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«Les
prix du pétrole évoluaient en nette hausse jeudi 18 août 2016 en fin d'échanges
européens. Le Brent repassait au-dessus des 50 dollars pour la première fois
depuis début juillet.[...] Pour expliquer la bonne tenue du pétrole, les
analystes de Kommerzbank mentionnaient la faiblesse
du dollar et également un déclin marqué inattendu des stocks américains de brut
et d'essence»,
écrit La Presse. Canada.(1) Comment comprendre ces fluctuations de hausse et de baisse de l'or noir en 2016, entre 40 et 50 dollars ? Aujourd'hui, il est nécessaire de les relier aux fluctuations des dettes publiques occidentales qui sont en très forte hausse. Christine Lagarde, la directrice du FMI, a donné l'alerte sur la dette publique du Japon.(2) ?Comment comprendre cette évolution des cours du prix du baril de pétrole ? Et le prix du pétrole impacte-t-il la dette publique ? 1. Le constat dans l'évolution des dettes publiques de la France, du Japon et des États-Unis de 1880 à 2016 Comme tout un chacun l'a constaté, l'augmentation vertigineuse de la dette américaine est un phénomène très récent. Pour mieux appréhender la dette publique occidentale, il est bon de porter un regard sur l'évolution de la dette publique de trois pays riches, que nous présente un graphique d'un média français.(2) 1. Le ratio de la dette de la France sur PIB : autour de 100% en 1880 ; 60% en 1914 ; 170% en 1920 ; 70% en 1929 ; 130% 1935 ; 97% en 1939. La guerre 1939-1945 fait exploser la dette publique de la France, elle est de 240 %. Elle chute brusquement pour atteindre 50% du PIB, en 1948. En 1954, la dette baisse encore et s'établit à 35%. En 1970, elle descend à 20%. Pratiquement constante jusqu'en 1982, après une brève remontée en 1973 (premier krach pétrolier) de 1973, qui ne dure pas, la dette publique revient au ratio de 20% du PIB. Mais, à partir de 1982, la dette publique de la France augmente et ne descend pratiquement pas, hormis de courtes baisses et remontées entre 2000 et 2008. En 2000, la dette publique dépasse désormais 50% du PIB. En 2007, elle est d'environ 55% du PIB. A cause de la récession due à la crise financière de 2008 et des plans de relance, la dette publique de la France atteint 91% du PIB, en 2012, son plus haut niveau depuis 1945.(2) A la fin du 1er trimestre 2016, la dette publique a encore augmenté et atteint 97,5% du PIB, soit le montant de 2137,6 milliards d'euros.(3) On constate que la dette publique de la France a évolué pendant 60 ans, i.e. de 1948 à 2007, entre 50% et 55 % du PIB, pour brusquement s'élever à près de 100%, en moins d'une décennie, i.e. de 2008 à 2016. 2. Le ratio de la dette du Japon sur PIB se présente comme suit : 30% en 1890 ; 20% en 1900 ; 70% en 1908; 20% en 1920 ; 60% entre 1930 et 1939. La Deuxième Guerre mondiale a fait exploser la dette publique du Japon, 200% en 1945. Elle baisse brusquement à 0%. Le Japon est occupé par les États-Unis. Après une courte remontée, la dette publique du Japon diminue à la fin des années 1940. Elle continue à diminuer jusqu'à atteindre moins de 10% du PIB, au milieu des années 1960. A partir de cette date, la dette publique augmente de nouveau, pour s'établir à 70% au milieu des années 1980. Après les accords de Plaza, en 1985, à New York qui ont procédé à la réévaluation du yen japonais (sous la pression des États-Unis et de l'Europe), la dette publique baisse, et s'établit à 60% en 1990. Après la crise immobilière et financière au Japon, la dette publique du Japon s'envole et, à partir de 1997, atteint 100% du PIB. En 2002, elle atteint les 150%. Après une courte baisse en 2006, elle remonte et atteint en 2008 les 200%.(2) Selon les calculs du FMI, la dette publique japonaise pourrait atteindre 247% du PIB en 2016.