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Sonatrach subit la «clause de bouleversement» : Mauvais temps pour le gaz algérien

par Salem Ferdi



Le marché mondial du gaz est à la baisse sous le double effet de la crise économique et de l'explosion de la production aux Etats-Unis qui sont devenus exportateurs nets de gaz.

Offre excédentaire et baisse de la demande impactent le marché, selon les spécialistes, pour au moins cinq années. Le ministre algérien des Finances, Djoudi, a, avec prudence, évoqué les difficultés à venir qui commandent d'être «prudents» en matière de dépense publique. Ce discours de «vérité», le PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine vient, à son tour, de le tenir en avertissant qu'il sera difficile de préserver les prix du gaz dans un tel contexte. «Notre marge de manœuvre est difficile, car il n'y a pas de reprise économique forte et lorsqu'il n'y a pas de reprise forte, commander le marché n'est pas uniquement l'apanage de Sonatrach». «Commander le marché» est en vérité très peu l'apanage de Sonatrach. L'entreprise publique vient d'en faire l'expérience avec la mise en œuvre de la «clause de bouleversement» dans l'arbitrage fait à son détriment par la Chambre de commerce internationale, dans le contentieux sur le prix du gaz avec l'italien Edison, que contrôle EDF. La clause de bouleversement, comme son nom l'indique, permet de demander une révision d'un accord si le contexte change de manière sensible au plan économique. C'est bien le cas pour le marché du gaz. «Les contrats même bien ficelés, accordant des droits à la Sonatrach, incluent malheureusement une clause admissible sur le marché de l'énergie et chez tous les partenaires qui consiste à revoir les prix lorsqu'il y a bouleversement des marchés». Ce «bouleversement» des conditions du marché est en train de mettre à mal les accords déjà conclus et que les partenaires demandent à réviser.

EFFET DOMINO

Le patron de Sonatrach parle à juste titre de l'effet domino en relevant que ce n'est pas seulement Edison qui demande à revoir les prix. C'est le cas également de l'italien Eni et de l'espagnol Gas Natural Fenosa. «Avec Eni, nous sommes en passe de revoir les accords pour la troisième fois en deux ans», a-t-il indiqué en relevant que dans les contentieux sur les prix du gaz, «Sonatrach a été des fois gagnante et des fois perdante». Dans le passé, le groupe Sonatrach a effectivement invoqué la «clause de bouleversement» en arbitrage international. En août 2010, la Cour d'arbitrage de Paris a statué en sa faveur dans le conflit sur le prix du gaz qui l'opposait à l'entreprise espagnole Gas Natural. Sonatrach a invoqué cette clause pour demander une augmentation du prix du gaz livré à Gas Natural entre 2007 et 2010. Sonatrach demandait une réévaluation du prix pour tenir compte de la hausse des prix du pétrole sur lesquels était indexé le gaz. L'arbitrage a permis à Sonatrach d'engranger jusqu'à 1,5 milliards d'euros de différentiel à payer? Le marché gazier a aujourd'hui beaucoup changé, ce qui permet d'invoquer la clause de bouleversement contre Sonatrach. Le PDG de Sonatrach se veut néanmoins un peu moins pessimiste en estimant que certains contrats gaziers ne seraient pas affectés.

MARCHE SPOT CONTRE CONTRAT A LONG TERME

«Aujourd'hui, nous considérons qu'il n'y a pas de bouleversements pour certains marchés. Nous sommes en train de nous battre pour ne pas admettre des réductions pour ces contrats d'approvisionnement», a-t-il dit. Il reste que Sonatrach comme les autres fournisseurs de gaz, tel Gazprom, sont sous pression d'un marché spot où les prix sont inférieurs à ceux des livraisons par gazoducs. Certains spécialistes soulignent qu'il y aura durablement un excédent de l'offre en gaz qui pourrait rendre des plus problématiques l'existence des contrats à long terme. Sonatrach n'arrive pas à conclure avec les Italiens le lancement du gazoduc Galsi en raison du refus des Italiens de prendre des engagements sur le long terme. «Nous ne pouvons l'engager que si nous avons des contrats fermes, les quantités de gaz dédiées à ce gazoduc sont là et que l'on cesse d'avoir la pression actuelle sur les prix à long terme», avait déclaré Zerguine en relevant que Sonatrach ne va pas s'engager si ses investissements ne sont pas «garantis et protégés. Il faut que ceux qui enlèvent le gaz investissent avec nous et assurent un amortissement raisonnable de nos installations sur le long terme». Le report, encore une fois, de la décision d'investissement montre clairement la répugnance du partenaire à s'engager sur le long terme.