|
![]() ![]() ![]() BINATIONAUX MAGHREBINS : La variable d'ajustement du mal français
par Abdelhamid Boughaba * ![]() «Quand on a un
marteau dans la tête, on voit tous les problèmes sous la forme d'un clou.»
(Proverbe africain)
Le recours à cette formule de « la déchéance de la nationalité » est trop désuet et trop simpliste pour faire admettre que les dirigeants n'y ont pas pensé avant afin de prémunir le pays du moindre danger terroriste. Est-ce par paresse ou par lucidité intellectuelle? Là n'est pas l'essentiel de la question. Mais n'y penser que maintenant et promouvoir cela en texte de loi, porte en soi la suspicion et jette l'anathème sur une communauté et une confession bien particulière. C'est ce qui fait dire qu'aujourd'hui la France s'énerve, dérape et perd son sang froid. A de rares exceptions prés, du locataire de l'Elysée au gardien d'immeuble, le pays est entré en transe. Les tenants du pouvoir sont dans un état second, ce qui n'augure rien de bon dans un avenir très proche. Prenant pour prétexte les attentats parisiens du 13 novembre, ils constitutionnalisent le recours à l'arbitraire et à l'Etat d'Exception sous une Présidence et une majorité dite de gauche mais qui n'a gardé de ses origines qu'une appellation racoleuse et une essence trompeuse. Qu'est ce qui peut encore lier la gouvernance actuelle au programme, aux postures et aux promesses d'un François Hollande cuvée 2012, en campagne électorale, déclarant vouloir être celui par qui l'apaisement gagnera le pays, celui qui apportera la sérénité et qui promouvra « le vivre ensemble ». Qu'est-ce qui peut encore lier ces socialistes repus et déconnectés du réel à la démarche et à la pensée d'un Jean Jaures qui a dit et écrit que «la République c'est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de la souveraineté» ? Etrange prémonition frappée de l'extrême lucidité d'un visionnaire qui mettait déjà en garde contre toutes dérives raciales et culturelles et qui mériterait d'être méditer par la classe politique française, toutes tendances confondues. Mais voilà donc qu'au terme de ces quatre années de présence au sommet de l'Etat et à moins de dix sept mois de l'élection à la magistrature suprême force est de constater et de prédire sans grand risque d'erreur que le locataire actuel de l'Elysée rendra en 2017, comme l'avait rendue Sarkozy en son temps, l'une des plus mauvaises, sinon la plus mauvaise des copies présidentielles depuis la promulgation de la République en France. Pour un socialiste, le fait n'est ni nouveau, ni surprenant, car l'histoire atteste froidement que ses semblables ont de tout temps trahi ceux qui les ont portés aux pinacles et qu'ils n'ont été que très rarement du coté des souffrants et des plus fragiles, même s'ils s'en réclament souvent à tord et avec véhémence. Au risque de déplaire, on ne peut s'empêcher de leur rappeler que l'histoire, à défaut de se soumettre aux désidératas des uns et des autres, se distingue par la pugnacité de son entêtement. Ainsi donc, après les ballons-sondes lancés çà et là par les seconds couteaux du pouvoir d'abord, puis par les ténors du Parti et Hollande lui-même ensuite, voilà qu'en cette triste journée de décembre 2015 le couperet élyséen est tombé pour inscrire dans le marbre le principe de la « déchéance de la nationalité française », mesure réservée strictement aux binationaux qui seraient définitivement condamnés pour des actes de terrorisme. Même aux pires heures de Vichy le Gouvernement du Maréchal Pétain n'a pas eu recours à une telle ignominie. Sarkozy en personne, après y avoir pensé et l'avoir clamé dans son discours de Grenoble sous l'impulsion de son gourou Patrick Buisson, a sursis définitivement à sa mise en application. Et ironie de l'histoire, c'est le tandem Hollande-Valls, placé dans les ors de la République par l'écrasante majorité de cette population-cible, qui s'en est chargé avec un cynisme glacial. C'est dire toute la férocité et la perversité de cette décision qu'ils sont allés piocher, sans honte ni retenue, dans le socle fondateur du Front National. L'entreprise est insidieuse à plus d'un titre et à qui sait bien lire entre les lignes et décoder les messages subliminaux, il ne peut qu'être conscient que la démarche ne s'arrêtera pas là. Avec une telle mesure, la France Officielle a ouvert en grand la boite de pandore dont les répercussions et les prolongements dépasseront largement la petite personne de ses initiateurs. L'arbitraire est bel et bien institué à l'encontre d'une frange bien délimitée