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3.-L'écart
s'explique par dix raisons
? Premièrement, par la diminution de l'offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l'épargne de l'émigration, le montant des retraites transférées étant estimé à environ deux milliards de dollars mais qui iront en baisse avec les décès des retraités, les jeunes n'ayant pas les comportements de leurs parents. ? Deuxièmement, cette baisse de l'offre de devises a été contre-balancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie (surfacturation). Ces montants, fonctionnant comme des vases communicants entre l'étranger et l'Algérie, renforcent l'offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises et l'offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé. Ce retour d'une fraction de capitaux illicites alimente certes le marché parallèle mais s'investit dans l'immobilier (blanchiment) expliquant malgré toutes les constructions le prix élevé dans les grandes agglomérations, ? Troisièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent: touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis, du fait de la faiblesse de l'allocation devises dérisoire. ? Quatrièmement, mais ce sont les agences de voyages qui, à défaut de bénéficier du droit au change, recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement, elles exportent des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie. ? Cinquièmement, la forte demande provient de la sphère informelle qui contrôle une importante masse monétaire en circulation (avec une concentration au profit d'une minorité rentière) et qui contrôle 65% des segments des différents marchés marché ; fruits/légumes, de la viande rouge/blanche, marché du poisson et à travers l'importation, utilisant des petits revendeurs, le marché textile/cuir. Car existent une intermédiation financière informelle loin des circuits étatiques. Au niveau de cette sphère qui est le produit de la bureaucratie, tout se traite en cash, favorisant des liens dialectiques avec certains segments rentiers et donc la corruption. ? Sixièmement, l'écart s'explique par le passage du Remdoc au Credoc crédit documentaire qui a largement pénalisé les petites et moyennes entreprises représentant plus de 90% du tissu industriel en déclin (5% dans le PIB). Le Credoc n'a pas permis de juguler, comme cela était prévu, la hausse des importations mais a renforcé les tendances des monopoleurs importateurs où, selon l'officiel, 83% du tissu économique global est constitué du commerce et des petits services à faible valeur ajoutée. Nombreuses sont les PME/PMI, pour éviter les ruptures d'approvisionnement, ont dû recourir au marché parallèle de devises. Le gouvernement a certes relevé à 4 millions de dinars la possibilité du recours au paiement libre pour les importations urgentes de matières premières ou pièces de rechange, mais cela reste insuffisant. ? Septièmement, beaucoup d'opérateurs étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque Algérien a droit à 7.200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens pour augmenter le montant. ? Huitièmement, l'écart s'explique par le niveau de l'inflation. Sur le plan strictement économique, la monnaie constitue avant tout un rapport social fonction du niveau de développement économique et social, traduisant la confiance ou pas entre l'Etat et le citoyen, le niveau de confiance se détériorant suivant le niveau de l'inflation dont le taux réel est plus élevé que l'officiel, une analyse objective de l'inflation supposant de saisir les liens dialectiques entre le développement, la répartition du revenu et du modèle de consommation par couches sociales. Pour se prémunir contre l'inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises. A Acheter des devises, c'est un choix de sécurité dans un pays où l'évolution des prix pétroliers est décisive, beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d'une chute des revenus pétroliers, et vu les fluctuations erratiques des cours d'or, achètent les devises sur le marché informel. ? Neuvièmement, de nombreux Algériens investissent pour acquérir hôtels, appartements et villas à l'étranger et placent cet argent mal acquis dans les paradis fiscaux. Egalement, face à l'incertitude politique, et la psychose créée par les scandales financiers, beaucoup de responsables vendent leurs biens légalement pour acheter des biens à l'étranger et utilisent le marché parallèle ? Dixièmement, l'écart s'explique par la rationalité des agents économiques qui font un calcul de rentabilité: ainsi si j'avais échangé 10 milliards de centimes au moment où le cours était il y a quelques années à 100 dinars un euro et en ce mois de juillet le cours dépasse 210 dinars un euro, ma fortune financière aura plus que doublé, ce qu'aucun projet économique ne pourrait atteindre ce taux. 4. D'une manière générale, l'amélioration de la valeur du dinar est fonction de la confiance et d'une économie productive. Or, selon un rapport de l'OCDE, la productivité du travail de l'Algérie est une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. Les subventions et la distorsion du taux de change entre le cours officiel et celui du marché parallèle avec les pays voisins sont les explications fondamentales des surfacturations. Entre 2010 et 2015, plus de 1.700 contentieux concernant des infractions de change commises par des grosses entreprises publiques, privées ou étrangères ont été recensées par la direction