(4) 3. Le ratio de la dette des États-Unis sur PIB : 10% en 1880 ; 0% en 1914 ; 30% en 1918 ; 35% en 1922 ; 20% en 1930. La guerre 1940-1945 fait exploser la dette publique américaine, elle s'établit à 120%. Elle sera réduite rapidement par l'inflation. Au milieu des années 1960, elle s'établit à environ 50%. Elle baisse encore pour s'établir, au milieu des années 1970, à 30% du PIB environ. Après une légère fluctuation remontée-baisse, elle s'établit, en 1978, à 35% environ. En 1979, elle baisse brusquement pour s'annuler en 1980, à 0% du PIB. Elle remonte de nouveau pour atteindre 70% en 1993.(2) Après deux baisses entre 2000 et 2006, pour se fixer à environ 60% du PIB, la dette américaine remonte sans interruption après 2008 pour atteindre 103% du PIB.(5) Comment comprendre cette évolution des dettes publiques de trois grandes puissances occidentales, à savoir les États-Unis, le Japon et la France, depuis 1880 à aujourd'hui ? Ces dettes publiques qui sont un cumul de déficits publics de ces pays durant cette longue période doit certainement avoir un sens logique. On ne peut penser qu'un pays laisse filer ses déficits publics et donc augmenter sa dette publique sans qu'il ait un moyen de la maîtriser et donc continuer à l'augmenter sans qu'il fasse faillite, comme le seraient, par exemple, le Brésil, ou un pays en développement, comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, pour qui une dette publique bien loin de 100% du PIB aurait certainement entraîné une cessation des paiements, et donc un appel au FMI, sans compter une grave crise politique et sociale. 2. Pourquoi les dettes publiques suivent fidèlement les grands événements nationaux et internationaux Que constatons-nous dans l'étude comparée des dettes publiques des trois grandes puissances occidentales ? Et il faut le dire qu'elles ne sont pas grandes pour rien, mais eu égard à leur formidable place, exceptionnelle doit-on encore dire, dans le sens qu'elles ont un rôle central dans le fonctionnement de l'économie mondiale. Dans la financiarisation de la planète. Auxquelles il faut ajouter, cela est évident, les deux autres puissances monétaires, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Dans les points essentiels relevés dans cette étude comparée des dettes publiques des États-Unis, le Japon et la France, il faut considérer que celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne y sont implicites, i.e. qu'elles suivent la même trajectoire. Et les chiffres historiques des ratios des dettes publiques de ces puissances qui paraissent chaotiques, en réalité, reproduisent fidèlement l'histoire extrêmement mouvementée de ces cinq grandes puissances, à savoir les guerres qu'elles ont entreprises, le temps de la colonisation, la décolonisation, les crises des années 1929 aux années 1930, et celle des années 1970. Et enfin l'émergence de l'Asie, avec son point d'orgue, la Chine, la mutation du bloc Est, de l'Amérique latine, à certains pays d'Afrique. Et cette émergence de nouvelles nations industrielles s'inscrit dans un nouveau cadre du monde, que l'on appelle communément la mondialisation. Ce qui nous fait dire que la forte augmentation des dettes publiques de ces grandes puissances est tout à fait normale, eu égard de leur place dans la stabilisation de l'économie mondiale. Ceci étant, passons à son analyse historique. Tout d'abord la France. Pourquoi sa dette publique était si élevée, dans les années 1880, comme le montre le graphique(2), alors que celles du japon et des États-Unis étaient si basses ? La réponse vient d'elle-même. Il faut se rappeler la défaite de la France face à la Prusse en 1870-1871, et les indemnités de guerre (ou réparations) que la France devait verser à la Prusse pour la dédommager et qui s'élevait à environ 5 milliards de francs or. D'où l'Etat français puisera ce tribut de guerre à payer ? Du revenu de la France ! Et cela passe par une augmentation de la dette publique. En clair, ce sont les Français qui vont payer la dette publique par l'augmentation des impôts et l'achat de bons du Trésor français, et si cela ne suffit pas, c'est la Banque de France qui le fera par la création monétaire en échange des bons d'Etat. Ainsi se comprend pourquoi la dette publique de la France