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Mais
dans la conscience que l'homme a sur le monde, il y a encore deux autres
instances essentielles, l'intelligence et la raison. Si l'homme est pensant, il
ne peut être pensant, sans que cette pensée lui soit intelligible et
intelligente dans sa relation avec soi et ses rapports en dehors de soi. Il
n'est humain que parce que sa conscience est en plus intelligente, dans le sens
qu'elle lui octroie une intelligibilité du monde. Cette instance qu'est
l'intelligence lui est aussi donnée, à l'instar des autres instances. Et c'est
par cette intelligence qui intellige la nature qui permet à l'homme de se
construire et se construire le monde, non pas comme le monde a été donné mais
comme lui, il lui a été donné de le transformer. Pour ne donner qu'une vision de
l'évolution de l'homme dans le cours de l'histoire, comment l'homme est passé
de masure au Moyen-Age aux gratte-ciels, aux villes ultramodernes. Des villes
qui seraient pour un homme de l'antiquité ou du Moyen-Age, se transportant par
l'esprit dans notre monde d'aujourd'hui, des villes de fiction, impossible à
imaginer. L'homme donc a été, et est devenu ensuite, où le fait de l'homme au
cours des siècles s'est inscrit dans sa destinée. Là encore pour être plus
juste, qu'il faut souligner, une «destinée» qu'il ne s'est pas choisie, qu'il a
faite et devait la faire pour devenir ce qu'il devait à être aujourd'hui. Et le
chemin est long dans cette destinée ouverte à tous les possibles, et l'homme ne
peut savoir ce qu'il sera.
Donc la faculté de l'intelligence qui lui permet de connaître, de comprendre, et a son siège au cerveau, lui a permis ce qu'aucun homme s'il était raisonnable ne pouvait penser qu'il arriverait à ce stade avancé de la civilisation. En effet, aucun homme ne pouvait penser qu'un jour, il allait voler dans les airs. Ou qu'il allait devenir un poisson des grandes profondeurs, ou vivre des mois dans les profondeurs comme le font les sous-marins stratégiques, lanceurs de missiles balistiques (SLBM). Ou qu'il allait créer un système démocratique même défaillant parce qu'il est humain, apportant aux citoyens le pouvoir de nommer leurs dirigeants, de prendre en main leurs destinées. Ce sont là des avancées qu'il faut mettre au compte de l'œuvre de l'intelligence pensante le monde qui est donnée à l'homme. Et l'homme n'est encore qu'à un petit stade, qui combien même nous paraît grand, en réalité n'est qu'à son commencement. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de limite à l'Intelligence universelle, matrice de l'intelligence humaine et du devenir du monde L'homme n'a fait qu'un court chemin dans le monde, et il reste beaucoup à venir. Le cerveau humain qui lui est donné n'apparaît que l'interface entre l'homme (pensant par cet interface) et l'Univers à la fois pensé par lui dont il fait partie et pensant par Lui-même. La faculté de la raison qui vient mettre de l'ordre dans les affaires humaines trône au centre de la conscience de l'homme. Parce que c'est elle, qui aussi nous est donnée, nous dit si cela va ou ne va pas. Elle est en quelque sorte à la fois la lumière de ce qu'on aura fait dans notre existence et le miroir reflétant notre vécu dans notre mémoire. Parce qu'elle utilise toutes les instances pensantes et agissantes dans notre conscience. C'est par elle que l'on se sait raisonnable, en harmonie avec la nature et les hommes, ou l'inverse déraisonnable, excessif, provoquant difficultés et crises dans l'existence. Elle essaie de raisonner l'homme pour qu'il ne devienne pas déraisonnable qui, se faisant, s'il ne l'écoute pas, ne peut que porter préjudice à lui-même. A l'extrême, un homme qui perd la raison n'a plus conscience du monde. Devenant fou, il perd le sens de l'existence. C'est la raison qui dit ce qui est juste ou