du Contentieux relevant de la direction générale des Douanes algériennes. Faute d'une bonne communication, la presse donne des données contradictoires sur les montants, souvent énormes, tant de des surfacturations que du montant échangé sur le marché parallèle de devises, renvoyant à l'Etat de droit. Actuellement, un débat est en cours sur la réévaluation et la convertibilité totale du dinar. Pour certains experts, cette réévaluation et convertibilité intégrale entraînerait une fuite massive des capitaux. L'économie du pays étant dépendante des hydrocarbures à 98% des exportations et important 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, une réévaluation de la monnaie algérienne générerait inévitablement une tension inflationniste tirant la hausse des importations par la consommation interne, propulsée, elle aussi, par l'amélioration d'un pouvoir d'achat fictif puisque dépendant à 70% de la rente des hydrocarbures. Pour d'autres experts, la convertibilité totale est possible avec l?importance des réserves de change algériennes même en baisse du fait que le maintien en l'état du système de change, un dinar stable, flottant de manière dirigée, profite davantage aux rentes et pénalisant les secteurs réellement productifs. Etant conscient que les investisseurs tant étrangers que locaux se méfient d'une monnaie stable administrée faible, il faut être prudent, nécessitant un large débat sans passion. La valeur réelle de la monnaie, qui n'est qu'un signe, un moyen d'échange (les tribus d'Australie utilisaient les barres de sel comme monnaie d'échange) où nous sommes ensuite passés de la monnaie métallique, aux billets de banque, puis aux chèques et ensuite à la monnaie électronique. Thésauriser ne crée pas de valeur. C'est le travail par l'innovation continue, s'adaptant à ce monde de plus en plus interdépendant, turbulent et en perpétuel bouleversement qui est la source de la richesse d'une nation. La valeur de la monnaie dépend de la confiance en le devenir de l'économie et du politique, (bonne gouvernance) de la production et de la productivité, comme nous l'ont montré les analyses des classiques de l'économie. .Et comment ne pas rappeler au moment où je dirigeais le département des études économiques sur le dossier des surestaries au niveau des différents ports d'Algérie, en tant que haut magistrat à la Cour des comptes entre 1980/1983, j'avais préconisé un tableau de la valeur mettant en place des réseaux connectant douanes, fiscalité banques, ministère du Commerce, entreprises, institutions internationales pour connaître le prix réel à l'importation (coût/qualité par zones) afin de lutter contre les surfacturations qui ne datent pas d'aujourd'hui, instrument opérationnel non mis en place car nuisant aux intérêts occultes. ademmebtoul@gmail.com (1)-Références - Voir étude du professeur Abderrahmane Mebtoul «Essence de la sphère informelle au Maghreb et comment l'intégrer à la sphère réelle» Institut français des Relations internationales ? IFRI - (Paris-Bruxelles décembre 2013, 60 pages). Intervention du docteur Abderrahmane Mebtoul Unesco/l'African Training Research Centre in Administration Development 8 février 2010, en présence de plus d'une dizaine de ministres et secrétaires d'Etat africains et des directeurs généraux et représentants de la majorité des Etats africains, ainsi que des missions diplomatiques et institutions, un séminaire international sur la bonne gouvernance en Afrique «Vers une nouvelle gouvernance des services publics et des institutions de l'Etat en Afrique face aux nouvelles mutations mondiales». Ronéotypé Cafrad/Unesco avril 2010 - «un euro à 300 dinars, un euro en 2019» mebtoul abderrahmane -www.google.com- 2016.- Abderrahmane Mebtoul Quotidien gouvernemental El Moudjahid 25 septembre 2017 «Marché informel : un problème épineux -Mensuel international Arabies (Paris France) Abderrahmane Mebtoul «Algérie: l'informel, le fléau de l'économie» 29/07/2017 NB: Sur les mutations géostratégiques militaires, politiques, sociales et économiques au niveau de la Méditerranée, du Maghreb et du Sahel, voir l'ouvrage collectif sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul et du docteur Camille Sari auxquels ont contribué 36 experts européens et magrébins (algériens-tunisiens-marocains-mauritaniens- libyens (officiers-politologues, juristes, historiens, sociologues-économistes), «Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques (2 volumes 1.050 pages), éditions Harmattan Paris France - Ouvrage collectif, plus de 60 personnalités internationales - Revue IEMed 2017 - Barcelone - Espagne, un important collectif analysant la sécurité, le politique, l'économique, le social et le culturel de la région méditerranéenne auquel a contribué le professeur Abderrahmane Mebtoul sur le thème «Impact de la baisse du cours des hydrocarbures sur les équilibres macro-financiers et macro-sociaux de l'économie algérienne: urgence d'une nouvelle politique économique», vient de paraître sous la direction du professeur Senen Florensa, ancien diplomate et ministre espagnol, président de l'Annuaire IEMed (516 pages), préfacé par Johannes Hahn Commissaire européen à la politique de voisinage aux négociations d'élargissement. Ont contribué 51 personnalités internationales (ministres, diplomates, politiques, militaires, économistes, sociologues, historiens, écrivains) des deux rives de la Méditerranée en huit chapitres. *Professeur des universités, expert international |