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Le Miroir. Aperçu historique sur la Régence d'Alger. Document historique
de Hamdan Khodja. Tafat éditions, Alger 2015 (ouvrage écrit par l'auteur en
1833), 297 pages, 600 dinars
Un livre émouvant que celui de Hamdane Khodja. Le livre d'un homme écartelé, sachant son incapacité à lutter contre une occupation du pays (de dix millions d' habitants, affirme-t-il) par un autre pays étranger et d'une autre religion de surcroît... mais, en même temps, espérant on ne sait quelle compréhension ou aide extérieure pouvant abréger l'occupation ou les souffrances du peuple d'Algérie. Il veut, par l'écrit et les relations, «attirer l'attention des hommes d'Etat sur cette partie du globe et afin de leur apporter nos connaissances et les éclairer sur quelques points que sans doute ils ignorent». De la naïveté, comme celle de tous les intellectuels «décalés», ne comprenant rien ou comprenant trop tard les idées militaristes ou expansionnistes des Etats, des politiciens et des groupes d'affairistes. Ou celle de membres de la «nomenklatura» sortant difficilemnt de leur «bulle». Il est vrai que l'écriture est réalisée trois années à peine après l'invasion... ce qui ne donne pas un recul suffisant pour saisir les enjeux géo-stratégiques du moment. Le monde n'était pas encore un «village gloabl». D'où des descriptions certes détaillées des paysages, des lieux, des hommes, de leurs mœurs et usages, mais minorisant (à dessein afin que cela serve de repoussoir) les richesses des territoires.Pour lui, seuls les Turcs, les vrais, les anciens, «magnanimes et charitables», sont capables de diriger un pays où ils seraient, selon lui, bien acceptés. Une grande indulgence compréhensible vu les liens entretenues par sa famille (kouloughlie) et lui-même avec les Turcs... puis avec les Français. Ne servit-il d'intermédiaire entre le bey de Constantine Ahmed Bey et les Français? ? Et, il fut même membre du Conseil municipal d'Alger. L'auteur dénonce surtout les mercenaires, sorte de coopérants techniques, sanguinaires qui, à part quelques exceptions - comme Hadj Ahmed Bey de Constantine - ont précipité la décadence du gouvernement avec une gouvernance de beys incompétents, assoiffés de pouvoir et d'argent et méprisant les populations algériennes («les Arabes et les Kabyles», les habitants des plaines et ceux des montagnes ou les lieux escarpés, comme il dit), ont facilité l'ascension affairiste des Juifs et des diplomates véreux comme Bousnach et Bacri et Deval et l'interventionnisme étranger et ont accéléré la défaite (presque sans bataille) et l'occupation : «Les Turcs, étant au pouvoir, avaient à leur disposition des trésors et une armée ; les beys étaient avec eux, et ils possédaient la Kasba et les forts. Avec tous ces avantages, ils n'ont pas lutté contre les Français» (p 200) L'auteur : Hamdane Ben Othmane Khodja (1773-1842 ?) est un notable d'Alger et un «savant». Famille d'origine turque. Père jusrisconsulte de renom et enseignant, jouissant d'une grande estime auprès de l' administration turque. Fin lettré : Philosophie, théologie, sciences et même médecine (il fut l'auteur d'un ouvrage sur «le traitement des épidémies»). Il voyage beaucoup à travers le monde et maîtrise le français, l'anglais et le turc. Il fut le premier essayiste sur le sujet des «exactions et atrocités» commises en Algérie par les soldats français. Son livre traduit fut publié à Paris en 1833, ce qui entraîna une «réfutation» anonyme (du maréchal Clauzel, dit-on) dans la presse de l'époque. Il quitte Paris en 1836 et s'installe à Constantinople entre 1840 et 1845. Son exil ne lui permit pas de publier le second volume promis. Avis : Pour compléter vos connaissances en Histoire (turque) du pays Citations : «La civilisation ne consiste pas dans la manière de se mettre sur