faux, elle éclaire l'homme s'il est dans le vrai, ou dans le faux. Et l'homme souvent n'est pas raisonnable, il est à l'origine des conflits parce qu'il n'y a pas une raison chez l'homme mais une multitude de raisons qui se confrontent entre les hommes. Comme il n'y a pas une intelligence, une conscience chez l'homme mais une multitude d'intelligences, de consciences chez les hommes. Elles sont toutes liées les unes aux autres, et évoluent selon une représentation du monde en termes d'identité (race, nationalité, géographie, tribu, famille, etc.), d'intérêt, de culture, etc., que chaque homme, chaque peuple se fait de lui-même, comment il voit l'autre, comment il projette son ego sur son prochain. Et de là dépendent les relations qu'auront à tisser entre eux, hommes et peuples, en bien ou en mal. L'homme qui lui arrivait de parcourir 100 à 200 km sans conscience Fort de cette description des instances psychiques qui catégorisent l'homme dans son essence pensante et agissante, il reste à revenir dans ces affirmations sur l'homme puisque tout lui est donné, et de ce qu'il ressort concrètement de son existant. Par conséquent, un fait humain réel, vécu peut nous permettre d'apprécier mieux le sens des instances psychiques essentielles données à l'homme. En outre, on constatera qu'elles ne sont pas simplement données, elles restent assujetties à la Raison universelle, à l'Intelligence universelle. En effet, tout en n'apparaissant pas à l'homme, la Raison universelle agit dans son inconscient. Aussi paradoxal soit-il, ce fait vécu peut montrer que l'homme peut ne pas se commander par la conscience. Qu'il est vivant, agissant comme tout homme éveillé, mais n'est plus conscient de lui-même. Il devient un simple automate mené par une «conscience inconsciente». C'est la raison pour laquelle on croit souvent une chose parce que l'on croit croire alors que la croyance nous est donnée, comme elle peut ne pas nous être donnée. Comme pour la conscience, on croit que l'on est conscient parce qu'elle nous est donnée d'être conscient, et qu'effectivement on est conscient. Quand on dort, par exemple, elle nous est enlevée. On n'est plus conscient. Il arrive même que lorsque l'on ne dort pas, on peut être agissant sans en être conscient de nos actes. Comme pour le somnambule. Pour étayer cette vision, une histoire vécue serait plus parlante sur ce phénomène de conscience et inconscience donnée à l'homme. Un camarade de travail, qui habitait loin de la ville de Blida où j'habite mais avec qui il m'arrivait de discuter quand on se rencontrait, me raconta, il y a quelques années, des choses qui m'ont surpris. Cela ne lui paraissait pas du tout, tant il était affable, correct, équilibré et sérieux. Il me raconta qu'il lui arrive de prendre la voiture et rouler pendant des heures comme un automate, faisant plus d'une centaine de km sans se rendre compte. Se retrouvant dans une autre ville, un terrain vague, ou reprenant conscience pendant qu'il roulait dans une route qu'il ne comprenait pas comment est-il arrivé là. La mémoire lui faisait défaut. Il se plaignait, il s'inquiétait réellement en me le racontant. Il ne savait pas ce qui lui arrivait. Certes il n'était pas outre mesure inquiet, il n'y avait pas de peur, d'angoisse. Mais je pense, bien qu'il ne me l'ait pas dit, qu'il faisait allusion au risque d'accident qu'il encourait puisqu'il roulait inconscient de ce qu'il faisait. Il n'était pas maître de la conduite en route. La question qui se posait pour lui, qu'est-ce qui l'amenait à aller loin de sa ville, de son lieu de travail et de son domicile ? Ces questions taraudaient son esprit. Comment a-t-il parcouru des km sans qu'il soit conscient pour arriver là ? Il me racontait qu'il ne se rappelle pas d'avoir roulé. Tout ce qu'il disait, c'est que le fait d'arriver là, ou de reprendre