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Gouvernance économique: Quels modèles de management pour l'Algérie ?

par Ghania Oukazi

«L'Etat, les administrations et les organismes publics comme les entreprises privées ont emprunté, sans considération pour les réalités locales, des recettes qui fonctionnaient bien ailleurs mais qui ont été des échecs importants pour les organisations algériennes.»

Cette sentence est prononcée par les professeurs Taïeb Hafsi, HEC Montréal, et Bachir Mazouz, ENAP du Québec, invités le 16 mai prochain par l'INPED de Boumerdès, à l'est de la capitale, pour débattre et répondre à la question « Quels modèles de management pour l'Algérie? » Taïeb Hasfi et Bachir Mazouz esquissent à ce sujet, en préambule, que « les pays qui ont réussi le mieux en la matière, le Japon ou Taiwan des années 1970-90, la Corée du Sud, la Malaisie, la Chine de nos jours, avaient tous une capacité managériale qui reposait sur un modèle spécifique ».

Pour préciser leur vision, ils expliquent que « le modèle de management est une capacité autonome à tirer le meilleur parti du fonctionnement des organisations qui permettent la création de richesses ». Ils pensent qu' « un modèle de management permet à la fois l'efficacité et l'adaptation aux changements ».

 Forcément, soulignent-ils encore dans leur fiche de présentation du colloque, que le modèle de management qu'ils évoquent « est par certains aspects universel et par d'autres très local, très spécifique ». Partant de cette approche, ils laissent penser que les institutions algériennes qu'elles soient publiques ou privées ont échoué dans leur choix d'un modèle de gestion qui soit adapté aux spécificités nationales. Sans trop déployer d'efforts de réflexion, leurs gestionnaires ont, notent les professeurs, « emprunté, sans considération pour les réalités locales, des recettes qui fonctionnaient bien ailleurs mais qui ont été des échecs importants pour les organisations algériennes ».

Parce qu'importées d'ailleurs, « souvent ces recettes étaient mal comprises, leur application a été très approximative et elles ont donné des résultats décevants », affirment-ils. La conclusion des professeurs est simple. « Mis à part quelques rares exceptions, généralement dévalorisées, en Algérie il n'y a pas de modèle de management autonome », disent-ils.

Quand le management exige le respect des valeurs locales

Les professeurs soulignent que « les théories économiques les plus élaborées butent toujours sur la capacité des acteurs à les mettre en vie ». Ils estiment ainsi qu'« aujourd'hui, l'Algérie pour progresser économiquement n'a pas besoin d'une nouvelle théorie économique mais d'un modèle de management autonome ». Ils comptent bien préciser à l'assistance de l'INPED « quel serait ce modèle ? Comment se manifesterait-il dans le secteur privé ? Comment se manifesterait-il dans le secteur public ? » Le colloque, disent-ils, est construit autour de deux grands moments. « Le premier serait une discussion sur l'émergence d'un modèle de management autonome dans les entreprises privées algériennes. Le second tenterait de discuter du modèle de management public qui permettrait la création de richesses et l'amélioration continue du bien commun, de l'intérêt général et des services à la population et aux entreprises. » Ils expliquent que « le premier moment commence avec une étude que nous menons sur une vingtaine d'entreprises dynamiques. Ces entreprises réussissent raisonnablement et curieusement partagent toutes un modèle qui combine une recherche de l'excellence, naturellement universelle, et une volonté de respecter des valeurs locales, ancestrales. » Ils en déduisent que « le résultat permet de construire un ensemble plus équilibré et durable ». Ils prévoient de « présenter le modèle en utilisant quelques cas et soumettrons le résultat au débat ».

Le deuxième moment tente, selon eux, de répondre à deux questions importantes : « Comment l'Etat et ses organisations peuvent-ils apporter une contribution positive au développement des territoires, de la population et au bon fonctionnement des entreprises créatrices de richesses ? Et comment accroître la capacité d'action et les habiletés requises pour obtenir de meilleurs résultats en termes de services aux citoyens, aux collectivités et aux institutions ? » Les conférenciers promettent « quelques idées basées sur la connaissance disponible, et sur nos recherches et réflexions en la matière ». C'est ce qui sera débattu durant le colloque dont l'objectif est, disent-ils, « de lancer une démarche d'amélioration durable de la capacité de management stratégique ».

«Un colloque extrêmement relevé»

Sous la conduite de sa première responsable, Fouzia Osmani, l'INPED a décidé ainsi « de placer la problématique du modèle de management, public et privé, au cœur d'un colloque extrêmement relevé tant du point de vue de la qualité des intervenants que des contenus proposés », lit-on dans la fiche de présentation. L'événement permettra, indiquent ses organisateurs, « à l'expertise algérienne, de la diaspora et d'ici, de se déployer et d'apporter des réponses crédibles dans un contexte d'économie en transition et en émergence ». Etablissement public sous tutelle du ministre de l'Industrie et des Mines de formation continue, l'INPED se propose, disent ses responsables, « de devenir un cadre de transfert de connaissances et de débats afin de contribuer également à la recherche des facteurs inducteurs d'un nouveau régime de croissance économique par la thématique développée par ce colloque, la recherche des meilleurs modèles de management ». Ils font savoir que « l'Institut déploie une activité intense en termes de vulgarisation et de diffusion de thématiques dédiées au management et à l'économie appliquée. Il œuvre depuis 1967, année de sa création, à la formation managériale, au conseil et à l'assistance et au conseil aux entreprises ainsi qu'au perfectionnement en langues étrangères.»

Les conférences du colloque du 16 mai prochain seront animées le matin par Taïeb Hafsi et l'après-midi par Bachir Mazouz. Dr Salim Metref, conseiller (DG / INPED), Belkacem Bouchemal, DG de la Fonction publique, Azzedine Nacer-Belkacem, DG des collectivités locales au MICL, Hocine Cherhabil, ancien DG de l'ENA d'Alger, et Azzedine Abdenour, haut fonctionnaire à la retraite, sont attendus pour apporter leur témoignage sur la gestion institutionnelle et la formation des ressources humaines.