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2ème partie
C'est dans ce cadre que l'on assiste à une relative aisance financière (plus de 140 milliards de dollars de réserves de change fin juin 2009 et un stock de la dette inférieur à 5 milliards de dollars US) mais une régression économique et sociale (exportation hors hydrocarbures inférieure à 2% du total et un taux de croissance de 1,6% en 2006, inférieur à 3% en 2007/2008, contre plus de 5% entre 2003/2005), une prévision inférieure selon le FMI et la Banque mondiale à 3% pour 2009/2010 (une faible création d'emplois à valeur ajoutée malgré des dépenses monétaires sans précédent, un taux de chômage selon l'organe officiel ONS de 11,6%, mais plus de 20% selon les organismes internationaux) avec des tensions de plus en plus criardes avec le retour de l'inflation - plus de 4% selon l'officiel en 2007, 4,7% en 2008, 6,1% pour le premier trimestre 2009 (12% selon certains organismes internationaux 2007/2008 contre moins de 3% entre 2002/2006) et donc la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité avec une nette concentration du revenu au profit d'une minorité de couches rentières, détérioration accélérée par un endettement croissant surtout des couches moyennes laminées, des prêts pour voitures, logements, électroménagers qu'il faudra rembourser avec des taux d'intérêt composés. C'est également durant cette période courant novembre 2008 qu'est amendée la constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, les députes et sénateurs se feront comme leurs prédécesseurs voter un salaire de plus de 300.000 dinars par mois, plus de quatre fois le salaire d'un professeur d'université en fin de carrière. Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de Premier ministre consacrant un régime présidentiel. Dans la foulée, l'élection présidentielle s'est tenue le 09 avril 2009 où l'ancien président est réélu pur un nouveau mandat de cinq années (2009/2014) en promettant la création de trois millions d'emplois durant cette période et d'augmenter le pouvoir d'achat des Algériens. Mais fait nouveau, une crise mondiale sans précédent depuis la crise d'octobre 1929 est apparue en octobre 2008 qui sera d'une longue durée du fait des impacts mondiaux (l'interdépendance des économies) et selon l'avis unanime des observateurs internationaux jusqu'en 2013/2014 si les thérapeutiques appliquées s'avèrent efficaces du fait d'une perte en sous capitalisation provisoire de plus de 52.000 milliards de dollars. Comme en 1986, courant 2008/2009 différents responsables politiques déclareront à la télévision officielle que la crise ne touche pas l'Algérie du fait de la non connexion avec le système financier mondial, de la non convertibilité du dinar et de l'importance des réserves de change oubliant la chute des cours des hydrocarbures qui représente plus de 98% des recettes en devises et que les dépenses réelles au rythme de 2008/2009 se fondent sur 78 dollars le baril tenant compte des surcoûts estimés à environ 20% (donc ne faire une double comptabilité avec le fonds de régulation qui contient une partie des réserves de change et le prix de référence de 37 dollars contenu dans la loi de finances qui établit l'équilibre budgétaire). Aussi des tensions budgétaires risquent de se manifester courant 2012 pour un cours entre 55/60 dollars, ne devant jamais oublier qu'il faille déflater par le cours du dollar , un baril à 70 dollars juin 2009 équivalant à prix constant du 01 janvier 2009 à moins de 63 dollars en parité pouvoir d'achat euros, du fait de la dépréciation accélérée du dollar, due en grande partie à l'important déficit budgétaire américain (plus de 1800 milliards de dollars en 2009). Mais le problème n'est pas tant le financement mais l'utilisation rationnelle des ressources financières. L'ALGERIE TOUJOURS A LA RECHERCHE DE SON DESTIN OU UNE TRANSITION INACHEVEE DES DEPENSES MONETAIRES COLOSSALES AVEC UN IMPACT MITIGE La question centrale qu'il convient donc de se poser est la suivante : d'une part, les objectifs ont-ils été atteints entre 2004 et 2009, et avec la chute de plus de 50% des recettes des hydrocarbures, comme en 1986, les promesses entre 2009 et 2014 seront-elles tenues car les tendances lourdes étant ce qu'elles sont, il ne faudrait pas s'attendre à des renversements significatifs ? Car il existe une loi économique insensible aux slogans politiques : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. Avec une croissance de la