était élevée entre 1870 et 1890 et a commencé, après le remboursement, à décliner dès la dernière décennie du XIXe siècle. En 1910, elle était à 70%, en 1914, à 60%. Si on prend la dette publique du Japon, elle était à 20%, en 1900, puis elle passe à 70%, en 1905. Cette forte remontée s'explique par la militarisation du Japon, et qui explique dans un certain sens la victoire du Japon sur la Russie. La modernisation de son industrie et ses moyens de défense aussi performants que ceux de l'Europe ont fortement joué dans la guerre russo-japonaise (1904-1905) ? les Japonais ont anéanti, le 27 mai 1905, la flotte russe à Tsushima. Les États-Unis avaient une dette publique très faible entre 1880 et 1916. Durant ces 36 années, la dette publique américaine fluctuait entre 10% et 0%. Donc, à part les deux guerres franco-allemande en 1870-1871 et russo-japonaise 1905 qui ont commandé pour la France de payer une indemnité de guerre, et au Japon la modernisation de son armement qui ont changé le cours de leurs dettes publiques, et si ces événements marquants ces deux pays n'avaient pas existé, l'évolution des dettes publiques de ces trois puissances auraient pu être à quelque chose près similaires à l'évolution de la dette publique américaine, i.e. très basse. Puis vint le Premier Conflit mondial, 1914-1918. Et là, les deux puissances, la France et les États-Unis, qui se sont engagées dans cette Première Guerre mondiale ont vu leurs dettes publiques s'envoler. Cependant décalées dans le temps vu que l'entrée en guerre des États-Unis s'est produite en avril 1917, soit deux années et demi après. La dette publique de la France s'envole dès 1914 pour atteindre 170% du PIB, en 1918. Celle des États-Unis passe pratiquement de 0% du PIB en 1916 à 30% en 1920. Alors que la dette publique du Japon, qui n'a pas participé au Premier Conflit mondial a vu sa dette publique baisser, passant de 70% au milieu des années 1900 à 20% en 1920. Après la guerre s'opère le retournement des dettes publiques des deux pays belligérants. La dette publique de la France baisse soudainement en 1918, de 170% à 130% du PIB, en 1919. Puis remonte tout aussi soudainement pour passer en 1920, à 180% du PIB. Puis de nouveau baisser fortement, cependant sur une durée de près d'une décennie, pour arriver à un plancher de 70% du PIB, en 1929. De même, pour la dette publique américaine qui passe de 30% en 1920 à un plancher de 20% du PIB en 1929. Si on comprend que la hausse de la dette publique durant la guerre est normale, qu'il fallait à tout prix financer l'effort de guerre, et donc augmenter le financement de l'économie, ce qui signifie que la Banque de France était astreinte à mettre au service du gouvernement français toutes les liquidités nécessaires pour les besoins de cette «économie de guerre» en échange de bons du Trésor ? même processus pour les États-Unis ?, il demeure cependant que l'on doit s'interroger pourquoi la baisse de la dette publique de la France a été soudaine dès 1919, malgré la courte remontée entre 1919 à 1922. A partir de 1922, elle passe de 180% à 70% en 1929. 3. La répudiation et l'inflation des dettes publiques, contentieux des grandes guerres, La réponse est énoncée par Thomas Piketty, directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'école d'économie de Paris et auteur d'un livre de près de 1000 pages, « Le capital au XXIe siècle », devenu au cours de l'année 2014 un best-seller (traduit dans plusieurs langues). Il écrit dans un média français(6) : « La palme de l'amnésie revient quant à elle à l'Allemagne, avec la France en fidèle second. En 1945, ces deux pays avaient une dette publique dépassant 200% du PIB. En 1950, elle était tombée à moins de 30%. Que s'est-il passé, aurait-on soudainement dégagé les excédents budgétaires permettant de rembourser une telle dette ? Evidemment non : c'est par l'inflation et la répudiation pure et simple que l'Allemagne et la France se sont débarrassés de leur dette au siècle dernier. S'ils avaient tenté de dégager patiemment