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L'actrice
française Hafsia Herzi a présenté son premier
long-métrage Tu mérites un amour en avant-première le 19 mai à la Semaine de la
Critique. Quelques jours auparavant l'actrice québécoise Monia
Chokri ouvrait la sélection un certain regard avec La
femme de mon frère. Deux films occidentaux avec du sang arabe. Interview
croisée.
Dans La femme de mon frère, la québécoise Monia Chokri raconte la relation fusionnelle entre une jeune femme et son frère. Tu mérites un amour de la française Hafsia Herzi se penche quant à lui sur les premières et douloureuses ruptures amoureuses. Deux comédies douces-amères sur les désarrois existentiels de la jeunesse. Thèmes universels, pour ne pas utiliser l'expression suspecte de «grand-public». Drôles et graves en même temps, ce sont deux petits films sans prétention mais qui ne manquent pas de charme. Question du jour : y a-t-il un point commun entre les deux réalisatrices ? Question facile en réalité avec une réponse à la portée de n'importe quel vendeur de kh'faf : oui, et pas seulement qu'un ! Monia Chokri s'est fait connaître en jouant dans les films de Xavier Dolan, Hafsia Herzi, elle, a été révélée par Abdelatif Kechiche dans La graine et le mulet (2007). Or cette année, les deux enfants terribles du cinéma (Dolan / Kechiche) sont présents à Cannes et en compétition officielle. Les deux nouvelles réalisatrices ne risquent-elles pas d'être à l'ombre de leurs encombrants mentors ? D'ailleurs, si on veut chercher quelques influences des deux poids lourds du cinéma dans les premiers films de leurs interprètes fétiches, on peut largement trouver de quoi nourrir la discussion. Mais d'emblée Hafsia Herzi et Monia Chokri assument les filiations. «Abdelatif Kechiche va venir voir mon film et moi je vais faire la montée des marches de son film en compétition car je joue dedans, on est restés très proches» confie Hafsia Herzi quand Mona Chokri enfonce la porte déjà largement ouverte : «Xavier Dolan c'est comme s'il faisait partie de la famille, on défend le même cinéma. On se parle souvent, de tout et de notre travail artistique en particulier, on parle souvent et beaucoup c'est notre côté arabe». Ah, c'est vrai on avait oublié les origines des uns et des autres. Mis à part Xavier Dolan qui est égyptien de père, les autres (Kechiche, Chokri, Herzi) sont des Tunisiens. Le succès en France de la Marseillaise Hafsia Herzi lui a d'ailleurs permis de renouer avec le pays d'origine et de tourner dans des films tunisiens tels Les secrets de Raja Amari et l'amour des hommes de Mehdi Ben Attia. De son côté, Monia Chokri est la fille d'Ahmed Chokri, peintre et militant de gauche tunisien exilé à Montréal. «Ma mère est d'origine écossaise et francophone, j'ai aussi des ancêtres scandinaves, mon père est Tunisien mais berbère, comme quoi l'identité veut dire beaucoup de choses et rien en même temps» confie Monia Chokri. «Dans mon scénario à l'origine la famille n'était pas du tout d'origine arabe, c'est Xavier Dolan qui m'a fait remarquer que mes personnages s'exprimaient passionnément comme des Arabes. Mais j'ai tenu à ce que ce soit des acteurs québécois qui campent les personnages, et le seul personnage qui s'exprime un peu en arabe, le père donc, est joué par Saison Gabai un acteur israélien d'origine irakienne, et qui était de fait le seul d'entre nous qui parlait un peu arabe. L'important était de montrer dans cette auto-fiction un père arabe qui sort du conservatisme dans lequel les films d'aujourd'hui le cantonnent, un père qui ressemble à mon père en somme». Dans Tu mérites un amour, une scène de fête se termine en baston ce qui permet à l'ami homo de l'héroïne principal de lancer cette remarque estomaquante : «Là où il y a des Arabes, il y a des embrouilles». Hafsia Herzi : «Si ça vient de moi, ça passe, tente de justifier Hafsia Herzi qui n'a jamais été aussi anxieuse. «Je sens que je suis sous pression, je comprends mieux pourquoi les réalisateurs s'enfonçaient dans leurs sièges, morts d'angoisse à la projection de leurs films et pourquoi jamais ils ne voulaient venir aux fêtes après. On profite plus de la fête à Cannes quand on est juste comédienne? On a moins la pression». Monia Chokri : «C'est plus de pression mais c'est mieux, plus intéressant, j'ai l'impression que j'y vais cette année pour défendre mes idées. Quand on va à Cannes en tant qu'actrice il y a toujours un rapport au physique qui est parfois dur à porter, on a l'impression d'être des porte-manteaux, des faire-valoir?». Et en réécoutant le reste de l'interview - pas mal au demeurant - on se rend compte qu'on s'est éloigné du sujet et de la question du jour. Pas de doute, l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes s'est fait embrouiller par deux Arabes. |
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