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Les
autorités de l'époque s'étaient invitées à l'ouverture du Congrès pour passer
leur message par la voix du maire de Tlemcen dans la salle des fêtes de la
mairie. Cette salle se dressait en lieu et place de l'ancienne Médersa Tachfiniya qui s'étendait entre la Grande Mosquée de la
ville et la muraille nord du Méchouar et qui fût
complètement détruite en 1873 pour y ériger une mairie coloniale et une place
pour le bal du 14 Juillet de chaque année en face des principales sorties de la
Grande Mosquée. Elle était l'une des cinq plus célèbres médersas de Tlemcen.
- La Médersa Tachfiniya s'appelait aussi Médersa du Grand Palais et fut inaugurée en 720H. / 1320G. par un cours célèbre de l'Imam savant de l'époque Aby-Moussa Imrân Al-Mecheddaly mort en 745H./1344G. Cette médersa était un joyau en son genre et fut appelée aussi « La Nouvelle Médersa ». - La Médersa de Sidi Belahcène et-Tenessy fut ouverte en 696H./1296G. pour les cours d'Abyl-Hacène et-Tenessy, frère du très célèbre Abou Ishâq Ibrahim et-Tenessy le plus consulté durant le VIIe siècle hégirien, soit le XIIIe siècle chrétien. Elle fut transformée en 1846 en grange pour fourrage de l'armée coloniale puis en musée de sauvegarde de pièces rares de Tlemcen non transférées ailleurs. - La Médersa des Frères Oulad Al-Imam, première institution d'enseignement supérieur privé au Maghreb central dont il ne reste que la mosquée jointe, fut ouverte en 707H./1310G. par les frères Abderrahmane Aby Zeid, Cheikh de l'Ecole malékite de Tlemcen et Issa Aby Moussa, le maître d'Al-Abouly. Elle s'appelait « la Médersa ancienne » par rapport à la Tachfiniya, la Médersa nouvelle. - La Médersa Al-Yaqoubiya d'Abou-Hammou Moussa II près de la Mosquée de Sidi Ibrahim Al-Masmoudy et la mosquée-école de Sidi Bou-Abdallah. Elle fut inaugurée un 14 novembre 1363 G. pour les cours restés célèbres d'Aby-Abdallah ech-Cherif et-Tilimsâny. - Quant à la Médersa d'Al-Eubbad où enseigna Abderrahman Ibn-Khaldoun, elle fut inaugurée en 748H./1347G. A la salle des fêtes de la mairie de Tlemcen Et voilà qu'en ce 6 septembre 1935, des étudiants maghrébins reprenaient leur place dans une de leur université d'antan. Ils sont venus de la Zeiytouna de Tunis, de la Quaraouiyyine de Fès, d'Alger, de Constantine, de Béjaïa, de Biskra, même s'ils se sont retrouvés dans des universités de France ou d'Alger, Rabat ou Tunis. La délégation tunisienne présidée par M. Habib Thameur comprenait MM. Allal Belahouene, Al-Moundji Slim, les professeurs En-Nifer et Othmân Al-Ka'ak. La délégation marocaine était présidée par Abdel-Khalaq Torres représentant personnel de M. Allal Al-Fassi qui avait offert son intervention en poème pour la séance d'ouverture, et comprenait M. Mohammed Ibrahim Al-Kattâni et d'autres. Parmi les nombreux participants du territoire algérien, il y avait MM. Abderrahmane Yacine, Mohammed Al-Aïd Al-Khalifa, Moufdi Zakariya et bien d'autres. Les organisateurs du Congrès à Tlemcen se comptaient parmi les animateurs des Cercles musulmans culturels tels Nadi Es-Saada, En-Nâdi Al-Islâmi, Nadi ech-Chabiba, Nadi Er-Raja, l'Association des Oulémas et quelques notabilités de la ville. Les militants du Mouvement national assuraient la logistique d'hébergement, de restauration et de prise en charge des invités. Après l'ouverture du Congrès par Cheikh Al-Bachir Al-Ibrahimi, la parole fut donnée au maire de Tlemcen. M. Valleur s'évertua avec éloquence dans sa langue à attirer l'attention des congressistes sur la non-faisabilité d'un Maghreb uni et d'inviter les participants à visiter les ruines de Mansourah pour méditer sur l'unité du Maghreb et sur le rôle de la présence de la France dans les pays d'Afrique du Nord ! M. Allal Belahouene, qui assurait la traduction du français vers l'arabe, prit la parole dans la langue de M. le Maire, pour décrier les effets de la colonisation française et rappeler ce que fut la civilisation du Maghreb aux XIVe et XVe siècles, en sciences, en commerce et en tolérance, alors qu'en France se dressait une potence devant chaque église ! Puis le jeune Boumediene Ech-Chaffai Moulassehoul, étudiant azhari de Tlemcen, se leva et, en langue arabe, enflamma l'assistance