des excédents de 1% ou 2% du PIB par an, alors on y serait encore, et il aurait été beaucoup plus difficile pour les gouvernements de l'après-guerre d'investir dans la croissance. Ce sont pourtant ces deux pays qui expliquent depuis 2010-2011 aux pays d'Europe du Sud que leur dette publique devra être remboursée jusqu'au dernier euro. Il s'agit d'un égoïsme à courte vue, car le nouveau traité budgétaire adopté en 2012 sous la pression de l'Allemagne et la France, qui organise l'austérité en Europe (avec une réduction excessivement rapide des déficits et un système de sanctions automatiques totalement inopérant), a conduit à une récession généralisée en zone euro. Alors même que l'économie est repartie partout ailleurs, aux Etats-Unis comme dans les pays de l'Union européenne » Evidemment, Thomas Piketty donne l'exemple de la Deuxième Guerre mondiale, ce qui est valable aussi pour le Premier Conflit mondial. En effet, le poids de la guerre 1939-1945 a fait grimper la dette publique de la France de 95% en 1939, à un niveau historique de près de 240% du PIB, en 945. De même pour le Japon, la dette publique est passée à près de 200% du PIB en 1945. Pour les États-Unis, la dette publique part de 40% en 1942 pour atteindre 120% du PIB, en 1946. Donc les trois pays ont vu leurs dettes publiques s'envoler par l'effort de guerre. On peut comprendre que leurs Banques centrales comme d'ailleurs celles de l'Allemagne étaient tenues d'accompagner l'effort de guerre par la mise à disposition de liquidités monétaires à leurs gouvernements respectifs. A la fin de la guerre, il s'est opéré un retournement de la dette publique, comme lors du Premier Conflit mondial. Si on regarde le graphique de Challenges.fr(2), la dette publique de la France est passée de près de 240%, en 1945, à environ 40% du PIB, en 1948. La baisse de la dette publique de la France a été vertigineuse que ne l'a été la baisse de dette publique lors du Premier Conflit mondial. Cela est dû certainement de l'occupation de la France par l'Allemagne et la détermination du gouvernement français d'effacer la dette publique contractée par le régime de Vichy sous le maréchal Pétain (1940-1944). Quant à la répudiation et l'inflation comme l'énonce Thomas Piketty, les dettes publiques contractées lors des deux Guerres mondiales ne pouvaient qu'être «répudiées», puisque le peuple français a subi les affres des guerres dans sa chair par toutes sortes de souffrances, d'avanies, de privations, la faim dans les familles, la misère, les hommes partis au combat, les démobilisés après la défaite, beaucoup sont sans travail. Tous les produits de nourriture de base ont connu des hausses vertigineuses. C'était le tribut de la guerre. Donc l'inflation monétaire durant la guerre avait déjà fait ses effets sur les plans sociaux. On comprend dès lors qu'à la fin de la guerre, les milliards de papiers de bons de Trésor entreposés à la Banque de France, que le gouvernement devait rembourser, ont été déjà payés par le peuple français pour les motifs sus-cités, i.e. le calvaire de la guerre, avant même qu'elle ait commencé à être répudiée par les gouvernements de la France. Puisque ce sont des papiers de bons de Trésor qui n'appartenaient à personne sinon une reconnaissance de dette du précédent gouvernement de Pétain qui a fini d'exister. Donc, la grande partie de ces bons de Trésor n'étaient pas détenue par des porteurs privés français. Et si l'effacement de la dette a été massif après 1945, c'est parce que les tirages de liquidités considérables auprès de la Banque de France ont été massifs sous le régime de Vichy dont la légitimité était contestée. 