
Le marché du
Remblai, fait d'amas de vieilleries les plus disparates qui soient, destinées à
la revente, est en train de vivre en quelque sorte ses derniers «jours». En
effet, la construction à brève échéance d'une route, longue de plus de 600
mètres, devant relier le quartier du Bardo à la fameuse cité Souika dans la
vieille ville, ne manquera pas de sonner le glas de ce marché fait de
bric-à-brac. C'est ce que nous a révélé un membre élu de l'APW, qui indique que
«cette action s'inscrit dans le cadre du nouvel aménagement en cours de toute
cette zone du centre-ville de Constantine». Le marché du Remblai ou de Bardo,
comme il est encore parfois appelé, a pendant longtemps constitué la
destination toute désignée et préférée des bricoleurs constantinois ou de
collectionneurs, qui finissaient souvent par dénicher la «perle rare» qu'était
la pièce ou l'objet tant recherché. La particularité du Remblai, c'est qu'il a
été, durant longtemps et continue encore d'ailleurs, à être ce point de chute
de toute une faune de brocanteurs s'adonnant au commerce d'objets anciens et de
curiosité qu'ils achètent d'occasion pour les revendre, donnant ainsi un cachet
spécial à la ville des ponts. Cachet qui lui a fait, durant des lustres, cette
réputation d'être une ville où «tout se vend et tout s'achète» et par
conséquent prisée et visitée par les amateurs de vieilleries de toute la
wilaya, et sans doute, d'autres plus lointaines. Mais ne venez surtout pas
demander aux vendeurs l'origine des différents articles exposés sur leurs
étals, à même le sol parfois, vous risquerez d'irriter les propriétaires de ces
amas de bric et de broc, qui peuvent réagir méchamment ou tout au moins vous
lancer un regard menaçant. C'est qu'en vérité, le marché du Bardo traîne les
casseroles d'une mauvaise réputation lui collant la peu glorieuse enseigne
d'être le point de chute de nombreux objets volés à travers la ville du Vieux
Rocher et même au-delà.
Interrogés sur le projet de construction de
la route, en lieu et place de leurs commerces, et sur tous les aménagements qui
se font autour d'eux, les marchands de brocante réagissent d'une manière
mitigée. Si certains prennent cela pour une plaisanterie de mauvais goût,
avouant ne pas y croire, pour preuve, disent-ils, «nous n'avons été
destinataires jusqu'à maintenant d'aucune proposition de délocalisation, à
l'instar des habitants du site de Bardo, relogés à Ali Mendjelli.» D'autres
plus fatalistes «si c'est notre destinée, qu'y pouvons-nous faire. Nous ne
pouvons être contre l'Etat à qui nous demandons cependant d'être équitable et
juste envers nous.» Un petit groupe de jeunes qui se formait a côté, par
contre, laisse transparaître une certaine inquiétude, «c'est de l'injustice
inqualifiable, à moins de nous indemniser par des sommes d'argent comme les
propriétaires des autres commerces délogés auparavant, pour les besoins
d'intérêt général.»