha. Qu'elle repose en paix. (Texte signé) : de la part du professeure L. Houti, Epidémiologiste, Faculté de Médecine d'Oran. Enfin, pour sa grande générosité, humanité et clairvoyance sociale que très peu de personnes peuvent égaler, il nous reste à évoquer pour illustrer sa belle personnalité, ce bonheur merveilleux et miraculeux appelé Saada, aujourd'hui belle jeune femme et maman heureuse et accomplie, que Zahia a, enfant, réanimé, puis sauvé d'une mort certaine par égorgement lors d'une attaque terroriste perpétrée dans un campement nomade une affreuse nuit des années 90. Zahia a adopté et élevé Saada jusqu'à en faire une femme, une citoyenne, qui à son tour perpétue la vie et le bonheur autour d'elle. De cet enfant victime du terrorisme, elle en a fait Sa propre Fille... Elle, qui prise dans le tourbillon des choses à faire pour le pays et la médecine publique, n'avait pas pris le temps de s'occuper d'elle-même, ni de procréer pour se perpétuer et exister comme le font des multitudes de femmes malheureusement restées anonymes. Paix à toi Zahia, je témoigne personnellement que ta vie a été belle, solidaire, utile et admirablement Juste. (*) Professeur de l'Université d'Oran à la retraite |