4. La décennie 1973-charnière. L'émergence du reste du monde dans les crises intra-occidentales A partir de 1950, les dettes publiques de la France, des États-Unis et du Japon ont baissé fortement. Le Japon voit sa dette publique passer brusquement d'environ 200% en 1945, à 0%, la même année. Cela est dû à l'occupation du pays par l'armée américaine, ce qui supposait que les stratèges américains voulaient faire table rase du passé militariste du Japon. Entre 1950 et 1970, la situation des dettes publiques des trois nations s'est beaucoup améliorée, évoluant toutes à la baisse. La France à environ 20% en 1970, les États-Unis à environ 35% du PIB en 1970. C'est la période de la reconstruction des pays européens et japonais de l'après-guerre et la remise à niveau de leurs industries. Seul le Japon a vu sa dette publique légèrement augmenter entre 1965 et 1970, passant légèrement au-dessus de 0% à 10% du PIB. Une hausse due probablement à des politiques keynésiennes visant le plein emploi au Japon. La dette publique du Japon augmente encore entre 1970 et 1980, passant de 10% en à 40% du PIB en 1980. Ce qui s'explique par les grands chantiers de modernisation et d'innovation au Japon (grands travaux publics : universités, autoroutes, voies ferroviaires, centrales électriques?), et aussi par les chocs violents pétroliers, en 1973 et 1979. La France verra sa dette publique légèrement augmenter en 1973, suite au krach pétrolier, puis rapidement descendre dès 1975 à son niveau de 1970. La dette publique de la France restera à ce niveau inchangé jusqu'en 1982. Et ce malgré les krachs pétroliers. Les États-Unis verront leur dette baisser jusqu'en 1975, puis après une brève et faible remontée, se fixer à environ 35% en 1979. Comment peut-on expliquer cette décennie 1970 charnière, avec la crise monétaire qui a porté sur le dollar américain, suivi de deux chocs pétroliers ? Elle nous rappelle dans un certain sens la crise de 1929 puisque, de manière similaire, les pays d'Europe, après s'être reconstruits et leurs industries devenues compétitives, et donc repris leurs parts de commerce dans le commerce mondial (parts prises par les États-Unis durant la guerre 1914-1918 et la période de reconstruction jusqu'en 1926-1927), ont provoqué une chute des exportations américaines et une augmentation des stocks. Situation qui a dérivé ensuite en une formidable spéculation boursière pour masquer la concurrence européenne et la perte des marchés par les entreprises américaines. Evidemment, à l'époque, c'est la conférence de Gêne en 1922 qui régulait les problèmes monétaires en Occident. D'autre part, le reste du monde était colonisé ou dominé. Donc, en 1929 et les années de dépression des années 1930, les litiges internationaux en matière commerciale, financière et monétaire, étaient strictement occidentalo-occidentales. Le reste du monde n'avait pas voie dans ces problèmes intra-occidentaux. Ce qui n'était pas le cas dans les années 1970 qui a vu le reste du monde libéré de la colonisation, et progressivement émerger dans les grands problèmes économiques et financiers du monde. Il faut seulement se rappeler les crises monétaires, à la fin des années 1960 et début des années 1970, entre les États-Unis et les pays d'Europe qui ont refusé les dollars américains parce qu'ils n'étaient plus échangés par de l'or. L'Amérique ayant perdu une grande partie du stock d'or dans les échanges commerciaux ne faisait que monétiser ses déficits extérieurs, ce qui, grâce à la planche à billet et à la place du dollar dans le système monétaire international (SMI), lui permettait de financer gratuitement ses déficits par le reste du monde. Cette crise avec l'Europe a amené les États-Unis à suspendre la convertibilité du dollar en or (août 1971), qui sera ensuite définitive pour l'étalon dollar-or. On a vu ensuite les flottements des monnaies occidentales dans les marchés monétaires, et ce qui s'est passé avec les krachs pétroliers et le libellé monétaire des exportations pétrolières en dollars par les pays du Golfe. Ces derniers facturaient la vente de leur pétrole en dollar, obligeant ainsi les pays importateurs de pétrole (pays d'Europe, Japon?) à acheter des dollars pour régler leurs factures pétrolières auprès des pays d'OPEP. Grâce au pétrole, et donc le reste du monde qui est devenu un moteur conséquent et aussi l'Amérique qui a continué à monétiser ses déficits extérieurs que la situation s'est retournée et permis d'atténuer les crises monétaires et prolonger la croissance économique mondiale. Ce que les Européens avaient refusé l'ont de nouveau accepté via les achats de pétrole. Et ne vaut-il pas mieux d'accepter des dollars pour les pays d'Europe et de continuer à produire des richesses et exporter que de ne pas accepter des dollars et réduire l'appareil de production et donc moins exporter ? Et mettre au chômage des millions de salariés européens. 