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Une crise alimentaire mondiale délibérée et planifiée ?

par Mourad Benachenhou

L'effondrement de l'accord d'exportation des céréales ukrainiennes, qui est le tout récent rebondissement dramatique dans le conflit embrasant l'Est du « Vieux Continent », ne peut que susciter, et à juste titre, la plus grande inquiétude dans les pays qui, pour couvrir leurs besoins en produit céréaliers, recourent obligatoirement à l'importation, et dont la facture d'importation de ces produits ne saurait que s'élever.

Nul doute que s'attaquer au ventre des peuples est une voie dangereuse, et constitue un tournant particulièrement tragique, car il entraine dans le conflit des Etats qui n'en portent, ni de prés, ni de loin, la responsabilité, et qui n'ont aucune influence sur son déroulement.

Les gouvernements, tout comme les médias des « démocraties avancées », parties directes au conflit, et faisant tout pour entretenir le feu de ce conflit, et même pour provoquer un embrasement généralisé à l'échelle planétaire, où la survie de la race humaine pourrait être en jeu, mettent le blâme de cette crise alimentaire qui fait planer sur les populations les plus pauvres de la planète, un risque réel de famine, -et font porter la responsabilité de la situation- sur un seul pays, pour ne pas dire « un seul homme, » désigné comme seul responsable « désigné » du conflit, et refusent de reconnaitre leurs propres responsabilité dans la genèse de ce conflit.

Les gros titres de la « presse libre » tout comme les journaux des radios et chaines de télévision des pays membres de la plus puissance alliance militaire, ne font ni dans le détail, ni dans la nuance pour qualifier la décision prise par leur « ennemi » et ameuter l'opinion publique internationale contre lui, plus particulièrement dans les pays qui risquent d'être les plus touchés par l'arrêt des exportations de céréales à partir de l'Ukraine.

Il est évident que l'on ne peut que déplorer les perturbations dans le marché international des céréales dues à l'interruption de ces exportations.

Faire porter le blâme sur un homme pour la crise alimentaire mondiale menaçante : pure propagande de guerre ?

Mais, en ne focalisant que sur une partie au conflit l'attention de leurs concitoyens comme des citoyens des autres pays du monde non concernés directement par la crise actuelle, les dirigeants comme les médias des « démocraties avancées » ne font pas preuve de la bonne foi de mise, et manquent à leur obligation de fournir toutes les informations ayant un rapport avec cette situation de crise, et d'établir de manière claire les responsabilités des uns et des autres dans cette crise.

? On tentera ici de présenter les données relatives à cet état de fait, d'autant plus que les pays les plus vulnérables, auxquels on demande, par une campagne de « relations publiques » mondiale, de prendre fait et cause pour une seule des parties en conflit, sont ceux qui seront le plus gravement impactés par la crise alimentaire à venir.

Les sanctions illégales imposées à la Russie l'empêchent d'exporter ses produits agricoles

La Russie est une des plus grands exportateurs de céréales et d'engrais dans le monde. Depuis février 2022, elle est frappée de sanctions économiques et financières par les pays partis direct au conflit, et causes directes de son intensification. Le volume de produits céréaliers par laquelle la Russie contribuait à l'approvisionnement des marchés mondiaux, a été quasi-entièrement interdit d'accès à ce marché par ces sanctions. Ce pays ne peut ni procéder au transport maritime de sa production, ni effectuer les transactions financières lui permettant de recouvrir les montants qui lui sont dues par ses clients. Ses exportations par pipeline de son ammoniac, produit de base dans les engrais à usage agricole, ont été interrompues à la suite d'un sabotage délibéré.

Donc, avant même que surgisse la question des exportations de céréales en provenance de l'Ukraine, le marché mondial des céréales et des engrais était déjà perturbé par l'imposition de ces sanctions bloquant l'accès des produits céréaliers et des matières de base des engrais au marché international.

Ces sanctions n'ont - faut-il le souligner encore une fois ?- aucun base légale dans le droit international, et leur mise en œuvre dans des cas similaires à ceux par lesquelles elles ont été justifiées pour frapper la Russie, n'est nullement probante : la jurisprudence, si l'on peut employer ce terme dans cette situation d'arbitraire, appliquée dans d'autres cas d'agressions, passées ou en cours, par des puissances extérieures contre des Etats souverains, est loin d'être avérée.

Les donneurs de leçons de respect du droit international, multirécidivistes dans sa violation !

On ne va pas faire ici la liste des « pays agresseurs » qui n'ont jamais fait l'objet de sanctions internationales et qui, pourtant, sont des multirécidivistes non repentis et persistant dans l'invasion, la destruction et l'occupation illégale de pays « membres de l'ONU».

Ces pays, réfractaires au droit international et à la Charte des Nations Unies, et « addicts » de l'agression armée, sont trop connus pour qu'on ait à les rappeler à la mémoire des lecteurs.

Pour conclure cette partie, il doit être souligné que les sanctions contre la Russie ont une grande part dans l'état actuel du marché international des produits agricoles. La levée de ces sanctions permettra de réduire les tensions sur ces marchés, et d'aboutir à l'heureuse situation d'un surplus ayant un impact positif sur les prix mondiaux de ces produits et sur la situation alimentaire des pays les plus vulnérables.

Les produits agricoles ukrainiens interdits d'accès au marché européen

Comble du paradoxe, alors que l'Union européenne donne de la voix pour condamner la décision russe de mettre fin à l'accord d'exportation des céréales ukrainiennes, négocié entre la Russie, les Nations Unies et la Turquie, elle a, depuis une année, suspendu les exportations de ces mêmes produits ukrainiens vers les territoires de ses pays membres, car ces produits faisaient concurrence à la production locale.

