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Il ne s’agit pas d’encombrer l’hagiographie nationale mais d’exercer un devoir de mémoire pour soustraire à l’amnésie de l’anonymat le sacrifice de ces nombreux étudiants qui ont choisi, comme Abdelhalim, d’offrir leur jeunesse à la patrie. Cette évocation, totalement inédite à ce jour, s’imposait.
Mascara automne 1954: Abdelhalim Ould-Aouali, 18 ans, s’apprête à quitter sa ville natale, Mascara, pour Constantine où il est inscrit pour la deuxième année consécutive à El Médersa Ibn Badis. Contrairement à ses frères Benabdellah et Youcef qui ont choisi d’aller à Fès, puis au Moyen-Orient (Egypte et Iraq) pour finir leurs études, Abdelhalim n’a jamais quitté le pays. Sa scolarité s’est faite exclusivement à El Gueitna, dans l’école coranique attenante à la ferme familiale. Fin décembre 1954 A cette date, Abdelhalim n’a envoyé à sa famille que deux lettres: la première postée de Constantine, la deuxième de Batna (!!) C’est par cette lettre que sa famille comprendra que Abdelhalim est désormais dans les maquis de l’Aurès. Tentant de les rassurer, il leur demandera de ne pas s’inquiéter et surtout d’éviter d’entrer en contact avec lui, se réservant, lui, l’initiative de donner de ses nouvelles. Connaissant sa détermination, ses parents se plieront à sa volonté et ne demanderont plus de nouvelles. Abdelhalim était entré en clandestinité dans le groupe des premiers maquisards activant sous la houlette de Mostefa Ben Boulaïd. A partir de là, la répression s’abat sur la famille Ould Aouali qui ne connaîtra plus de répit, et sera régulièrement «interrogée» sur l’absence de Abdelhalim. Mais Abdelhalim n’est pas seul en cause dans les ennuis de sa famille. Le militantisme est déjà une tradition familiale. Le père de Abdelhalim, Hadj Miloud, étant décédé depuis 1948, son frère Hadj Benali mettra ses biens, et notamment la ferme d’El Gueitna, plus précisément au lieu-dit Arrouba, à la disposition de l’ALN. Il faut dire que le lieu se prête merveilleusement bien à la clandestinité : un souterrain sert de cache aux maquisards de la région de Mascara qui y installent définitivement leur PC. 1957, Benhalima, le frère d’Abdelhakim, est tué dans un ratissage. 1958, le beau-frère de Abdelhalim, Djilali Khemliche, est tué dans un ratissage. La ferme des Ould Aouali, située en zone interdite, est investie par l’armée française à la recherche des responsables de l’organisation FLN-ALN. Le chef de région, zone 6, wilaya 5, Zine El Abidine, Lakhal Mohamed, Benlebna Soraya et Merzoug Kada sont emmenés pour «interrogatoire» tandis que les autres djounoud seront tués sur place et jetés dans les silos. Zine El Abidine et Lakhal Mohamed ne reparaîtront plus. Ils seront exécutés par l’armée française. La prise étant importante, l’événement sera relaté par «L’Echo d’Oran», photos à l’appui. Dans le ratissage, la ferme de Hadj Benali sera complètement rasée ainsi qu’une cinquantaine d’hectares de vignes saccagées, ce qui l’obligera à se replier sur Mascara-ville. De Abdelhalim, ils n’auront plus de nouvelles. Quelques années après l’indépendance, son frère Benabou entreprend des recherches. Sans piste sérieuse, sans grand espoir aussi, il se rend à Constantine. Il apprendra dans le train, au hasard d’une conversation, que Abdelhalim son frère est mort les armes à la main, en 1956 à Chachar dans la wilaya de Khenchela. Son interlocuteur semblait bien informé et pour cause…, c’était le condisciple d’abord, puis le compagnon d’armes de Abdelhalim ! Ils avaient pris le maquis ensemble. Benabou sera alors totalement pris en charge, conduit à Khenchela et mis en contact avec les principaux témoins et membres de la commission dont Laïeb Mohamed. Partout, il fut reçu avec les plus grands égards. Abdelhalim, venu de loin, n’était pas un inconnu. Les témoignages furent nombreux et sans appel pour dire son courage et l’héroïsme de sa mort au combat, dans une bataille célèbre des Aurès. Benabou ne reviendra pas les mains vides à Mascara, puisqu’il rapportera avec lui la fiche communale qui fut établie séance tenante et cosignée par les plus grands maquisards de la région. On peut y lire : Ould Aouali Abdelhalim né en 1936 à El Gueitna (Mascara). Incorporé à l’ALN en avril 1955 à Chachar. Tombé au Champ d’Honneur en 1956 à Chachar (Khenchela). A exercé sous les ordres de Abbès Laghrour et Athmani Tidjani. Pour la famille, le tribut est lourd, l’aîné et le plus jeune sont morts en martyrs mais elle pouvait enfin faire le deuil d’Abdelhalim, mort sans sépulture. De Mascara à Khenchela, sur le chemin du savoir, il rencontra une mort glorieuse, dans une terre non moins glorieuse, gorgée d’héroïsme et du sang des martyrs : les Aurès. Il avait 20 ans. Qu’il repose en paix ! |