5. La baisse des cours pétroliers depuis l'été 2014, une solution pour les dettes publiques occidentales ? Le même schéma est en train de se produire aujourd'hui avec une différence cependant. Le dollar n'est plus un problème pour l'Europe, depuis la naissance de la nouvelle monnaie européenne, l'euro, qui est devenue, dans un certain sens, une alliée au dollar. Et elle partage d'une certaine manière le privilège exorbitant du dollar. Le problème, semble-t-il, est le yuan, et la montée en puissance fulgurante de la Chine. Et c'est cela qui fait peur à l'Occident de se trouver distancé, voire dépassé par la nouvelle locomotive mondiale. Mais, il n'empêche que, depuis la chute des cours du pétrole à l'été 2014, la situation s'est exacerbée pour les pays émergents et les pays en développement. Et en face de ces pays, nous avons une Amérique qui fait figure de nation qui réussit et même s'apprête à relever le taux d'intérêt directeur court probablement d'un quart de point soit à 0,75%, le 22 septembre, et peut-être, en décembre 2016, à 1%, pour clore son programme déjà établi de baisse pour l'année 2016. Alors que l'Europe continue de tousser, suivie du reste du monde qui lui aussi tousse de plus en plus et ne voit pas d'éclaircie économique et monétaire à l'horizon. Est-ce la bonne solution ? Il semblerait puisque cela (baisse du pétrole) a été décidé ainsi par les grands qui ont la mainmise sur l'économie mondiale. Il est clair que la réunion, formelle ou non, entre les pays d'OPEP et non-OPEP ne changera rien. Des enjeux qui dépassent les pays d'OPEP et non-OPEP, à l'échelle planétaire, sont en cours et mettent en prise les trois grandes puissances (États-Unis, Europe, Chine) ; quatre si on comptait le Japon. La situation à venir et qui n'est déjà pas très bonne tant dans le monde arabe dont les conflits armés en cours sont insolubles parce qu'ils reflètent dans un certain sens cette guerre monétaire insoluble, et par ricochet économique, entre les Grands, qu'en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, aura encore à s'exacerber. La croissance économique est en train de s'essouffler mondialement parce qu'il n'y a pas de moteur proprement dit sur lequel pourrait s'appuyer le monde. Et même la locomotive chinoise est en train de tousser, alors que l'Amérique comme l'Europe qui joue un rôle crucial dans la financiarisation du monde ferme le robinet monétaire. Quant à la Banque centrale européenne qui poursuit un programme de rachat massif d'actifs de 60 milliards d'euros par mois depuis mars 2015 jusqu'à fin septembre 2016, puis a augmenté, depuis juin 2016, de 20 milliards d'euros, soit 80 milliards d'euros et ce programme court jusqu'au printemps 2017, ne fait que transformer des dettes publiques et privées qui vont financer les États de la zone euro, et surtout doper les marchés boursiers.(7) Tout au plus pour réanimer les économies européennes mais sans réelle croissance économique franche pour la zone euro. Quant au fer de lance de la zone euro, l'Allemagne, sa dette publique baisse. Mais comment s'opère-t-elle, cette baisse ? N'est-ce pas le principe des vases communicants ! Ce qui est un déficit pour l'un est un excédent pour l'autre. Dès lors, force est de dire que l'Allemagne tire un avantage certain de la monnaie unique, l'euro, au détriment des autres pays-membres de la zone euro. Et cela concerne essentiellement les pays de l'Europe du Sud. Pourtant il y a des possibilités, des compromis qui pourraient régler ce problème de compétitivité qui