conscience dans sa voiture et se retrouver loin de chez lui, lui prouve qu'il a roulé. Son problème est que cela lui arrive de prendre sa voiture et rouler sans conscience vers des destinations plus ou moins éloignées, durant des heures. Bien que je ne l'aie pas questionné à l'époque, il est très probable que ces états lui arrivaient dans son sommeil. Se réveillant dans un état second, il prenait sa voiture et roulait sans prendre conscience de ce qu'il faisait. C'est probablement la raison qu'il ne se souvient pas. A l'époque, je ne m'occupais pas d'écriture. Evidemment s'il s'est confié à moi, c'est simplement parce que je l'écoutais d'une oreille attentive. Je m'intéressais à ses dires. Je n'avais pas de réponse au problème de ses déplacements inconscients dans les routes vers des destinations inconnues. La seule remarque que je lui fis portait sur la sécurité de la conduite en voiture, i.e. sa propre sécurité et celle des autres qui conduisent. Il me répond qu'il ne sait pas. Un cas de somnambulisme en voiture. Ce témoignage prouve la complexité des phénomènes de conscience de l'homme. Ce qui nous fait dire que le libre-arbitre de l'homme peut être réel et agissant même s'il est inconscient. Puisque cet homme a marché, pris les clés de voiture, choisi une route, roulé longtemps et fait attention aux autres usagers de la route, et il n'a pas commis d'accident, respecté le code de la route pendant des heures, sur une grande distance. Cette inconscience, nous devons l'admettre, est aussi intelligente et raisonnable. Il est impossible à un homme pris par ce phénomène de somnambulisme de se trouver sur des routes conduisant inconsciemment, sans qu'il prenne conscience qu'il conduisait, s'il n'avait pas une conscience inconsciente et intelligente, qui suppléait à cette absence de conscience et lui évitait par conséquent un accident. Sans celle-ci, il n'aurait pu rouler. Aussi puisqu'il a parcouru une distance assez grande de 100 ou 200 km, qu'il a pu prendre les clés de sa voiture et démarré le véhicule, on peut appeler cette faculté d'agir de «libre-arbitre conscient inconscient» dans le sens qu'il est mû par la même conscience que l'homme l'avait à l'état d'éveillé, avec toutes ses facultés intellectuelles, sauf que celle-ci est inconsciente. Il est passé d'un état d'éveillé à un état de sommeil, puis d'un état de sommeil à un état somnambulique ou hypnotique. Et c'est cette conscience inconsciente qui le différentie du libre-arbitre conscient. C'est cette intelligence et raison de cette conscience vivante, réelle, mais inconsciente, dotée du libre-arbitre inconscient qui lui intimait de respecter les règles de conduite, i.e. l'usage de l'accélérateur, du débrayage, des freins, etc., et le respect du code de la route. Ce qui lui a permis de bien conduire avec les mêmes réflexes que s'il était éveillé, sans commettre d'accidents. Ce qui nous fait dire qu'il ne pouvait conduire sans pensées même inconscientes. Son cerveau était comme libre de penser la conduite sans que le sujet prenne conscience. Et pour conduire, il fallait au camarade de penser ce qu'il allait faire, prendre les clés, démarrer, choisir la route, éviter les trottoirs, les obstacles, les autres voitures, tourner dans les virages, etc. Cela demandait des réflexions pour conduire par la pensée, pendant une heure, deux heures..., selon la durée de son état somnambulique. Mon camarade avait toutes les facultés sauf qu'il n'était pas éveillé de ce qu'il faisait. La seule réponse qui apparaît et qui explique pourquoi il a pu conduire sa voiture sans conscience n'a qu'un nom, elle est herméneutique: c'est la Raison universelle, l'Intelligence universelle qui lui a permis de conduire, de garantir son périple en voiture avec un état d'automate, une conscience inconsciente. Une pensée qui pense toute seule sans