de la population française. Le français ayant des origines étrangères même très lointaines, maghrébin ou africain sub-saharien, de préférence musulman, est désigné désormais comme ce cœur de cible qui remplacera en ce 21ème siècle la menace extérieure que représentait hier encore pour l'occident, l'ex-empire soviétique. Le nouveau front est définitivement établit et le choc des civilisations est assumé maintenant au grand jour par cette composante de la France qui cherche une nouvelle cohésion nationale dans des lois et des postures revêtant tous les attributs des LOIS SCELERATES promulguées par la Troisième République à l'encontre des anarchistes et décriées par les socialistes eux-mêmes, à leur tête Léon Blum. Sans y être contraint par quiconque, François Hollande s'est engagé sciemment dans l'impasse, s'enfermant tout seul dans ses propres contradictions. Il justifie cette volte face, après avoir poussé sa Garde des Sceaux Mme C. TAUBIRA à s'auto-humilier publiquement, par le souci de ne pas déprécier la parole présidentielle (sic) du fait qu'il a déjà annoncé cette mesure à la Réunion du congrès de Versailles. Selon ses conseillés et lui même, rétropédaler serait bien plus contre productif que de poursuivre cette fuite en avant suicidaire. Mais il faut savoir que Monsieur le Président est trop intelligent pour croire qu'une telle mesure sera un bouclier efficace contre de futures attaques terroristes sur le sol français. Il est foncièrement convaincu que ce n'est qu'un gadget qu'il brandit à destination des électeurs de Marine Le Pen, ceux-là même qui ont déserté les rangs de la gauche socialiste à cause de ses abandons répétés et de la trahison de ses principes. Rien d'étonnant alors que si avant 2017 il ne se rendra pas coupable d'une nouvelle saillie autrement plus infamante qui pourrait remettre en cause la présence même sur le sol français d'une population qui sera considérée alors comme totalement allochtone quelques soient les papiers qu'elle exhibera. Dans cette danse nuptiale que les socialistes exécutent pour séduire les forces frontistes, se nichent des non-dits redoutés et redoutables. Plus rien ne pourra étonner ni ramener à la raison ces prétentieux à l'égo démesuré qui n'ambitionnent qu'à jouer dans la cour des grands de ce monde et rentrer par effraction dans l'histoire. Le reste n'est qu'un jeu de rôle cynique dédié à détourner les regards de la lourdeur des problèmes réels que rencontre aujourd'hui la France. Lorsqu'on se rappelle que Sarkozy s'était assis dans un éclat de rire sur les résultats du référendum qui rejetaient sans doute possible « le traité de Maastricht », que François Hollande a livré le pays au libéralisme et à la Haute Finance par un claquement de doigt et que tous deux s'en sont allés guerroyer à tour de rôle en Libye, en Irak, au Mali et en Syrie contre l'avis des français, l'explication du fait que le peuple les vomisse et s'en va s'accoupler avec la Peste Brune, tombe sous le sens. Pourquoi alors aller chercher ailleurs des justifications stupides par la promulgation de textes tout aussi stupides mais autrement plus assassins qui jetteront en pâture à la ségrégation plus de sept millions de citoyens français dont le seul tord est de disposer d'une binationalité consacrée par la loi française. Par delà ces petits calculs vilement politiciens, a-t-on véritablement mesurer en haut lieu la portée réelle d'une telle mesure qui vient faire sauter les digues et dynamiter le principe d'Egalité gravé sur les frontons de tous les édifices institutionnels et incrusté sur les revers des symboles de la République Française. Sait-on au moins que la seule communauté concernée par la mesure est déjà cette malheureuse victime de la vindicte publique. Voilà qu'aujourd'hui, à la faveur d'une tragédie, les faux-culs qui criaient hier au loup quand la droite avait brandi en son temps ce « hochet », deviennent les chantres assumés de la stigmatisation en pointant dangereusement du doigt les musulmans de France. Ce sont des moments tragiques pour les valeurs républicaines, parce que l'efficacité d'une telle mesure est infiniment dérisoire par rapport aux dégâts qu'elle ne tardera pas à provoquer de sitôt. Clivante et stigmatisante elle se propose de mettre en place un double niveau de citoyenneté : le français de souche et le binational : français par acquisition ou français né en France. Une brèche de taille entame sérieusement le double principe du droit du sol et du droit du sang. La simple double appartenance autorisera dans le