perturbe cette union monétaire. Et ce sans sortir de l'euro, en refondant, voire en enrichissant l'euro. Ce n'est pas l'euro qui pose problème, mais les dirigeants de l'euro, et peut-être même pas Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, qui en est l'obstacle, mais bien les grands pays souverains. Si le robinet monétaire continue d'être fermé, et tout le laisse croire depuis que la première puissance économique du monde l'a décidé en 2014, il est certain que le monde continuera ce que des économistes américains de renom appellent la « stagnation séculaire ». Force est de dire que le plus dur pour les nations est à venir. Que l'endettement mondial va augmenter tant pour le reste du monde que pour les États-Unis, l'Europe et le reste de l'Occident. Qu'il n'y aura pas de solution puisque pour le reste du monde, ce sera un appauvrissement par l'endettement, pour l'Occident, face à une absorption mondiale atone, ce sera une compensation par une croissance de déficits publics pour pallier la décroissance, ce qui impactera la dette publique à la hausse. Comme ce qu'opère au Japon depuis la crise financière de 1990, et il se trouve toujours enferré dans la déflation. Est-ce le destin des grandes puissances développées ? Relever le cours du pétrole et des matières premières et créer une richesse partagée entre ceux qui produisent parce qu'ils ont un formidable tissu industriel et ceux qui n'en ont pas mais détiennent des richesses brutes serait une solution idoine. Aussi pose-t-on ce questionnement : « Ne serait-il pas judicieux d'augmenter la croissance du reste du monde par un cours des prix des matières premières et pétroliers en adéquation avec la puissance industrielle des pays développés et émergents, ce qui relancerait l'emploi dans le monde. » Des centaines de millions d'hommes et de femmes de par le monde, tant au nord que dans le sud, n'attendent plus que les grandes puissances pour qu'elles se mettent d'accord. Et ce sans le dire. Mais consentiraient-elles ces puissances à trouver un compromis qui soit avantageux pour tous ? Non, leurs dirigeants sont aveugles, et ne sont pas touchés par cette angoisse de centaines de millions de bras qui ne cherchent qu'à travailler. Ces centaines de millions d'êtres humains sans vision sur leur avenir, car condamnés par ces dirigeants mêmes qui mènent le monde ? *Auteur et chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective. www.sens-du-monde.com Notes : 1. «Pétrole : le Brent dépasse les 50 dollars, soutenu par le dollar et les stocks américains», publié par LaPresse.Canada http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201608/18/01-5011605-tire-par-un-dollar-faible-le-petrole-finit-en-forte-hausse.php 2. «L'endettement des pays riches s'envole, le FMI s'affole», par Challenges.fr, le 8/11/2012 http://www.challenges.fr/economie/20121107.CHA2748/l-endettement-des-pays-riches-s-envole-le-fmi-s-affole.html 3. «Dette de la France : l'endettement repart à la hausse», par JDN, le 30 juin 2016 http://www.journaldunet.com/economie/magazine/1041647-dette-publique/ 4. «Dette : la dégradation de la note du Japon n'inquiète guère le gouvernement Abe», par Le Monde, du 17/09/2015 http://www.lemonde.fr/economie-mondiale/article/2015/09/17/dette-la-degradation-de-la-note-du-japon-n-inquiete-guere-le-gouvernement-abe_4760485_1656941.htm 5. «La dette des USA a dépassé les 19.000 md USD», par Business Bourse, le 4 février 2016 http://www.businessbourse.com/2016/02/04/la-dette-des-etats-unis-a-depasse-les-19-000-milliards-de-dollars/ 6. «2015 : quels chocs pour faire bouger l'Europe ?», par Thomas Piketty, 29 décembre 2014 http://www.liberation.fr/futurs/2014/12/29/2015-quels-chocs-pour-faire-bouger-l-europe_1171435 7. «La BCE commence à acheter des dettes d'entreprise», par Le Monde. Le 08.06. 2016 http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/08/la-bce-commence-a-acheter-des-dettes-d-entreprises_4942450_3234.html#9jhsqb2uzYLp5ijE.99 |
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