à un point tel que les autorités de la ville décidèrent d'interdire l'utilisation de la salle des fêtes de Tlemcen pour la poursuite de la tenue du 5e Congrès des Etudiants nord-africains musulmans. C'est alors que les militants de Nadi Es-Saada et du Nadi Al-Islami offrirent leur service pour la poursuite du Congrès dans leurs locaux. Programme du 5e Congrès de l'Association des étudiants nord-africains musulmans - Unité et solidarité maghrébine - Généralisation et développement de l'enseignement en langue arabe dans les pays maghrébins - Lutte contre l'ignorance, l'intolérance et les fléaux sociaux Les recommandations du 5e Congrès des Etudiants nord-africains musulmans Parmi les recommandations du 5e Congrès des Etudiants nord-africains musulmans tenu à Tlemcen du 6 au 10 septembre 1935 : 1. La langue arabe est la langue officielle des pays du Maghreb 2. L'enseignement de la langue arabe est obligatoire dans les écoles primaires et secondaires 3. Préparer les enseignants de la langue arabe en élevant leur niveau de formation 4. Enseignement de la littérature arabe en parallèle à la littérature française dans le secondaire 5. Préparer les programmes d'éducation nationale 6. Libération de la femme et assurer sa formation 7. Enseignement de l'histoire du Maghreb et retour aux traditions et coutumes musulmanes 8. Amélioration du statut des enseignants eth-thaoura ! eth-thaoura ! eth-thaoura ! Les recommandations étant rédigées, un des animateurs pédagogiques du Congrès, Cheikh Al-Hâdi Es-Senoûssy, s'est posé à haute voix la question de l'exécution de ces recommandations en rappelant que l'Association des Oulémas avait discuté ces points et proposé ces solutions mais tous ses travaux sont restés « encre sur papier !! ». Du fond de la salle, une voix s'est élevée pour scander en toute assurance «eth-thaoura ! eth-thaoura ! eth-thaoura !» Le jeune homme qui venait de proposer la solution était un étudiant à la Zeiytouna, le poète du chant national algérien, Moufdi Zakaria. Il déclama ensuite un poème d'amour entre les trois pays du Maghreb intitulé : « Inna al-Djazâir fîl gharâmi wa tounousa wal maghriba al-Aqça khouliqna sawa' ». La soirée fut enrichie par les interventions de Cheikh Bachir Al-Ibrâhimi, du Professeur Othmân Al-Ka'ak et du jeune Boumediene Ech-Châf'i Moulassehoûl. En parallèle fut célébré le premier anniversaire de la mort du grand poète tunisien Aboul-Qâcem Ech-Châbbi par des interventions de Moufdi Zakaria, Mohammed Al-Aïd Al-Khalîfa et d'autres poètes présents à ce Congrès. Le poème de l'Association fut entonné à plusieurs reprises. Il était de la composition de Moufdi Zakaria et de Moundji Slim : «Hayyou Ifrîqiyya Hayyou Ifrîqiyya Hayyou Ifrîqiyya Ya ?Ibâd ! Chamalouha yabghi al-Ittihâd Achbâlouha Taeba al-Idtihâd ! Ayna Roûma wa dahaha wa isti'mariha alladoud ! Ayna Ispanya wa ladhaha wa salîbiha al haqoud ! Qad mazzaqna Aghlalaha wa staqallat minha al Bilad Moufdi Zakaria et Tlemcen Tous les jeunes militants du Mouvement national de Tlemcen s'approchèrent de celui qui avait déjà acquis l'assurance de la Jeunesse Destourienne et s'était engagé dans le Mouvement national algérien dans le parti de l'Etoile Nord-Africaine en adhérant pleinement à l'approche de son fondateur Messali Hadj. Il ne tarissait pas de leur réciter les poèmes les plus célèbres sur l'histoire de Tlemcen : Ibn-Khamis, Al-Quiçiy, Et-Talâlissy, Ibn-Khaldoun, Ibn-Merzouk? On lui fit visiter les sites mentionnés dans ses poèmes. Il aimait s'exclamer sur les espaces de Sidi Abdallah d'Al-Ba'al sur les hauteurs Est de Tlemcen et suivait du regard le parcours du canal Saquiet er-Roumî qui longeait les jardins et Moulins de Tlemcen. C'est là que fut inspiré le chant « Min djibâlina tala'a saout Al-Ahrâr younadina ». C'est là que fut entonné pour la première fois, au mois de ramadhan de 1937, le premier chant national « Fidâ' Al-Djazâir roûhî wa mâlî Alâ fî sabîlî al-Hourriâ » avec son refrain célèbre « Alâ fî sabîli al-Istiqlâl ; Alâ fî sabîli Al-Hourriya ! » de la composition de Moufdi Zakaria, inspiré de l'Appel du 12 novembre 1936 du Président du Parti du Peuple Algérien à la Généreuse nation algérienne. Il ne savait pas non plus que quarante années après, en