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La question
nationale palestinienne ne semble pas être une priorité dans les préoccupations
de la «Communauté internationale». Pendant des décennies on a parlé de la «centralité»
de ce problème, sans faire grand-chose pour le régler, mais aujourd'hui, non
seulement il n'est pas «central», mais personne ne s'en occupe? sauf le
président des États-Unis Donald Trump, mais pour
aggraver la situation. C'est ce qu'il a fait en reconnaissant, le 6 décembre
2018, Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël.
Monsieur Trump, par sa décision, pé-rennise un fait accompli : le 30 juillet 1980, la Knesset (Parlement israélien) a voté une «loi fondamentale» faisant de «Jérusalem réunifiée» la capitale d'Israël. L'illégalité d'une décision de cette nature apparaît nettement, dès le 4 juillet 1967 par la Résolution 2.253 de l'Assemblée générale de l'ONU, puis le 22 mai 1968 par la Résolution 252 du Conseil de Sécurité des Nations unies. La Résolution 252 «affirme que l'acquisition de territoire (s) par la conquête militaire est inadmissible» et que...« toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valables et ne peuvent modifier ce statut». Les Résolutions 476 et 478 du Conseil de Sécurité «affirment que l'adoption de la «loi fondamentale» par Israël constitue une violation du Droit International et n'affecte pas le maintien en application de la Convention de Genève, dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés, depuis juin 1967, y compris Jérusalem. Toute cette construction juridique a toujours été ignorée par Israël. Jamais aucune sanction n'a été prise. La décision des États-Unis du 6 décembre 2018 consacre le triomphe de la force sur le droit. C'est révélateur de ce qui se passe, depuis toujours, s'agissant de la Palestine. Le peuple palestinien est le seul peuple qui subit le cumul de deux tragédies qui se superposent, se confondent et en font la spécificité : il subit la férule de l'occupation militaire avec toute l'oppression et les humiliations qui la caractérisent et, de surcroît, il vit quotidiennement la spoliation de ses terres par la colonisation de peuplements que pratiquent les Israéliens. Les accords d'Oslo (1993) avaient suscité un espoir très vif de voir, enfin, la création d'un État palestinien vivant en paix avec son voisin israélien. Mais tout cet édifice s'est effondré, principalement par l'assassinat du Premier ministre Hitzhak Rabin, le 4 novembre 1995, par un fanatique juif, Yigal Amir, que les extrémistes considèrent comme un héros. Alors qu'il ne reste plus grand chose des accords, on continue de parler de «processus de paix». C'est une vision irréaliste car il y a une telle disproportion dans les rapports de force entre Israéliens et Palestiniens qu'une négociation est impossible. Qu'en est-il donc, s'agissant de ce problème israélo-palestinien, des faits d'une part et d'autre part au regard du droit. La question palestinienne au regard des faits : Genèse du problème palestinien Les militaires connaissent bien la notion «profondeur stratégique». Le chercheur quant à lui, sur ce type de problème, doit absolument tenir compte de la «profondeur historique». La Palestine faisait partie de l'Empire ottoman et était englobée dans une province, la «Grande Syrie», composée de ce qui est aujourd'hui la Syrie, le Liban, la Jordanie. L'Empire ottoman était l'allié de l'Allemagne durant la Première Guerre mondiale. La défaite de ces deux belligérants a eu comme conséquence l'occupation de la région dite «Moyen-Orient» par les troupes françaises et britanniques. La France et la Grande Bretagne se la sont partagée. Cette politique avait été décidée pendant la guerre par les Accords Syres-Picot entre Paris et Londres, en 1916. Auparavant, et pour que les Arabes se soulèvent contre les Ottomans, la Grande-Bretagne a fait au Cherif Hussein de La Mecque, la