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Dans
la continuité de ses actions pour la promotion de la culture algérienne sur le
territoire national mais aussi à l'étranger, Abdelkader Bendameche
était à Paris, le 27 avril, pour animer une conférence en hommage à Cheikh
Abdelkrim Dali au Centre culturel algérien, en partenariat avec l'Agence
algérienne pour le rayonnement culturel.
- Pour beaucoup de raisons, des menaces pèsent sur les diversités culturelles partout dans le monde, pouvez-vous dire un mot sur la situation de la culture musicale algérienne, et plus particulièrement sur les actions menées pour la sauvegarde du patrimoine musical algérien ? - Abdelkader Bendameche : La culture algérienne est très vaste, en particulier dans le domaine dans lequel je travaille qui est le patrimoine immatériel. Cette composante du patrimoine a été délaissée durant des décennies par la communauté internationale, jusqu'en 2003 date à laquelle a été ratifiée la convention internationale qui organise ce domaine. Pour la première fois dans l'histoire, nous avons déterminé un patrimoine immatériel qui intègre la poésie, la musique, les traditions populaires, les spectacles vivants; l'ensemble de ce patrimoine immatériel est intégré dans la mémoire. L'Algérie a été le premier pays à signer cette convention, et y a adhéré avec force et vigueur, en créant plus de 200 festivals nationaux et internationaux, dès lors qu'il y a une convention internationale qui nous soutient. Le ministère de la Culture a lancé plusieurs actions en faveur du patrimoine, pour son développement, pour son enrichissement et pour sa sauvegarde. Cela a été fait de la meilleure façon qui soit. Aujourd'hui, nous rentrons dans une phase différente à cause de la baisse des financements de l'Etat mais les actions de sauvegarde restent une priorité. Les recherches que j'effectue s'inscrivent donc dans le domaine de la mémoire, la mémoire du patrimoine immatériel. C'est dans ce sens que vont les ouvrages que je présente, consacrés dans des publications, dont une anthologie des grandes figures algériennes en quatre tomes. Cette action de classification, de défense du patrimoine, a aussi donné naissance à une anthologie sur la musique algérienne. Il s'agissait aussi d'utiliser les médias, TV ou radio, comme par exemple durant des années l'émission radio "Maya Wa Hsin". Aujourd'hui, j'utilise le livre qui va, je l'espère, me survivre, mais qui va surtout être un moyen de mise en valeur du patrimoine et des grandes figures algériennes. J'essaie de donner la matière aux chercheurs pour continuer le travail, pour avoir des repères et des documents vivants. Etant énarque de formation, j'ai une dimension universelle que le fait d'être chanteur chaabi ne m'a pas donnée, mon intérêt pour la dimension culturelle dans l'administration m'a permis d'appréhender les différents genres musicaux de notre pays. - Lorsqu'on vous écoute, la première chose qui transparaît c'est, bien sûr, votre passion pour votre domaine, mais aussi votre incroyable capacité à retenir les chiffres et à mémoriser avec précision les détails sur toutes ces personnes et les dates de l'histoire qui se rapportent à elles. - A. B. : Il s'agit essentiellement de travail et comme vous le dites de passion. Boileau disait : " Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ". Etant musicien chaabi, l'historique du chaabi était bien sûr une continuité logique, ayant par exemple connu les gens qui ont donné cette dénomination à ce genre musical, notamment Boudali Safir, ce genre existait avant comme " madih dini ", mais c'est aussi le fait de vivre au carrefour de l'action culturelle de notre pays. Dans les années 80 après l'ENA, j'ai été nommé sous-directeur au ministère de la Culture et je me suis orienté vers le théâtre. Cela m'a permis de connaître le monde du théâtre, entre 85 et 90. J'ai connu toutes les personnalités du théâtre et j'ai surtout beaucoup travaillé avec elles, en essayant de trouver des moyens pour leurs actions. Mon amour pour le théâtre m'a permis de connaître Kateb Yacine, Kaki, Alloula et tant d'autres? - Vous auriez donc pu être également un expert du théâtre algérien ? - A. B. : J'aurais effectivement pu me consacrer à l'écriture pour le théâtre, mais il y avait déjà beaucoup de noms dans le théâtre comme Bouziane Benachour, Ahmed Cheniki ou Kamel Bendimred, ils font le travail parfaitement bien, je ne me voyais pas intervenir dans le théâtre alors que mon domaine était la musique. Tous les aspects de la musique algérienne m'intéressent, je ne fais aucune différence de traitement d'analyse du genre musical, qu'il s'agisse de Cheikh Hamada, de Aïssa Al Djarmouni, d'Al Anka ou de Mohamed Khaznadji, et de toutes les régions du pays? Ce sont tous des Algériens d'hier et d'autres d'aujourd'hui qui portent l'emblème «Algérie» et qui l'expriment artistiquement. Il y a en eux la même force de message, ils ont tous l'Algérie et l'islam dans la peau, ils ont tous l'envie de raconter l'esthétique de leur pays, et ont tous chanté l'amour en le liant à la nation. - Pour revenir à l'hommage au CCA de Paris pour Cheikh Abdelkrim Dali, votre documentaire et votre livre apportent un éclairage important sur cet illustre personnage. Pouvez-vous nous en dire un mot ? - A. B. : Nous venons de produire le film documentaire sur Cheikh Abdelkrim Dali avec des moyens limités; le livre, quant à lui, est sorti en 2009, cette présentation au théâtre du Centre culturel algérien à Paris est un évènement culturel majeur. J'ai été ravi de la rencontre avec le public, et en tant qu'orateur à la conférence, chaque regard du public m'a porté. L'évènement au CCA est intégré à d'autres évènements dans l'esprit de promotion de ces figures culturelles et de sauvegarde. Le grand public et l'Etat algérien ont conscience de la nécessité de cette sauvegarde, malheureusement, ça ne se traduit pas toujours sur le terrain, nous manquons cruellement d'individus qui s'investissent réellement et se spécialisent dans le domaine. D'autres pays mettent en œuvre beaucoup de moyens dans le domaine en réalisant beaucoup de livres, il nous faut garder une veille culturelle, nous sommes, avec nos voisins du Maghreb, un même peuple, mais le patrimoine a un lieu de naissance et l'histoire de ce patrimoine doit être reconnue. Il faut à chaque fois, grâce à des arguments documentés et maîtrisés, combattre les menaces qui pèsent sur notre culture qu'elle soit musicale ou autre. Pour cette surveillance et cette protection, il nous faut des experts formés et impliqués. Un autre exemple de notre richesse culturelle, dans la poésie " Al Malhoune ", le genre a été créé au 16ème siècle par un Algérien, Sidi Lakhdar Ben Khelouf, il s'agit de notre " Amir el chouaaraa ". Il a laissé une production exceptionnelle, mais il est cité dans très peu d'ouvrages et il est peu connu. Tous les grands noms de la poésie maghrébine ont reconnu la grande qualité poétique de cet homme. Je travaille actuellement sur un recueil le concernant. - Y a-t-il des partenariats avec l'Education nationale par exemple, ou avec des instituts de recherches pour pallier le manque d'expertise ? - A. B. : Oui, à Oran par exemple, le CRASC (Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle d'Oran) s'investit dans ce domaine. Il y a des recherches dans plusieurs domaines de la culture algérienne, d'autres projets sont lancés un peu partout dans le pays. |