qu'il la pense. Et même s'il avait fait un accident, et comme il l'avait dit, il lui était arrivé de conduire plusieurs fois dans cet état, ne prouve pas qu'un accident survenu provenait de lui, il pouvait tout aussi provenir de la voiture inverse. C'est une possibilité d'explication qui n'est évidemment pas absolue. S'il avait un avion personnel, ce camarade aurait pu décoller et atterrir dans une autre ville. Qu'il se réveille en vol, ou qu'il atterrisse sans encombre dans une ville, importe peu. Il a tout simplement été transporté lui et son avion, comme cela fut pour lui et sa voiture, se transportant vers une destination dont il n'avait pas conscience. Que peut-on dire de ce libre-arbitre agissant mais inconscient ? Beaucoup de phénomènes humains ne sont pas expliqués, et c'est tout à fait normal, l'homme est par une pensée dont il ne sait rien. D'où elle vient ? Aucune réponse sinon qu'elle est en lui, et qu'il est par elle. Tout ce qu'il sait est qu'il pense. Donc qu'il agit en pensant consciemment, disposant d'un libre-arbitre conscient, ou inconsciemment puisqu'il agit aussi, demeure qu'il est dépendant de l'Intelligence, de la Raison universelle qui Gouverne le monde, qui Décide du monde. Qu'il le sait ou non, c'est Elle, en dernier ressort, qui Décide qu'il soit ou non dans l'existence. En d'autres termes, il peut être agissant conscient ou sans en être conscient. L'étrange destin du boxeur sud-coréen Kim Duk-koo, champion d'Asie : «Vis ou meurt» Descartes, dans sa Deuxième Méditation, n'a-t-il pas écrit: «Je suis, j'existe [?] si je cessais de penser, que le cesserais en même temps d'être ou d'exister. Je n'admets maintenant rien qui ne soit nécessairement vrai: je ne suis donc, précisément parlant, qu'une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison, qui sont des termes dont la signification m'était auparavant inconnue. Or je suis une chose vraie, et vraiment existante; mais quelle chose ? Je l'ai dit: une chose qui pense. Et quoi davantage ? J'exciterai encore mon imagination, pour chercher si je ne suis point quelque chose de plus. Je ne suis point cet assemblage de membres, que l'on appelle le corps humain; je ne suis point un air délié et pénétrant, répandu dans tous ces membres; je ne suis point un vent, un souffle, une vapeur, ni rien de tout ce que je puis feindre et imaginer, puisque j'ai supposé que tout cela n'était rien, et que, sans changer cette supposition, je trouve que je ne laisse pas d'être certain que je suis quelque chose. [?] Mais qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent.» Ceci est révélateur sur le sens phénoménal de la pensée de l'être humain qu'exprime Descartes, il y a plus de trois siècles. On peut même étendre cette question à ma personne et à toute personne qui pense, c'est-à-dire à tous les humains. Est-ce que c'est moi qui suis en train de développer cette analyse ? En suis-je certain ? Suis-je en train de la penser ? Cela est certain que je pense. Et si ce n'est pas moi qui pense mes idées mais les idées qui pensent en moi ? C'est une possibilité, je n'ai pas l'assurance totale que c'est moi qui pense mes idées. Et si je suis la chose de la pensée, mon cerveau n'étant que l'interface entre la chose humaine que je suis, y compris mon cerveau qui joue le rôle de véhicule pour la pensée, et mon cerveau à travers la pensée qui l'habite dont je ne sais comment, me dit que je suis humain, qui communique à moi et pense en moi. Et cette situation est la situation de tout homme qui pense, s'il est conscient qu'il pense et peut ainsi penser. Comme aussi de toute nation qui décide de son sort avec elle-même, ou avec cette autre nation qui n'est pas elle-même mais aussi en elle-même dans le sens qu'elle conditionne son devenir. A suivre... *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective. |