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Dr Rachid Bouakaz, l'homme du Burkina, n'est plus

par Farouk Zahi

La grande esplanade de la Zaouia d'El Hamel (Bou Saâda) c'est avérée, en ce mercredi 25 septembre 2013, exigüe pour contenir une foule venue de toute part. D'anciens ministres et walis, cadres supérieurs et médecins, amis et petites gens venus, tous, pour rendre un dernier hommage à l'homme qui a consacré sa vie durant à l'acte de soin de santé publique. Produit de l'école algérienne d'infectiologie dont l'hôpital d'El Kettar en était le bastion, Dr Bouakaz a bourlingué pendant plus de cinq années dans les méandres africaines, notamment, au Burkina Faso. Valeur sûre, Blaise Compaoré, président de ce dernier pays, en fit son propre conseiller en matière de problématique sanitaire et plus tard son ami. Rentré définitivement au pays, à la fin des années 90, il est tour à tour Chargé d'Etude et de Synthèse au cabinet du département sanitaire, directeur central par deux fois.

Nourrissant de grands desseins pour le Sud, il est derrière le programme appelé communément : Santé Sud. Avec l'appui de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il est l'initiateur de la veille sanitaire de la route transsaharienne par la création de stations de surveillance épidémiologique dont il équipe et anime un chapelet, notamment à Ouargla, El Ménéa, In Salah et Tamanrasset.

Son expérience avérée en matière de pathologies subsaharienne lui vaut d'être, à chaque fois, sollicité pour faire partie des missions continentales. L'intervention algérienne à La Conférence africaine sur la lutte contre le Vih/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexe de 2001 d'Abuja, marquée par son sceau, a été d'un apport indéniable lors des recommandations finales du regroupement.

A Bou Saâda, le prénom de Rachid, renvoie indubitablement à ce garçonnet, studieux et bien mis. Surclassant les élèves de son âge, il est admis au cycle secondaire précocement. Lors de son inscription au sanctuaire qu'était le lycée Bugeaud (Emir Abdelkader), Ammi Said, son père, s'entendit dire par M. Oussedik, proviseur du lycée à l'époque : «Vous êtes certainement dans l'erreur monsieur ! Ici, nous ne disposons pas de classe de 6è». Au vu de la taille et de l'âge de l'élève, le proviseur pensait, à tort, qu'il s'agissait d'une méprise dans l'orientation scolaire de l'enfant. Au regard des résultats du premier trimestre, le staff enseignant changeait de perception vis-à-vis du brillant élève.

Etudiant et interne en médecine, il est reçu avec déférence dans les foyers de sa prime jeunesse quand il lui arrivait d'accomplir des remplacements en pratique médicale de ville. On allait sur Alger pour solliciter l'aide de Rachid, qu'il ne déclinait jamais, même en dehors de la sphère d'évolution du jeune spécialiste. Avec sa gentillesse légendaire et son sens de l'anecdote, iI faut lui reconnaitre cette capacité exceptionnelle de fédérer les avis autour de sa personne. Sa maturité d'esprit, sa vision profonde des défis majeurs du pays et du continent en firent un personnage respecté et écouté. Des ministres, des diplomates et des officiers supérieurs en feront un ami, non pas par sa seule qualité de médecin, mais bien plus. Respectueux de la hiérarchie administrative, il n'opposa à ses dérives fébriles et gesticulantes qu'un silence de Sphinx. Le temps et les réaménagements gouvernementaux, lui donneront raison. Il croyait en une justice immanente. Il lègue à 62 ans, une œuvre inachevée, notamment, un manuscrit sur la maladie à laquelle, il opposa une farouche résistance et pour laquelle il propose à ses jeunes confrères de nouvelles pistes de prospection.