Et, comble du cynisme ! D'après la presse internationale, l'UE a décidé, le 15 juin de la présente année, de maintenir la suspension des exportations de céréales ukrainiennes vers les pays qui en font partie, et cinq de ces pays viennent de saisir ses instances pour maintenir en permanence cette suspension !

L'information a été confirmée par une agence de presse qui est loin d'être «aux ordres du Kremlin» :

« Cinq pays d'Europe centrale souhaitent que l'embargo de l'Union européenne sur les importations de céréales en provenance d'Ukraine soit prolongé au moins jusqu'à la fin de l'année. L'interdiction doit expirer le 15 septembre » (agence Reuters 20 Juillet 2023).

A souligner que cette information, pourtant d'une importance cruciale tant dans l'état de choses parmi des pays directement impliqués dans le conflit que pour le marché international des céréales et ses clients, n'a, évidemment, fait ni la une des journaux du « monde libre, » ni l'objet de d'une couverture intense aux « heures de grande écoute, » de tables rondes ou de commentaires des analystes « chevronnés » de ses chaines de télé. La raison de cet « embargo » médiatique n'a nullement besoin d'être explicitée tellement elle va de soi !

Ainsi, tant qu'il s'agit de fournir à l'Ukraine, le pays aux douze millions de réfugiés, une aide illimitée sous la forme de matériel de guerre ou d'entrainement militaire comme de soutien politique et médiatique sans nuances, l'Union européenne -tout comme, indirectement ou même directement, la Confédération suisse, supposée être un Etat dont la neutralité est fondée sur des accords internationaux- est prête à « mettre le paquet,» sans restrictions aucune, et sans crainte de voir le conflit déboucher sur une confrontation nucléaire, tournure qui est loin d'être une hypothèse d'école, mais représente une menace quasi-imminente, vu l'importance et le caractère vital des intérêts en cause.

Assurer la destruction « absolue » de l'Ukraine pour atteindre des objectifs stratégiques qui sont loin d'être assurés, vu le déséquilibre dans la balance de la puissance des deux pays en confrontation, ne poserait, semble-t-il, ni cas de conscience, ni problème de coûts.

Les agriculteurs européens profiteurs de guerre ?

Mais donner à l'Ukraine accès au marché céréalier européen poserait problème, alors que cet accès lui permettrait, non seulement de réduire le poids de l'aide financière que lui accorde ses «alliés » pour poursuivre sa « résistance », mais également de faire libérer une partie de la production de ces pays en vue d'alimenter le marché international des produits céréaliers.

La crise ukrainienne a, ainsi, permis de créer une situation artificielle de rareté sur le marché céréalier mondial ; elle est ainsi devenue une occasion de spéculation sur ce marché au profit des pays qui se présentent comme les »alliés, » indéfectibles de l'Ukraine, certes, mais pas au point de sacrifier -pour la soutenir- même temporairement et à titre exceptionnel , leurs intérêts économiques. La guerre en Ukraine est devenue ainsi une occasion de surprofits au bénéfice de ses alliés et défenseurs les plus vocaux !

En conclusion :

Les pays, membres de la coalition soutenant l'Ukraine -le pays aux douze millions de réfugiés- et dont nombre, pour la « défense de leurs intérêts », sont multirécidivistes dans l'agression armée contre les « pays membres de la communauté internationale », ont imposé à la Russie, de manière unilatérale, et sans base légale ou, du moins, jurisprudentielle, acceptée par cette communauté internationale, des sanctions économiques et financières ;

Ces sanctions empêchent ce pays, gros producteur, de mettre son surplus de production sur le marché international des céréales et des engrais. Ces sanctions ont déjà eu un impact négatif sur les prix internationaux de ces produits ;

D'autre part, l'Union européenne a, depuis plus d'une année, à la demande de certains de ses pays membres, et malgré les protestations des autorités ukrainiennes , suspendu les importations de produits agricoles en provenance de l'Ukraine, aboutissant donc à l'augmentation des prix de ces produits sur cet espace politique et économique, permettant à ces pays de spéculer sur leurs produits, et en même temps , réduisant leurs propres surplus agricoles qui pourraient être vendus sur les marchés internationaux ;

Mettre le blâme de la situation éventuelle de crise alimentaire dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, sur la seule Russie, sans tenir compte des conséquences de décisions unilatéralement prises par les membres de la coalition, et ayant un impact direct ou indirect sur le marché international des produits alimentaires, ne reflète nullement la réalité de la situation dans cette affaire ;

Certains Etats, se présentant comme alliés indéfectibles de l'Ukraine et amis des « pays les plus pauvres du monde, » mettent à profit pour engranger des gains monétaires importants, tout en faisant porter tout le poids de la responsabilité de cette situation de rareté artificielle et de spéculation sur le dos d'un seul pays, si ce n'est d'un seul homme.

Affamer les peuples pour les forcer à résipiscence n'est nullement une stratégie nouvelle de la part des « donneurs autoproclamés internationaux de leçons de morale et d'humanisme ». Qui ne se souvient pas de la tragédie « du pétrole contre la nourriture » qui aurait tué plus de deux millions d'enfants, dans un pays contre lequel ce type particulièrement vicieux et barbare de siège a été imposé pendant prés de dix années ?

L'amour fou manifesté à la cause ukrainienne s'est-il transforme en étreinte de la mort non seulement pour l'Ukraine, mais également pour toute l'humanité ?

Il serait particulièrement souhaitable et opportun que les hautes instances internationales s'attaquent à tous les aspects de cette question, et exigent que toutes les parties en cause prennent, quoiqu'il en coûte, les mesures indispensables pour en finir avec cette situation qui risque de tourner au tragique, car elle nuit particulièrement aux pays les plus pauvres et aux peuples les plus démunis de la planète.