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La cinéaste tunisienne Kawther Ben Hania présente dans
le cadre d'Un Certain Regard, «La Belle et la meute» un film de dénonciation
qui ne manque pas de courage mais qui laisse notre envoyé spécial un peu
dubitatif.
Il y a à peine deux ans, elle avait été une des révélations de l'ACID (la sélection très parallèle qui défend le cinéma indépendant dans le monde ) avec son premier long-métrage Echelat, «le balafreur de Tunis», une vraie enquête sur un fait-divers qui a défrayé la chronique à Tunis et qui lui servait de moteur à une fiction inspirée et audacieuse. Au delà de sa dénonciation du machisme typiquement maghrébin (comprendre par là le machisme pratiqué et partagé aussi bien par les hommes que par les femmes), Kawther Ben Hania a été repérée, et bien repérée, pour ses talents de réalisatrice. Après «Zeineb n'aime pas la neige»récit du passage à l'adolescence d'une jeune tunisienne qui, après le décès accidentel de son père, émigre avec sa mère au Québec (Tanit d'or à Carthage), la voilà qui revient à Cannes avec un nouveau film, La Belle et la meute (retenu cette fois par Un Certain Regard) une fiction adapté d'un roman lui même basé sur une histoire vraie. Mériem, une jeune étudiante tunisienne est violée par des policiers. Le film restitue sa lutte en pleine nuit pour obtenir justice et réparation en déposant plainte. La Belle et la meuteest construit en 9 chapitres, 9 plan séquences ( c'est la monteuse du film qui a dû être contente). Filmer la nuit de calvaire de cette jeune fille résolument décidée à porter plainte comme un haletant thriller kafkaïen est une bonne proposition de cinéma. Pour pouvoir déposer plainte l'héroïne violée a besoin d'un certificat du médecin légiste. Or, Mériem ne peut prétendre à ce certificat qu'avec l'aval du commissariat. Le reste on le devine, les flics feront tout pour qu'elle renonce à sa plainte: intimidations, chantages, violences psychologiques et physiques? Confrontée à un réseau de connivences, la petite étudiante venue de la campagne ne pourra même pas compter sur les quelques policiers intègres et les médecins plus ou moins acquis à sa cause. Et encore moins sur le jeune homme rencontré dans cette soirée estudiantine qui va l'accompagner dans ses démarches sans doute plus pour régler ses comptes avec la police symbole du régime honni que pour la protéger elle. Il faut saluer le courage de la jeune réalisatrice, évidement, lui souhaiter de garder intact sa rage et son envie de dénoncer tous les maux qui rongent nos sociétés, bien sûr. Mais on lui souhaite encore mieux: sortir du cadre du film de dénonciation pure pour nous étonner comme elle a su bien le faire avec Le Chelat de Tunis. Car toutes les bonnes intentions de La Belle et la meute s'avèrent vaines au bout de quelques plans séquences, dans lesquels -comme par hasard- tous les méchants sont moches et toutes les victimes jolies. Un film qui fait la morale et juge ses personnages en fonction d'une ligne de démarcation aussi rigide que primaire perd de son crédit. Aussi sympathique soit son auteur(e). |