promesse de la création d'un Royaume arabe. Le 24 octobre 1915, Sir Henry Mc Mahon, haut commissaire britannique au Caire lui écrit : «La Grande-Bretagne est prête à reconnaître et soutenir l'indépendance des Arabes dans toutes les régions situées à l'intérieur des frontières définies par le Chérif de La Mecque à l'exception des districts de Mersine et d'Adana (aujourd'hui en Turquie), et des parties de la «Syrie» s'étendant à l'ouest des districts de Damas, Homs, Hama, Alep. Selon cette promesse, la Palestine était comprise dans le Royaume arabe. En contrepartie de cet engagement, le Chérif de La Mecque a déclenché la guerre contre les Turcs, le 5 juin 1916. Les Arabes ne savaient pas non plus que les Britanniques avaient fait une promesse aux Juifs par Lord Balfour le 2 novembre 1017 : la création d'un «foyer national juif» en Palestine. C'est une lettre que le chef du Foreign Office Sir Arthur James Balfour adresse à Lord Walter Rothschild : «Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement, en Palestine, d'un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives vivant en Palestine ou aux droits et aux statuts politiques dont les Juifs bénéficient dans tout autre pays». Il était évident que les promesses faites, d'une part aux Arabes, d'autre part aux Juifs, étaient radicalement inconciliables. L'histoire de l'arrivée des Juifs de plus en plus nombreux en Palestine est liée à deux phénomènes : l'antisémitisme en Europe, puis l'occupation de la Palestine par les Anglais qui vont favoriser l'immigration juive dans ce pays. Il y avait 24.000 Juifs en Palestine en 1882, 47.000 en 1895, 81.000 en 1910. Les terres juives représentaient 2.500 ha en 1882, 10.710 ha en 1890, 22.000 ha en 19001. Jusque vers 1880, il n'y a pas eu de problèmes graves entre Arabes et Juifs. La situation s'est détériorée à partir de cette date lorsque, à la suite d'une vague d'antisémitisme en Europe, les Juifs furent plus nombreux à s'installer en Palestine et à y acheter des terres. Le 24 juin 1891, les notables palestiniens adressent un télégramme au gouvernement turc par lequel ils protestent contre l'installation des colons juifs, dans leur pays et demandent la publication d'un décret interdisant aux Juifs d'entrer en Palestine et d'y acheter des terres. Le gouvernement de Constantinople a accédé à cette demande, mais une intervention britannique a réduit à néant la décision turque. En Europe, Théodore Herzl publie en 1896 son livre ?L'Etat juif' appelant à créer cet État en Palestine. Le développement de l'antisémitisme alimente le mouvement sioniste qui tient son congrès à Bâle, en août 1897. Ce congrès proclame que «l'objectif final du sionisme est de créer, pour le peuple juif, un foyer en Palestine garanti par le droit public»? Les Arabes vont essayer de s'organiser, mais ils ne savent pas encore ce qui va leur arriver. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, la Palestine comptait 730.000 habitants dont 85.000 Juifs. Nathan Weinstock cite un document qui analyse la nature spécifique de la colonisation sioniste : «? Le sionisme ne désirait pas simplement les ressources de la Palestine mais le pays lui-même qui devait servir à la création d'un nouvel État national. Cette nouvelle nation était destinée à avoir ses propres classes sociales y compris une classe ouvrière. Par conséquent, les Arabes n'étaient pas destinés à être exploités mais à être remplacés dans leur totalité».2 Entre décembre 1917 et octobre 1918, les armées arabo-britanniques viennent à bout de l'Empire Ottoman qui signe l'armistice à Moutros. Mais lorsque les Arabes viennent plaider leur cause le 6 février 1919 devant la Conférence de la paix, ils n'obtiennent pas l'Indépendance promise. En revanche, les Britanniques permettent une accélération de l'implantation juive en Palestine. La Charte de la Société des Nations (S.D.N) est adoptée en 1920. Son