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EL-BAYADH: Qui se souvient du sociologue M'hamed Boukhobza ?

par Hadj Mostefaoui



Il y a tout juste 20 ans, un certain 22 juin de l'année 1993 une légende et une icône, l'un des rares et éminents sociologues que le pays ait enfanté, M'hamed Boukhobza, a été assassiné, alors qu'il avait à peine 52 ans, par ceux qui voulaient à tout prix éliminer l'ensemble de l'intelligentsia algérienne, accusée de porter haut l'étendard du progrès et de la modernité. Défenseur incontesté des valeurs humaines et démocrate impénitent, il eut l'insigne honneur d'être le coordinateur de la commission d'experts : «Algérie 2005 » chargée de confectionner le rapport du développement stratégique au plan politique, économique et social. Grâce à ses multiples recherches et à ses nombreux travaux en sociologie, il fut l'un des rares experts de son temps à avoir légué aux générations montantes un trésor scientifique inépuisable, d'une valeur incommensurable qui servira de solide référent aux chercheurs nationaux. Natif de la localité de Brezina(w. d'El-Bayadh), fils d'une famille qui puise sa noblesse dans un long parcours patriotique et historique exemplaire et dans laquelle l'on compte plus d'une dizaine d'érudits, il fut l'un des plus brillants élèves de sa classe à l'école communale de Geryville, (Sud oranais) surprenant ses instituteurs par son quotient intellectuel au dessus de la moyenne. Son père, le modeste Si Hadj Abdelkader, homme très pieux ayant toujours la main droite sur le cœur, réputé dans tout le sud du pays pour son hospitalité, sa piété et son respect pour les valeurs humaines, l'encouragea à aller plus loin dans ses études, chose très rare dans cette contrée très conservatrice. Les lycées de Dellys, Mascara, Sidi Bel-Abbès, ont accueilli sur leurs bancs cet élève timide mais surdoué qui s'envola ensuite à tire-d'ailes en 1962 vers Rabat (Maroc) pour ne revenir qu'en 1965 avec en poche le diplôme d'ingénieur des statistiques et d'économie appliquée. La réussite avec perfection du premier recensement national de la population en 1966, dont il avait été chargé, lui valut d'être projeté à la tête de l'AARDES, et obtint en 1969 une licence en sociologie et ce fut alors le point de départ d'une brillante carrière mais aussi d'un long marathon international. Il côtoya ainsi les sommités internationales d'Afrique et d'Asie puis à travers le monde et ses nombreux travaux et ouvrages, consacrés à la sociologie le propulsèrent au poste de chef de département chargé de l'organisation administrative et du développement local au niveau de la Présidence de la République et puis vint l'heure de la consécration en 1990, date à laquelle il fut appelé au sein de l'Institut national d'Etude et de Stratégie globale (INESG) et succèdera en 1993 Djillali Liabès, lui-même victime peu avant de la horde terroriste. Signe prémonitoire, ou hasard du destin, M'hamed BOukhobza sera lui aussi assassiné par ces mêmes mains, dans la capitale du pays, quelques semaines après avoir pris les rênes et la destinée de cet Institut national et inhumé dans le cimetière de sa ville natale. Dire que la ville est en panne d'idées et que les vrais enfants du bled ne dépassent pas les doigts d'une main, c'est une évidence irréversible et pour cause, seule l'association des parents d'élèves de la wilaya d'El-Bayadh, assistée des proches du défunt a concocté un très riche programme de conférences, suivies de débats et d'expositions de ses œuvres pour rappeler, en ce funeste anniversaire aux jeunes de cette région la place de cet éminent sociologue dont les travaux occupent une place de choix dans les rayonnages des bibliothèques des universités dans nombreux pays du monde.

Cependant, nous ne manquerons pas de notre côté de dénoncer le silence des autorités communales et locales de la wilaya qui auraient pu prendre conscience de l'envergure de cette sommité aux qualités incomparables en organisant au moins une manifestation culturelle en hommage à sa mémoire. Pourtant l'on nous a promis par le passé la création d'un cercle d'intellectuels et d'écrivains mais l'on doit se rendre à l'évidence qu'il ne s'agit que d'un vœu pieux, une promesse qui est passée sous la trappe certainement.