futur le glaive de la déchéance à se positionner constitutionnellement au dessus de votre tête. Vous devenez un Français potentiellement suspect, de seconde zone, appartenant à un deuxième collège, éligible à ce nouveau genre de bracelet électronique ou cette étoile qui ne disent pas encore leurs noms. Ensuite la subjectivité, l'appartenance politique et même l'humeur du moment des enquêteurs qui seront chargés d'estimer vos actes, vos lectures et vos relations feront le reste. Quelque que seront les pseudos précautions jetées à la plèbe comme un os à sucer, ils ne pourront jamais masquer le fait que l'entreprise n'est pas un simple écart ou des errements passagers pour la patrie des Droits de l'Homme, mais un véritable naufrage de l'égalité, de l'éthique et de la morale républicaine. C'est un danger mortel et une infamie inégalée dans l'histoire du pays qui vont être consacrés dans les textes par celui qui affirmait solennellement « moi Président, je mettrai toute mon énergie à instaurer la paix et la sérénité pour tout le peuple de mon pays ». Il faut se rendre à l'évidence et voir qu'à travers cette mesure, il vient de commettre le gigantesque raté de son quinquennat. Sur un autre plan, la mise en application de cette mesure soulève toute une série de questions les unes plus pertinentes que les autres. Les initiateurs du projet se sont-ils posés la question de savoir ce que l'on fera de ceux qu'on déchoira de la nationalité française ? Après la prison on les planquera où ? La France construira-t-elle son propre Guantanamo ? Sous-louera-t-elle des emplacements dans le célèbre bagne de l'enclave américaine sur l'ile de Cuba ? Les jettera-t-on à la mer ? Il faut savoir qu'après l'exécution des peines prononcées à leur encontre, se posera également cet épineux problème de la double peine qui se heurte frontalement aussi bien au droit français qu'au droit européenne. On va y répondre comment à ce casse-tête juridique ? Ensuite, appliquer systématiquement à la sortie de prison la reconduite à la frontière nécessite automatiquement, conformément aux principes des relations interétatiques, l'accord du pays de renvoi. Quel pays va accepter d'être le dépotoir de la France pour ceux qu'elle classifiera elle même comme étant des repris justice? À la limite, comme il s'agit de binationaux, chaque pays devra prendre sa part. Lorsqu'on se rappelle que dans un passé récent l'Algérie a refusé d'octroyer une sépulture à Mohamed Merah, on ne peut que se rendre à l'évidence que rien n'est gagné par avance. Ces pays souverains sont dans leur droit de rétorquer aux promoteurs de la mesure que ceux que vous avez jugé coupables chez vous sont avant tout aussi vos citoyens et dans leur immense majorité ils sont de la troisième ou quatrième génération d'origine immigrée, voire davantage. Quelles attaches gardent-ils encore aujourd'hui avec leurs pays d'origine, quand on sait que la majorité d'entre eux n'a jamais foulé le sol national et ne parle même pas la langue de ses parents? Ce sont en réalité de purs produits de l'école et de la Société du pays où ils sont nés, où ils ont grandi. Ils n'ont aucune similitude avec la population du pays de leurs grands et arrières grands-parents. Un opposant de la gauche authentique, analysant la mesure, déclarait récemment sur une radio nationale «comme toujours, partant de notre nombrilisme et de notre logique néocoloniale, nous voulons garder la crème de cette population et leur renvoyer la lie que nous avons fabriquée et conditionnée par nos politiques successives et sur notre propre sol». Aussi, c'est avec une certaine amertume et beaucoup de regrets qu'il est fait constat que la France d'aujourd'hui en est réduite à ce genre de mesures malsaines, renvoyant au monde une image qui ne ressemble guère à son esprit des lumières, ni à son histoire. Des prédateurs venus du fin fond de l'Europe Centrale, de la presqu'ile italienne ou de la péninsule Ibérique s'efforcent à dénaturer son âme et à l'initier à tous les renoncements possibles de ses valeurs qui ont fait toute sa gloire, la plaçant sur le haut du piédestal des nations occidentales. En son nom, ils osent discriminer aujourd'hui ceux qui ont en partage avec elle l'histoire et la géographie, qui sont porteurs d'une richesse millénaire et qui ont reçu en héritage de leur prophète (qlssl) cette sagesse « Ô gens, il ne saurait y avoir de différence entre un arabe et un non arabe, entre un blanc et un noir, si ce n'est la piété ». * Enseignant Universitaire à la retraite - Bordeaux |
|