une chaise ou sur un sofa, ou bien de s'habiller de telle ou telle manière, car les uns sont des élégants de salons parfois dangereux pour les mœurs ou la société ;et les autres ne sont, proprement dit, que des hommes à qui les tailleurs sont quelquefois indispensables pour donner de la tournure... Les Orientaux entendent par civilisation, suivre la morale universelle, être juste envers le faible comme envers le fort, contribuer au bonheur de l'humanité qui forme une seule et grande famille » (p 11), «Un sultan ou un roi peut se passer d'un agent ou d'un gouverneur, mais qu'il ne peut être ce qu'il est s'il ne commande pas à un peuple qui seul constitue l'existence de son gouvernement» (p 84), «De même qu'il ne faut qu'un grain pourri dans un tas de blé pour le gâter entièrement, de même il ne faut qu'un homme corrompu pour entraîner au mal tous ceux qu'il fréquente et qui l'entourent» (p 120) , «Un crime politique entraîne toujours d'autres crimes à sa suite » (p 121), «Que le chef soit sultan, roi ou gouverneur, il dirige et doit donner l'exemple. Ses actes iniques démoraliseront un peuple tout entier» (p 256) L'esclavage en Algérie. Essai historique de Lyès Benyoub. Tafat éditions, Alger 2014,130 pages, 300 dinars. Définition de l'esclavage ? Il n'y en a pas une seule mais plusieurs. Mais, toutes ou presque toutes, convergent vers l'absence de liberté?cette dernière, la liberté (et la personne physique la charriant) a.p.p.a.r.t.e.n.a.n.t à une autre personne, à un groupe, à une organisation... ou encore à un Etat. Une définition qui permet d'inclure les «esclaves» qui ne travaillent pas, comme les enfants très jeunes et les vieillards. L'esclavage existe depuis la nuit des temps? les religions amplifiant parfois, sinon souvent, le phénomène. Ainsi, les Chrétiens et les Musulmans ont fait assez longtemps commerce d'êtres humains. Et l'Algérie dans tout ça ? «Le commerce arabe des esclaves est resté très actif de l'Antiquité à l'époque moderne (?). La région d'Alger, en particulier, fournit les marchés nord-africains et proche-orientaux (turcs) en esclaves provenant d'Europe méditerranéenne(?). Les prisonniers chrétiens sont vendus comme des esclaves au marché d'Alger». Un commerce lucratif. Avec des noms célèbres qui l'ont subi : Emmanuel Aranda, Miguel de Cervantès, le futur auteur de Don Quichotte, Jean-François Regnard, un poète. Voilà qui est dit sans détours ! L'occupation coloniale puis l'abolition, en 1848, en France (pays, faut-il le rappeller, instigateur du «Code noir» sur l'esclavage en 1685 sous le règne de Louis XIV) ,de l'esclavage resta sans grand effet en Algérie occupée?et on eut, à sa place, un «Code de l'indigénat» (9 février 1875), appelé «Code matraque», ce qui veut tout dire. Un esclavage déguisé qui dura jusqu'à novembre 54 (plutôt juillet 62). L'auteur va encore plus loin en nous présentant des exemples, avec force détails, d'esclavage en Kabylie, chez les Touaregs, («durant des siècles pourvoyeurs d'esclaves sur les marchés sahariens») et dans les pays environnants comme la Mauritanie (dernier pays à avoir aboli l'exclavage, en 1981... mais, la pratique demeure ancrée dans les mœurs et les traditions) L'auteur : Il est né en 1968 à El Harrach. Intendant de profession, il est déjà l'auteur d'un premier roman, «Eternel Pardon», mélange d'événements historiques et d'indignité humaine?et il a été un des anciens organisateurs des «Poésiades de Bejaia». Chercheur passionné d'histoire et de sujets sensibles. Avis : Sujet assez original et, surtout briseur d'un «tabou». Un pan de «notre» histoire soit bien souvent («volontairement» ) ignoré... , soit tout simplement évité . Dommage, ouvrage désarticulé, véritable patchwork documentaire ! Il devrait le revoir et l'augmenter en s'intéressant beaucoup plus aux nouvelles formes d'esclavage (dans le