juillet 1975, à l'occasion du 9e Séminaire sur la Pensée islamique, il quittera à jamais son pays à partir de ces lieux, en composant un des plus beaux poèmes jamais scandé sur Tlemcen : «Amdjadouna Tatakallam !» avec le refrain : « Maghna Tilimsân Al-Amân Al-Amân Fa Ayna minnî fîki sihroul Bayân ; Mahma samâ ach-chi'rou wa mahma rtaqâ fa anti fawqa ch-chi'ri yâ tilimsân». Ce poème est daté du 10 juillet 1975. Il l'avait déjà ébauché dans la première version de son « Iliade » mais là, il en fit le début d'une autre Iliade dont Tlemcen était l'épicentre. Ce poème a été mis cette année par la section de Tlemcen de la Fondation Moufdi Zakaria [1] comme thème de plusieurs concours dans les arts plastiques, l'interprétation musicale, la mise en chorale ou en orchestration. Si un jour, la ville de Tlemcen devait organiser des poésiades célébrant l'objet premier de son universalité, le « Poème d'or » reviendrait certainement à Moufdi Zakaria pour son poème « Amdjadouna tatakallem » que la Fondation Moufdi Zakaria a édité en pages 288-294 d'une anthologie de ses poèmes sous le même titre[2]. Un colloque international sur « L'unité chez Moufdi Zakaria » prévu par la Fondation à Tlemcen en ce mois de septembre 2005, a été reporté à une date ultérieure pour 2006, année du sixième centenaire de la mort d'Abderrahmane Ibn-Khaldoun 17 mars 1406-2006. Les congrès de l'Association des étudiants nord-africains musulmans? [3] L'Association des étudiants nord-africains musulmans fut créée à Paris en fin 1927, soit une année après la création de « L'Etoile Nord-Africaine ». Elle n'acceptait pas dans ses rangs les étudiants maghrébins nouvellement naturalisés français qui s'étaient désistés de leur statut personnel musulman. Elle comptait parmi ses membres les étudiants maghrébins inscrits dans les universités françaises puis les étudiants des universités d'Az-Zaytouna et d'As-Sâdiqiyya de Tunis, d'Al-Qaraouiyyine de Fès, et de l'Université d'Alger et des Médersas franco-musulmanes d'Alger, de Constantine et de Tlemcen. Le premier Congrès de l'Association des étudiants nord-africains musulmans fut tenu à Tunis en 1931. Le second Congrès fut tenu en l'été 1932 à Alger. Le troisième Congrès fut tenu à Paris en décembre 1933 en lieu et place du Maroc où sa tenue fut interdite. La présence de Messali Hadj et de Allal Al-Fassi à ce Congrès renforça le poids de cette jeune association dans l'évolution du problème de l'Unité maghrébine en rapport avec l'Etoile Nord-Africaine. Le quatrième Congrès s'est tenu à Tunis en 1934 où Moufdi Zakaria présenta son programme de l'Unité Nord-Africaine en 10 points. Ce programme reste d'actualité pour les générations à venir. Voilà que nous sommes en ce mois de septembre 1935 à Tlemcen pour le cinquième Congrès de l'Association des étudiants nord-africains musulmans. Le sixième Congrès prévu au Maroc en 1936 fut interdit aussi. L'histoire du Mouvement étudiant maghrébin contemporain venait de vivre une première séquence. Elle nous a laissé d'abord ces poèmes cités ci-dessus qui peuvent enrichir le patrimoine culturel des enseignants de nos écoles et des animateurs de la jeunesse et des sports et des maisons de culture à travers le territoire national. Elle nous a laissé aussi le rêve intact de la construction d'un Maghreb uni MU, né avant la vision d'une Europe unie UE, qui, elle, s'est déjà construite. Plusieurs séquences de transitions vers la paix et la réconciliation restent à réaliser chez chacun des membres de ce MU pour retrouver le cours normal de la vision étoilée de la première inspiration fondatrice de ce projet. * Ingénieur-Consultant en Patrimoine immatériel Note : [1] voir les conditions de participation au site de la Fondation Moufdi Zakaria : www.moufdizakaria.org [2] Fondation Moufdi Zakaria Alger 2003 : « Amjadouna tatakallam et autres poèmes de Moufdi Zakaria», par Mustapha ben Al-Hadj Bakir Hamouda. [3] Les données sur ces événements sont puisées de la série d'articles publiés dans Al-Djamhouria en nov./déc. 1985, notamment dans la 7e série des Mémoires et Evénements d'Algérie de feu Mohamed Guenaneche, décédé le 9 déc. 2001 et reposant en paix à Madrid, en Espagne. |
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