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Assassinat d'un parrain de la mafia parisienne: Accusé de meurtre en France, il est acquitté à Oran

par H. Saaïdia

H. Kadda, dit Karim, comparaissait hier devant le tribunal criminel d'Oran pour l'assassinat de Claude Geneva, l'ex-parrain de la mafia parisienne, le 22 août 1994, à Paris. Veste de laine noire, pantalon de tergal bleu foncé, Kadda, 54 ans, se défend plutôt bien à la barre. Entouré de ses quatre avocats, à leur tête maître Fahim Hadj Hbib, l'ancien émigré se remémore, malgré lui, ses années de jeuneuse en France, pays où il a débarqué en provenance de Khenchela, sa ville natale. En 1995, lorsqu'il est rentré au bled pour s'installer sur la Corniche oranaise où il a ouvert un grand hôtel-restaurant baptisé, Karim pensait alors avoir enterré à jamais son passé, marqué par quatre condamnations pour vol, association de malfaiteurs et port d'arme prohibée, mais, surtout, une procédure de mise en examen pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens dont il s'est tiré par miracle. Mais la chance ne lui sourira pas durablement. Déjà sur la sellette de la justice, notamment depuis la descente de police ayant visé son établissement en 2001 et qui a donné lieu à une procédure de fermeture de cet établissement jugé en infraction ainsi qu'à une poursuite pénale contre lui, H. Kadda sera arrêté le 24 novembre par la PJ d'Oran à bord d'une BMW 4x4, en exécution d'un mandat d'arrêt européen décerné contre lui par la Cour d'appel de Paris, le 1er avril 2005, et lancé par Interpol France, bureau des extraditions, via le bureau d'Interpol à Alger. Ce mandat d'arrêt faisait suite à sa condamnation par contumace par la Cour d'assises de Paris à la peine de 30 ans de réclusion pour l'assassinat de Claude Geneva.

 Hier, lors de l'interrogatoire et du débat, le tribunal s'est attardé sur le contexte de crime. Qui est Claude Genova, dit le «Gros» ? Né en 1951 en Tunisie, cet homme porte bien son surnom : 1m 80, 103 kilos de muscles, ajouté à cela quelques grammes de chaînes en or. C'était un caïd en France. Mais il s'est spécialisé plus tard dans le racket. Les récalcitrants étaient travaillés par sa bande à coups de perceuses dans les articulations. Sa dernière condamnation remontait à 1989 pour le trafic de 200 voitures volées, à cinq ans d'emprisonnement. Plus une année pour avoir «corrigé» le directeur de prison. Mais, à partir de sa cellule, il continuait à diriger ses affaires. En février 1994, le «Gros» bénéficie d'une permission de sortie et est décidé de stopper la bande rivale montante des «Hornec». Il enlève un de leurs fidèles, et le libère contre rançon. Les Hornec ripostent en décapitant son «lieutenant» Eric Pasquet, dit «Riquet». Le 20 août 2008, le Gros bénéficie d'une permission de sortie de cinq jours. Il est très prudent, portant un gilet pare-balles et roulant en voiture blindée. Mais malgré ses précautions, deux hommes (la justice française accuse H. Kadda, et un certain Jean-Dominique Poletti), poussés par les Hornec, vont lui régler son compte. Ils lui proposent de venir régler le différend qui l'opposait aux frères gitans Hornec. Geneva se rend au rendez-vous, le 22 août, avec les deux «conciliateurs». Etant donné que personne ne vient, le Gros rentre chez-lui avec sa femme, aux environs de 21h. Une Volvo s'arrête en double file à leur hauteur. Le passager arrière, dont le visage est masqué, jaillit armé d'un fusil. Il abat Geneva à bout portant en pleine tête. Le tueur ramasse ses étuis vides et regagne sa voiture et ses deux amis, eux aussi encagoulés.

 Le représentant du ministère public a requis 20 ans de réclusion contre H.Kadda. Dans leurs plaidoiries, les avocats de l'accusé ont fait feu de tout code, évoquant notamment des points de droit relatifs à la procédure de jugement de leur mandant algérien, en vertu d'une clause de l'accord judiciaire entre l'Algérie et la France, et ce, pour des faits commis ailleurs dans l'autre pays, la France. La défense a également mis l'accent sur le dossier incomplet envoyé par la France, soulignant que plusieurs documents-clés manquent, comme les PV d'instruction, ou sont «superficiels et incohérents» tels les rapports de l'expertise médico-légale et de l'expertise balistique. A l'issue des délibérations, H.Kadda a été acquitté. Il devait être libéré incessamment.