monde dit moderne) et aux pratiques exploiteuses dans bien des pays arabo-musulmans du Moyen ?Orient. Citations : «Notre histoire est transformée en légende, en conte de fée ;chacun la raconte à sa manière. Et, malheureusement, l'école n'a pu apprendre aux enfants l'histoire du pays qui s'étale sur plus de trente siècles «(p 11), «L'homme, quel qu'il soit, ne peut jamais faire entièrement ce qui lui plaît. Les hommes sont les ennemis de tout homme qui veut essayer de modifier ce qui existe déjà car ils désirent la liberté de faire ce qui les avantage personnellement «( p 88). Les Romains en Kabylie. Suivi des «Arabes en Kabylie». Essais de Adrien Berbrugger. Tafat éditions, Alger 2012 (Extrait de l'ouvrage : «Epoques militaires de la Grande Kabylie», 1857, Bastide Edition) , 109 pages, 220 dinars. Le titre du premier livre est assez trompeur. En raison d'un état chronique d'hostilités entre les occupants et les «Indigènes», les Romains (et bien d'autres «envahisseurs» dont les Francs en 275 ou 261) n'ont jamais réusi à pénétrer en Kabylie, telle qu'on la situe géographiquement aujourd'hui. D'ailleurs, l'histoire romaine de son côté ne parle presque pas de la Grande Kabylie. C'est donc la géographie, un peu moins avare de détails qui va fournir «quelques renseignements»? et, ajoutez-y les récits traditionnels et quelques faits et conflits historiques avérés avec des héros qui en firent voir de «toutes les couleurs» aux occupants ou/et protecteurs (Gildon, fils de Nubel, «chef de la Grande Kabylie» qui , devenu Gouverneur général de l'Afrique - du Nil à l'Atlas?- voulut affirmer son indépendance, Firmus?). Tout le reste n'est que supputations, emballées dans des détails techniques bien structurés il est vrai. Déjà dans le premier livre, l'auteur annonce la couleur : «Dès les premières années de l'occupation française, il semblait qu'il n'y eût qu'une tribu arabe en Algérie , les Hadjoutes !». De ce fait, le second livre consacré aux «Arabes en Kabylie» part d'un constat, pris de l'histoire et de la légende, «peu explicitées l'une et l'autre» : «Aucune mention expresse d'invasions arabes dans le massif Djurdjurien»... et ailleurs, «les nouveaux conquérants s'étaient vite fondus dans la masse des populations aborigènes »? L'auteur reprend Ibn Khaldoun en citant les trois grands tribus du pays : les Zouaoua, en Grande Kabylie, les Sanhadja, à l'Ouest et les Ketama à l'Est... avec , tous, un père commun, Berr, descendant de Mazir, fils de Kenaan. Ses conclusions : «A l'époque où nous sommes arrivés, les Arabes avaient cessé d'exister en Berbérie, non seulement comme élément dominateur, mais presque comme population». «C'étaient des dynasties berbères qui régnaient sur le pays, ou qui s'en disputaient la possession». «La Grande Kabylie demeura indépendante de fait, sinon nominalement, entre la conquête arabe et l'établissement turc»... L'auteur : Anthropologue et philologiste spécialiste de l'Algérie, né à Paris en 1801 et décédé à Alger en 1873. Secrétaire général du gouverneur Clauzel dès 1835 et rédacteur en chef du «Moniteur Algérien». Grand voyageur dans l'Algérie profonde, explorateur de nombreux sites historiques. Avis : Rébarbatif et orienté. Déjà écrit pour diviser et/ou diminuer. Mais, d'une certaine utilité, toute intellectuelle. A lire avec prudence. Citations : «La nourriture de Rome est à la merci du Berbère : il ne nous l'envoie plus comme un tribut dû au souverain ; il l'accorde comme un bienfait» (Selon le poète Claudien à l'époque de Gildon, p 37), «Avoir de la richesse ou des ennemis particuliers désignait suffisamment aux rancunes et à la cupidité des dénonciateurs. Sous le voile de la politique, on augmentait ainsi son bien sans travail, ou l'on vengeait ses querelles personnelles sans péril» (p 50) |
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