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Alors
que l'Algérie brille par son absence, la Tunisie réussi le pari d'être présente
dans pratiquement toutes les sélections du plus important festival
international de cinéma du monde.
C'est l'année de la Tunisie à Cannes ! Pas moins de trois films tunisiens sélectionnés pour cette 75 ème édition. Deux films dans le cadre de La Quinzaine des Réalisateurs, et un dans la sélection jumelle de l'officielle, Un Certain Regard. Par ailleurs La Semaine de la Critique, section parallèle dédiée aux premiers et seconds films, a décidé de confier cette année la Présidence du Jury à la cinéaste tunisienne, Kaouther Ben Hania. Sachant par ailleurs que la communauté maghrébine installée à Cannes est essentiellement originaire de Tunisie, cela ne risque-t-il pas de poser un sérieux problème pour la police de cette charmante ville balnéaire qui a voté à 47% pour Marine Le Pen au second tour des dernières présidentielles ? Car s'il est relativement facile de ne pas confondre le producteur Tarek Ben Ammar avec un vieux retraité maghrébin qui traine son spleen sur la Croisette, comment faire la différence entre un jeune réalisateur ou un jeune comédien venus de Tunisie et les sans-papiers qui grand-remplacent la Côte d'Azur ( en tant que prolétaires des cuisines, esclaves-livreurs de tout et de n'importe quoi, vendeurs de fruits et légumes, dealers de luxe ou de misère, chômeurs pacifiques ou rebelles) ? Attention, amalgames ! Chers accrédités tunisiens de Tunisie, mettez votre badge du festival de Cannes bien en évidence, et méfiez-vous aussi des pickpockets. Faut-il, pour vous en convaincre, rappeler ici les mésaventures du réalisateur Rachid Bouchareb l'année où il a passé toute une journée dans un commissariat de Cannes ? Certes cela n'a pas empêché ensuite le même Rachid Bouchareb de revenir autant de fois que possible à Cannes, car il n'y a pas mieux que ce Festival pour lancer la carrière commercial d'un film, mais depuis il fait très très attention. Puisqu'on a ouvert la parenthèse Bouchareb, précisons que cette année l'auteur d'Indigènes est de retour à Cannes avec Frangins, un film sur l'affaire Malik Oussekine, étudiant de 22 ans mort sous les coups des policiers français en 1986 en marge des grandes manifestations estudiantines auxquelles line participait même pas. Ce film projeté hors compétition est interprété par Réda Kateb et Lyna Khoudri. La jeune comédienne qui monte viendra directement d'Alger où elle passe actuellement des vacances bien méritées. Réda Kateb, lui, viendra de Paris, Montreuil pour être plus précis, mais après Cannes il embarquera pour Alger où il doit tourner dans un film très important (info sous embargo). En attendant la projection de Frangins, prévue le 23 mai, Réda, Lyna, je vous préviens, quand vous débarquerez à Cannes cette année vous aurez l'impression d'être à Carthage. Y a un goût de jasmin dans le champagne et beaucoup de harissa dans les petits fours. Les petits enfants d'Oummi Trakki sont venus en force ! Tunisie partout, Algérie nulle part L'autre voisin sera quant à lui représenté par un film retenu dans la sélection Un Certain Regard. Avec une dose de jalousie circonstancielle, on dira que lorsque Nabil Ayouche n'a pas de film à présenter à Cannes c'est son épouse, Meriem Touzani, qui le remplace pour représenter le royaume du Maroc. En Caftan bleu, cette année (c'est le titre de son film). Et nous, et nous, et nous ? Aucun film algérien -de près ou de loin- n'a été retenu cette année à Cannes. D'après nos sources, généralement bien informées, deux films ont vainement tenté leurs chance pour représenter l'Algérie: La Dernière, de Adila et Damien Ounouri, un film en costumes qui met en scène la dernière princesse d'Alger face à son bourreau Baba-Aarroudj le terrible tombé sous son charme. Un duel au soleil entre la belle carnassière et le barbare au coeur de baba-au-mazhar avec des scènes de batailles à chevval et des séquences d'amour, des choses à voir et à