article 22 met en place le système du mandat. «Certaines communautés qui appartenaient, autrefois, à l'Empire ottoman ont atteint un degré de développement tel que leur existence en tant que nations indépendantes peut être provisoirement reconnue à la condition qu'un mandataire apporte ses conseils et son assistance à leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se diriger seules. Les vœux de ces communautés doivent d'abord être pris en considération par le choix du mandataire». En fait, le «mandat» n'est que l'habillage juridique de l'occupation militaire de la Palestine par les Britanniques, et le Moyen-Orient, en général, par ces derniers et par la France. Le mandat confié à Londres sur la Palestine leur fait obligation de respecter la Déclaration Balfour. Mais comme ces deux pays sont les puissances dominantes au sein de la S.D.N., elles ne font que s'obliger elle-mêmes, instrumentalisant le «droit» qui est leur propre création. Le mandat sur la Palestine jette les fondations du futur État d'Israël. Envoyés par le président américain Wilson pour faire une enquête sur le terrain durant l'été 1919, le Dr H. King et Ch. Crane constatent dans leur rapport : «Le fait est constamment apparu que les sionistes envisagent une compète dépossession des habitants non juifs actuels de la Palestine, par diverses formes d'achats de terre».3 L'Organisation sioniste mondiale avait soumis à la Conférence de la paix, en février 1919, un plan minimum prévoyant que l'État juif devait comprendre les sources du Jourdain, en Syrie et au Liban, le Sud Liban jusqu'à la ville de Saïda, la vallée libanaise de la Bekaa-Sud et la plaine du Hourane, en Syrie. Ils voulaient obtenir la rive orientale du Jourdain jusqu'au chemin de fer du Hedjaz qu'ils entendaient contrôler. Ils réclamaient, en outre, l'autorité sur le Golfe d'Akaba. L'antisémitisme qui sévit en Europe suscite le départ de Juifs, de plus en plus nombreux pour la Palestine. Les incidents entre Juifs et Arabes vont se multiplier. L'arrivée de Hitler au pouvoir, en Allemagne, en janvier 1933 va accélérer ces migrations : 9.500 en 1932, 30.000 en 1933, 42.000 en 1934, 62.000 en 1935. En 1935, les Juifs sont 443.000 pour une population totale de 1.500. 000 habitants. La résistance arabe sera réprimée par les troupes britanniques, et en 1936, les Palestiniens déclencheront une grève générale qui durera 6 mois. Parallèlement, les Britanniques arment les Juifs dont l'organisation la ?Haganah', participe à la répression des Palestiniens. Après la Seconde Guerre mondiale et la création de l'O.N.U, les États-Unis et les pays européens réussirent à faire voter le 28 septembre 1947, une Résolution consacrant le partage de la Palestine en deux États, l'un juif, l'autre arabe. A l'État juif, l'O.N.U. attribue 54 à 56 % du territoire alors que les Juifs sont 589.341 sur une population totale de 1.908.775 habitants. La Grande-Bretagne annonce que le mandat prendra fin le 15 mai 1948. Le 14 mai, Israël proclame son indépendance. Le 15 mai, des pays arabes envoient des troupes en Palestine. Dans l'État juif issu du plan de partage de l'O.N.U, il y avait autant de Juifs que d'Arabes et ces derniers y possédaient 90 % des terres. A suivre... * Docteur d'Etat en science politique Conférencier au Collège de Défense de l'OTAN et à l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice. (I.N.H.E.S.J). Editorialiste à l'Institut F.M.E.S Annuaire : « Enjeux Diplomatiques et Stratégiques » Publié par le Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (C.E.D.S). Parution : Eté 2019. Notes : 1- Xavier Baron «Les Palestiniens un peuple», éditions Le Sycomore, 1977, Paris, p31 2- Nathan Weinstock, «Le sionisme contre Israël» Éditions Maspéro, Paris 1969, p81. 3- Cité par Xavier Baron, «Les Palestiniens, un peuple», éditions Le Sycomore, 1977, Paris, p19. |
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