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HAVEN ? À présent que les mensonges et l'obstruction du négationnisme
climatique ont finalement été réduits au silence, la lutte contre le changement
climatique est devenue la première priorité mondiale. Mais le temps presse et
le Fonds monétaire international met en garde contre le fait que tout retard
supplémentaire dans la mise en œuvre de politiques visant à atténuer le
réchauffement climatique ne fera qu'augmenter le coût économique de la
transition vers une économie à faibles émissions. Pire encore, il nous manque
encore une stratégie concrète et pragmatique pour résoudre le problème. Bien
que les économistes aient présenté des arguments solides en faveur des taxes carbone comme étant la meilleure solution, cette
option s'est révélée politiquement infaisable, du moins dans les pays qui
représentent certaines des émissions les plus élevées (à savoir les
États-Unis).
Les commentateurs ont également souligné que le changement climatique est un problème commun impliquant des externalités transfrontalières importantes qui doivent être traitées par une approche multilatérale par une coordination mondiale. Mais comme pour les taxes sur le carbone, cet argument est tombé dans l'oreille d'un sourd. En outre, compte tenu du climat géopolitique actuel et de la fragmentation croissante de l'économie mondiale, il y a peu d'espoir que le message passe de sitôt. Ayant pris l'engagement d'aider les économies en développement face au changement climatique, la Banque mondiale se trouve limitée par le modèle national qui sous-tend ses opérations de financement. Elle pèse sérieusement ses options et considère de quelle manière elle pourrait coordonner le financement lié au climat au-delà des frontières. Mais même si ces efforts sont bien intentionnés et conformes à l'esprit du multilatéralisme, elle va retarder inévitablement une action concrète. Le financement de la Banque mondiale risque d'être complètement restructuré et la coordination de l'action dans plusieurs pays ayant des ressources financières limitées et des intérêts souvent contradictoires semble une tâche impossible. Par exemple, alors que certaines économies en développement sont riches en combustibles fossiles, d'autres sont privées de sources d'énergie. Compte tenu de ces limites, le pragmatisme impose de concentrer l'attention sur les plus grands pollueurs. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone ne sont concentrées que dans une poignée de pays et de régions. La Chine, les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et la Russie représentent collectivement 63 % du total et aucun de ces principaux pollueurs n'est plus un pays à faible revenu. La Chine, la plus pauvre du groupe, représente environ 30 % de toutes les émissions, ce qui en fait de loin le plus grand pollueur actuel du monde en termes absolus. Mais son gouvernement prend des mesures pour accélérer la transition vers l'énergie verte ? une stratégie gagnante, compte tenu de l'abondance des métaux de terres rares dans le pays. L'Inde, le troisième plus grand émetteur, représente actuellement environ 7 % des émissions mondiales de CO2 et sa taille et sa trajectoire de croissance impliquent qu'elle pourrait facilement dépasser la Chine en tant que premier pollueur, à moins d'appliquer des politiques climatiques plus fortes. En fait, lorsqu'il s'agit d'aider les pays en développement à décarboner, des progrès considérables pourraient être réalisés simplement en ciblant l'Inde seule. Le grand avantage de cette stratégie est qu'elle éviterait la paralysie associée aux tentatives d'adopter une approche multilatérale dans un monde de plus en plus fragmenté. Cela ne signifie pas que nous devrions éviter les projets d'atténuation ou d'adaptation climatique dans d'autres pays. Mais nous n'aurions pas besoin d'attendre que tout le monde soit d'accord avant de faire quoi que ce soit. Ceux qui insistent sur une approche multilatérale devraient tirer les leçons de l'expérience de l'institution multilatérale ultime : l'Organisation mondiale du commerce. L'exigence selon laquelle chaque disposition d'un accord multilatéral bénéficie d'un soutien unanime l'a de plus en plus paralysée, ce qui a poussé à des réformes institutionnelles. Bien sûr, l'Inde n'est pas une cible facile. Elle est riche en charbon et n'a que peu d'incitations (au-delà de la santé de ses citoyens) à accélérer la transition vers l'énergie verte. En nous concentrant sur l'Inde, nous devrions employer la carotte, pas le bâton. Puisque le bâton prend généralement la forme de pressions pour mettre en œuvre la taxation du carbone, une telle démarche est vouée à l'échec. Une taxe serait inefficace, car elle entraînerait une opposition intérieure massive (comme cela a été le cas aux États-Unis). Elle serait également moralement répréhensible, car il est injuste de demander à un pays à revenu intermédiaire inférieur d'assumer le fardeau de la réduction des émissions de CO2 lorsque les pays riches (comme les États-Unis) n'ont pas fait de même. En outre, même si la Chine et l'Inde sont aujourd'hui deux des plus grands pollueurs de la planète, ils n'ont que peu de responsabilité pour les émissions cumulées passées qui ont conduit à la crise climatique actuelle. Reste la stratégie de la carotte, qui prendrait la forme d'incitations fiscales ou de subventions pour soutenir l'énergie verte. Lorsqu'elles sont associées à d'autres politiques, elles peuvent aider les entreprises à s'adapter à des normes environnementales plus exigeantes (comme celles associées à un programme de plafonnement et d'échange). Mais de telles politiques sont coûteuses, ce qui signifie que la lutte contre le changement climatique exigera que les pays riches les aident dans leur financement. Que l'Inde devienne ou non la nouvelle Chine, elle est encore en mesure de s'assurer qu'elle ne devienne pas le nouveau géant de la pollution. *Ancienne économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et rédactrice en chef de American Economic Review, enseigne l'économie à l'Université de Yale |
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