population active de plus de 3,4%, un taux de croissance inférieur à 3% entre 2009 et 2014, il est impossible de créer trois millions d'emplois (en majorité créateurs de valeur ajoutée), qui nécessitent, selon les experts et le gouvernement lui-même, 6/7% de croissance annuelle. Car en dehors des bilans physiques qui ont peu de signification sans une avancée des réformes de fond, à savoir les réformes micro-économiques et institutionnelles, sans lesquelles le cadre macro-économique stabilisé entre 1995 et 1997 serait éphémère, il y a un fort risque du retour inévitable à l'inflation et à l'accélération du chômage, réformes qui seules permettent un développement durable à moyen et long terme. Comme est nécessaire une analyse des impacts par catégories socioprofessionnelles et des écarts entre les coûts prévisionnels et les coûts réels. Comme est posée cette question vitale : le blocage n'est-il pas d'ordre systémique car la situation actuelle est le produit historique, certes, de la politique actuelle avec des relations complexes entre l'économique, le politique, le social et le culturel, mais également de toutes celles antérieures à l'indépendance politique (colonisation), de 1963 à nos jours, du fait que le fondement du système bureaucratique rentier a peu évolué. Car le constat à travers ce cheminement historique, durant cette période de transition difficile d'une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l'Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours apparemment libéraux et moralisateurs, que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux, les réformes souvent différées s'attaquant plus aux aspects techniques qu'organisationnels, alors qu'elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d'investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence. La facture alimentaire continue d'augmenter malgré le fameux programme agricole (PNDA), dont il conviendra de faire le bilan, du fait que plusieurs milliards de dollars de dépenses, la bureaucratie et la corruption continuent de sévir. Comme conséquence, résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayates contre la hogra, la corruption, la malvie d'une jeunesse dont le slogan «nous sommes déjà morts», traduit l'impasse du système économique à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d'atténuation des tensions sociales pour faire face à ce malaise social. Ainsi, le peuple désabusé vit dans le désespoir, comme en témoigne le passage de la musique raï qui exprime la malvie depuis les années 1980, puis ces jeunes qui tiennent les murs et le paradoxisme du désespoir, les harraga, ces jeunes, souvent avec la complicité de leurs parents, qui bravent la mort. Aussi, s'agit-il de mettre fin à cette sinistrose que certains politiques se hasardent à banaliser sans s'attaquer à l'essence, mortelle pour toute Nation, alors que certaines actions urgentes sont à souhaiter. DES CHANGEMENTS PERPETUELS DU CADRE JURIDIQUE, PRODUIT DE RAPPORTS DE FORCES CONTRADICTOIRES QUI DECOURAGENT TOUT INVESTISSEUR POTENTIEL A-t-on réfléchi à la mise en place des mécanismes transparents de contrôle pour que les scandales financiers depuis l'indépendance politique ne se renouvellent plus, car les mêmes causes engendrent les mêmes maux, même si l'on change les personnes ? Car pourquoi un changement de ministre si l'on reste dans la même logique ? Ce serait inutile. - A-t-on réfléchi une fois sur les gains qu'occasionnerait une réduction des coûts de Sonatrach seulement de 10%, qui permettraient des économies - des centaines de milliards de dinars -, sans compter les économies de gestion des autres secteurs budgétivores, dont les 180 milliards de dollars du programme de soutien à la relance économique ? - A t-on réfléchi une fois que si le cours du baril chute à moins de 40 dollars et avec l'épuisement des ressources pétrolières et gazières dans moins de 30 années, un jeune de 5 ans aujourd'hui aura 35 ans ? Où la situation serait comparable à celle de certains pays les plus pauvres d'Afrique ? - Nos responsables ont-ils analysé l'impact de l'exode des cerveaux et vu les longues files d'attente auprès des ambassades pour le visa depuis l'aube du jour au crépuscule, chez lesquels le rêve est de s'enfuir du pays ? - Combien de milliers d'épargnants ont déposé lors des 40 dernières années les économies de leurs enfants avec beaucoup de sacrifices à la CNEP pour avoir le droit au logement ? Mais il en a été décidé autrement au nom du droit du