manger. Actuellement en cours de re-montage, le film tentera le Festival de Venise en septembre - où il aurait dit-on plus de chances d'être sélectionné. Plus surprenant est l'autre recalé algérien, le nouveau film de Mounia Meddour, à qui le Festival avait pourtant déroulé le tapis rouge pour ses papicheries. Selon des sources plus ou moins dignes de (bonne) foi, il semblerait que son dernier opus, Houria, n'avait aucune chance d'être sélectionné. Les mauvaises langues qui ont pu le visionner parlent d'un Papicha 2, les très mauvaises langues d'un Rachida 3, et les vieilles vipères de plus de 60 ans d'un Lyna sans les autres, en référence à un vieux film de Sid-Ali Mazif - et au passage pour sous-entendre sournoisement que dans ce film comme dans le précédent Mme Meddour n'a eu de yeux que pour Mlle Lyna Khoudri, ignorant les autres interprètes qui estiment avoir été maltraitées et qui le font savoir à chaque fois que possible. D'un malaise à l'autre, nous voilà à notre tour bien ennuyés. Comment l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes se débrouillera-t-il pour tenir en haleine pendant 11 jours ses vieux lecteurs et followers s'il n'y a aucun film algérien à se mettre sous le dentier ? En Algérie, les quelques professionnels du cinéma qui restent sur place tentent de profiter de ce Cannes sans films algériens pour alerter les autorités sur leur situation dramatique. Et pour re-dénoncer la dissolution, le 31 décembre 2021, du Fdatic, le fonds de développement de l'industrie cinématographique. «Le cinéma se meurt, la culture qui répare et apaise une société est confiée à une ministre qui préfère soutenir les salons dédiés aux mariages» se lamente la réalisatrice Sofia Djama. «Apres avoir été mal géré durant 15 ans et abandonné durant ces 5 dernières années, le cinéma algérien se retrouve carrément mis a mort depuis la suppression de l'unique fond d'aide qui le soutenait. Cette question ne concerne pas uniquement les artistes mais tous les citoyens. L'Algérie est sur le point de devenir un pays sans cinema, sans musique, sans théâtre, sans spectacle et sans divertissement?» tempête de son côté le producteur Yacine Bouaziz. Jérémiades numériques et sourde oreille étatique Le soft-power n'étant pas la tasse de vodka des régimes pas du tout soft, il est fort à craindre que les jérémiades des réseaux sociaux ne changeront rien à rien. Comment les cinéastes algériens vont-ils faire pour réaliser des films algériens et de préférence en Algérie ? Ceci n'est pas une question, c'est une colle. Les fonds-d'aide internationaux, les distributeurs, chaînes de télé et plateformes, qu'ils soient quataris, saoudiens, français ou d'ailleurs permettent tout au plus la réalisation d'une poignée de films à petit budget pour soutenir à tour de rôle les vastes territoires abandonnés par le cinéma. L'Algérie en fait partie. Ceux qui espèrent à coup de pétitions une «renaissance» du cinéma algérien comme à l'époque du parti unique, quand l'industrie du cinéma étatique produisait 5 films par an en moyenne ( l'âge d'or de l'ONCIC), sont de doux rêveurs. Les autres, ceux qui ne sont ni mous ni rêveurs, quittent de plus en plus l'Algérie pour s'installer ailleurs, principalement en France où il estiment que c'est la place to be pour tourner des films en Algérie. Ironie de l'histoire ! Revenons au Festival de Cannes, la 75 ème édition s'ouvre donc ce soir avec une comédie grinçante sur le monde du cinéma d'aujourd'hui réalisée par Michel Hazanavicius, Coupez !. L'acteur franco-algérien Lyes Salem joue dans le film. Au moins pour la première montée des marches, on aura un peu quelqu'un de chez nous. Sincères consolations. Enfin, maintenant qu'il flotte partout à Cannes, il n'est pas inapproprié de reconnaître que le joli drapeau tunisien est celui qui soigne le mieux les symboles islamiques: le croissant et l'étoile à cinq branches délicatement réunis dans un petit disque blanc sur fond rouge, c'est très chic. On s'en veut de ne pas l'avoir remarqué plutôt. |