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Présenté dans une sélection consacrée aux films d'auteur, «Le challat de Tunis» premier film de Kaouther Ben Hania est un «docu-menteur» qui ne manque ni de charme ni d'audace... On ne va pas vous mentir, on aurait adoré voir le tout dernier film de Mahmoud Zemmouri, «Hallal» (avec Mourad Zeguenidi, Hafsia Herzi et Smaïn) présenté au Marché du film et qui a bien fait rire Rachid Bouchareb. Mais pour cela il aurait fallu d'abord pointer au Pavillon Algérie et négocier un carton d'invitation... De même on aurait aimé voir comment Souad Massi bascule dans le monde du cinéma avec «Le cerf-volant» de Randa Chahal- Sabbag, film réalisé par une palestinienne financée par l'AARC, l'Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel) mais l'un dans l'autre on a eu peur de devoir rendre des comptes sur nos précédents comptes rendus et surtout de devoir visionner d'autres productions algériennes genre «Fadhma N'soumer» de Belkacem Hadjaj, en présence du réalisateur -qui est loin d'être le plus mauvais de nos cinéastes, mais quand même on préfère voir les films sans la présence des auteurs comme l'exige la mère de toutes les bienséances. Suite à cette série de manquements graves pouvant être retenus contre le Quotidien d'Oran, on est allé voir «Le Challat de Tunis», le film de la tunisienne Kaouther Ben Hania proposé par l'Acid (l'Association pour le cinéma indépendant et sa diffusion) dont le programme cette année a été confié à la réalisatrice Dominique Cabrera. Surprise, le film tunisien est rondement bien mené. Tout à la fois vrai faux-thriller et faux vrai-documentaire «Le Challat de Tunis» ne manque ni d'humour ni de souffle. Pour ceux qui n'aurait pas compris, « Challat» veut dire « Balafreur» et le film s'appuie sur un fait-divers qui a fait trembler les tunisoises en 2003. Un peu comme dans «M. le Maudit» (toutes proportions gardées), un homme rode dans les rues de la capitale du jasmin une lame à la main pour balafrer les fesses des femmes trop «dévêtues» à son goût. Qui est ce maudit «balafreur» qui se sauve en mobylette une fois son triste méfait accompli, et surtout quelles sont ses motivations ? Tout le monde en parle, personne ne l'a réellement vu. Après la révolution, la réalisatrice enquête sur ce fait divers qui a traumatisé la société tunisienne. Enfin, «Faits-divers» c'est vite dit. Le Challat de Tunis a-t-il vraiment existé ou s'agit-il d'une rumeur ? Avec peu de moyens et plein d'audace, Kaouther Ben Hania nous trimballe de rue en rue, et de genre en genre: du documentaire au thriller et du film social à la comédie noire. Le challat est là et le challat n'est plus là, c'est tantôt oui tantôt non, peut-être même que c'est un agent des sbires de Ben Ali qui étaient spécialistes des coups montés, mais peut-être ce n'est qu'une hallucination collective. Le film avance comme un palpitant thriller à caractère sociologique et la réalisatrice présente à l'image transforme son enquête en manifeste qui va au delà du féminisme primaire de nos bleds berbero-musulmans. Encore un film inclassable comme tous les bons films de ce Cannes 2014. On ne va quand même pas dévoiler le fin du mot de l'histoire, mais on peut parier que c'est le genre de films que l'AARC ne produira jamais (ce n'est pas un procès d'intention, enfin si un peu, mais surtout une piste pour «Le Challat»). On ne dira pas ici si les deux jeunes étudiants qui mènent l'enquête (un des deux rôles est joué par la réalisatrice) finiront par rencontrer «le balafreur des fesses». Si cela peut vous aider, je vous livre un petit bout de l'interview que Kaouther Ben Hania a accordé à la revue «Le Film Français»: « Ce film est pour moi le prétexte d'explorer les mentalités tunisiennes afin de voir ce qui a changé et ce qui résiste au changement... Grâce à a Révolution, les choses sont devenues simples. J'ai pu avoir accès aux archives de l'affaire et j'ai découvert qu'en 2003, on avait incarcéré un suspect qui a servi de bouc émissaire. Je suis allé à sa rencontre et il a joué le personnage principal de mon film. Nous avions tourné 60% du film quand il a été arrêté par la police pour une affaire de recel. Nous avons dû attendre une année entière pour terminer le film dès sa sortie de prison». |