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Tension avec Nouakchott après le massacre de 16 prédicateurs : Le Mali, otage d'une armée défaite

par Salem Ferdi

Le capitaine Sanogo, chef de file de «l'ex-junte» (les guillemets à «ex» s'imposent) qui a accentué la débâcle de l'Etat et de l'armée malienne dans le nord du pays, est monté au créneau, hier, pour s'affirmer «en phase» avec les autorités de transition et avec le président par intérim Dioncounda Traoré. Une intervention destinée à lever les doutes après que des militaires ont exprimé, publiquement, leur rejet de l'appel officiel à l'aide militaire de la Cédéao lancé par le président Traoré. Le capitaine Sanogo qui a été contesté confirme implicitement que la lettre du président malien était le fruit d'un compromis selon lequel les troupes étrangères ne seraient utilisées qu'au nord, à au moins 700 kilomètres de Bamako. Selon Sanogo, le président Traoré a «demandé du matériel technique (...) pour aider les forces armées et de sécurité au Mali, mais pas de troupes pour sécuriser les institutions en République du Mali». Il a admis qu'il a également demandé «des unités et du matériel, c'est-à-dire la logistique qui doit suivre, mais là aussi, cela se fera quand les forces armées maliennes se sentiront dans le besoin de se faire aider par des frères voisins». Selon lui, les «modalités de cette éventuelle aide régionale seront définies par les services techniques maliens au niveau des forces armées et de sécurité en concertation avec les autres acteurs extérieurs concernés pour permettre à l'armée malienne d'accomplir sa mission».

MASSACRE DE SANG-FROID

Le message de Sanogo paraît surtout s'adresser aux militaires maliens contestataires et à montrer qu'il tient toujours les troupes. «Notre armée est plus que jamais unie comme un seul homme, affirme-t-il. Ne donnons pas place aux rumeurs» a-t-il déclaré. Cette sortie confirme surtout l'existence du compromis sur un déploiement au nord, loin de Bamako, ce qui permet à la junte qui n'a rien «d'ex» de continuer à peser sur la vie politique. Il s'est, par ailleurs, abstenu de se prononcer sur la tuerie qui a coûté la vie à 16 prédicateurs islamistes du Tabligh, dont 12 Mauritaniens, dans le nord malien dans le petit village de Diabali (Centre), à 430 km au nord de Bamako. Certains témoignages affirment que les prédicateurs ont été exécutés par l'armée malienne. L'affaire envenime les relations avec la Mauritanie qui a dénoncé un «crime horrible». Le président mauritanien a reçu une délégation du groupe Tabligh et leur a indiqué que l'enquête avait commencé et que le gouvernement décidera à la lumière des résultats. Les membres du Tabligh ont assuré au président mauritanien que l'exécution «était préméditée». Le gouvernement de Noukachott, sous pression de l'opinion particulièrement choquée, ne peut que hausser le ton à l'égard de Bamako, d'autant que le carnage sert la propagande des djihadiste islamistes. Une situation qui peut se détériorer rendant un peu plus problématique la coopération dans la lutte contre le terrorisme.

UNE JUNTE QUI N'EST PAS «EX»

L'armée malienne en déroute du capitaine Sanogo crée manifestement des problèmes par ses comportements et le poids qu'elle exerce à Bamako. Ceux qui soulignent que la solution passe par «Bamako d'abord» peuvent trouver dans les récents faits des arguments de plus. Dans ce contexte, se tient à Alger, à partir d'aujourd'hui, la première Conférence régionale «Afrique du Nord et Sahel» du Centre d'excellence de sécurité chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN). La réunion porte sur la question spécifique de la lutte contre le «trafic illicite des matières sensibles» et les «risques de terrorisme d'armes improvisées de destruction massive». Mais on reste quand même un peu loin de la question malienne et des complications que crée une armée en déroute dirigée par une «junte» qui continue, bizarrement, d'être affublée du qualificatif «d'ex» alors qu'elle est plus envahissante que jamais.