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Damien Ounouri et Adila Bendimerad ont dévoilé hier à la Quinzaine des Réalisateurs
«Kindil Al-Bahr», leur dernier film, un moyen-métrage
social et fantastique qui marque une rupture notable et bienvenue dans le
cinéma algérien.
Enfin, nous l'avons vu «Kindil Al-Bahr» - ou la Méduse- d'après une idée de Adila Bendimerad et Adel Bentounssi scénarisée par Adila Bendimerad ( héroïne principale du film) et Damien Ounouri (réalisateur). C'est un film algérien tourné en Algérie (Cherchel, Tipaza) mais qui d'emblée prend le large pour se situer dans une ville imaginaire et à une époque indéterminée. Un film qui plonge littéralement dans la mer pour échapper à son statut de film social, un peu à la manière des clandestins qui prennent tous les risques de la harga pour fuir leurs ports d'attache et déjouer le mektoub tracé d'avance. C'est aussi et avant tout un film aquatique et acrobatique, qui passe d'un genre à l'autre, très à l'aise en eaux troubles, surtout là où il n'a pas pied. Au moins, une chose est sûre : algérien, «Kindil Al-Bahr» est un film de cinéma, ce qui n'est pas si fréquent quand on y pense. Cela commence d'une manière faussement classique, un après-midi d'été à la plage en compagnie d'une jeune mère de famille accompagnée de ses deux enfants et de leur grand-mère. Faussement classique, car le père qui les accompagne ne reste pas avec eux, et qu'avant de filer à son travail, son épouse exige de lui un bisou. Un baiser dans le cinéma algérien, mine de rien, même en mode skimi, c'est tout sauf anodin. Ce furtif baiser arraché par Adila Bendimerad à Nabil Asli, donne le ton du film et affiche ses 3 A. Affranchi, amoureux, atypique. Qu'est-ce qu'on peut faire -et surtout qu'est-ce qu'on ne doit pas faire- de nos corps dans l'espace public ? Traduit au cinéma, ça donne qu'est-ce qu'on peut montrer et qu'est-ce qui est banni. Le rapport au corps donc. La question devient encore plus contraignante quand il s'agit du corps féminin. Le sujet du film, on vous l'accorde, est vieux comme l'origine du monde, mais il reste d'actualité, au moins jusqu'à la fin du monde. Son traitement dans «Kindil Al-Bahr» en revanche est très inédit. Revenons à l'histoire. N'fissa-Adila, la jeune mère décide d'aller se baigner seule. Bien sûr, ça ne rate pas : des jeunes mâles attirés par l'intrépide nageuse aux formes généreuses s'agglutinent autours d'elle, menaçants, comme dans «Soudain l'été dernier» de Tennessee Williams (qui se souvient de Liz Taylor encerclée de jeunes garçons sauvages dans l'adaptation de Joseph Manckiewicz ?). La tension monte vite, les insultes fusent, la violence éclate : tragédie méditerranéenne en pleine mer ! La scène du lynchage dans l'eau est la plus terrible et la plus réussie du film. Violée et noyée, Adila Bendimerad ressuscitera en étrange créature de la mer pour se venger, telle est la l'idée originale de «Kindil Al-Bahr» qui bascule avec toute notre adhésion dans le registre du fantastique. Le seul bémol, c'est qu'avec des moyens cheap au niveau des effets spéciaux, Damien Ounouri ne s'aventure pas assez loin et pas assez longtemps dans sa belle échappée fantastique. On aurait aimé que la méduse vengeresse prenne plus de temps pour régler ses comptes avec ses agresseurs, avec tout ce que cela suppose comme scènes de suspense supplémentaires à imaginer pour nous tenir en haleine. Quand il quitte le registre du fantastique, «Kindil Al-Bahr» harponné par la fatalité du réalisme s'échoue sur une plage encombrée de dénonciations classiques: l'insupportable insolence des nouveaux riches, la bêtise criminelle des médias populistes, l'incompétence crasse des autorités publiques... Pour autant «Kidil Al-Bahr» reste un film qui fera date, car il marque une rupture générationnelle de bon augure pour la fiction algérienne. Il faut donc saluer comme il se doit Adila Bendimerad qui s'est jetée à l'eau dans tous les sens du terme pour porter ce projet que Damien Ounouri met en scène avec un certain talent et beaucoup d'attention amoureuse pour son héroïne. Tous les acteurs de ce film réellement indépendant sont par ailleurs parfaits, à commencer par Nabil Asli, décidément toujours excellent, si bien que ça devient lassant de le redire à chaque fois qu'apparaît sa belle gueule à l'écran. Ce n'est pas la première fois que Adila Bedimerad et Nabil Asli viennent à Cannes. La dernière fois c'était avec Merzak Allouache pour «Le Repenti». Pas la première fois donc et sans doute pas la dernière... |
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