prince. Combien de ménages se sont sacrifiés pour que leurs enfants fassent des études et donc avoir un emploi, mais toujours le droit du prince a décidé de faire jouer la règle de Piter, qui consiste à ce que l'on gravite dans la hiérarchie proportionnellement au degré d'incompétence dans le sillage des relations de clientèles. Peuvent-ils toujours croire que c'est le travail et la récompense de l'effort mérité qui fondent les échelles de valeurs ? - Combien d'investisseurs nationaux et étrangers ont subi les effets du système bureaucratique avec les changements perpétuels du cadre juridique, alors que la règle d'or est la stabilité des institutions : licences d'importation entre 197O et 1985 distribuant des rentes au niveau ministériel : OSCIP avec la signature exigée de trois ministres entre 1985 et 1986, puis dissolution, alors que des centaines de dossiers ont été agréés et transmis à la Chambre de commerce en 1988, où ce sont les privés qui jugeaient des projets d'autres privés (monopole par excellence et cacophonie) ; Conseil de la Monnaie et du Crédit pour les autorisations d'installation des banques, dont les récents scandales financiers ont vu le dysfonctionnement avec d'autres structures de l'Etat. - Comment ne pas rappeler les ambiguïtés dans la gestion des capitaux marchands de l'Etat, qui traduisent en réalité la neutralité des rapports de force au sommet de l'Etat et expliquent le manque de visibilité et de cohérence de la politique économique et sociale, que l'on essaie de voiler tant par de l'activisme ministériel et des dépenses monétaires, sans se préoccuper des coûts et de la qualité, permis grâce aux cours élevé des hydrocarbures, que des replâtrages juridiques avec une instabilité juridique qui décourage tout investisseur sérieux. A titre d'exemple pour ces dernières années : la nouvelle, l'Ordonnance n°2001-04 du 20 août 2001 relative à l'organisation, la gestion et la privatisation des entreprises publiques économiques ; l'Ordonnance n°01-03 du 20 août 2001 relative au « développement de l'investissement et le Décret exécutif n°01-253 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil des participations de l'Etat, placé sous l'autorité du Chef du gouvernement, qui en assure la présidence ; du Décret exécutif du 9 octobre 2006 relatif aux attributions, à la composition, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil de l'investissement (CNI), prévu par l'Ordonnance du 20 août 2001, qui stipule dans son article 19 que le Conseil, présidé par le Chef du gouvernement, chargé notamment de proposer la stratégie et les priorités pour le développement de l'investissement ; de l'Ordonnance n°06-08 du 15 juillet 2006 modifiant et complétant l'Ordonnance du 20 août 2001 relative au développement de l'investissement (JORA n°047 du 19 juillet 2006) et de la création de l'Agence nationale du développement de l'investissement ANDI, qui est un établissement public à caractère administratif (EPA), au service des investisseurs nationaux et étrangers, et enfin le dispositif de soutien à l'emploi de jeunes par l'ANSEJ (Ordonnance n°96-31 du 30 décembre 1996 portant loi des finances pour 1997). Concernant l'épineux problème du foncier destiné à l'investissement, le dispositif, mis en place le 23 avril 2007, qui se proposait de mettre fin à la confusion, la complexité et l'opacité, qui a nourri la méfiance et le désarroi des demandeurs d'assiettes foncières, vient, à son tour, de subir un toilettage à travers l'Ordonnance du 1er septembre 2008 relative à la concession des terrains relevant du domaine privé de l'Etat. De cette situation, il est utile de rappeler que de l'indépendance politique à nos jours, l'économie algérienne a connu différentes formes d'organisation des entreprises publiques. Avant 1965, la forme d'autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avions de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétés nationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s'effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l'Etat crée 8 fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l'Etat. Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994 (avec le rééchelonnement) en 1996, l'Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 méga-holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation et l'on crée 28 sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP). A suivre * Professeur d'université en management stratégique (Economiste - Algérie) |