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Livres
La lyre de Thamugadi. Roman de Omar Kazi Tani. Editions El Qobia, Alger 2013, 175 pages, 1 000 dinars Nesma et Nidhal, Nesma et Amer, des Presque histoires d'amitié (et d'amour ?) sur fonds de vie multiples. D'abord, en tant qu'étudiants architectes, côte à côte, les deux premiers vont découvrir et étudier, sous toutes leurs coutures, de cursus, le patrimoine architectural national hérité de la période romaine, en l'occurrence Timgad (Thamugadi), Djemila, Cuicul... Et ce, sous la direction d'un jury de spécialistes nationaux et étrangers (ont-ils donné leur accord pour être cités ? très certainement !). Bien plus âgés, mais toujours bien «verts» les deux autres susnommés, vont se rencontrer bien plus tard, par hasard, autour de lits d'hôpital, des proches parents ayant été atteints par la Covid-19. Deux âmes en peine, célibataires de surcroît... une autre histoire, celle-ci d'amour, va se nouer. Le roman ne repose pas, certes, seulement sur des histoires d'archéologie, d'amitié et d'amour mais aussi sur d'autres événements heureux ou douloureux narrés avec la précision de chirurgien des mots, propre à l'auteur. La pandémie, l'exode des migrants clandestins (la «harga»), les relations amoureuses qui dérapent dangereusement, la drogue, la vie militaire, le terrorisme, les affectations (bonnes ou décevantes) à la fin des études... sont d'autres sujets abordés soir superficiellement soit en profondeur. Cependant, l'œuvre reste solidement ancrée dans son aspect historique, les monuments encore debout témoignant de la beauté et de la profondeur d'une période (celle romaine) de l'Histoire nationale. L'Auteur : Ancien cadre de l'Education nationale (plus de quarante années), aujourd'hui retraité, ayant connu l'ensemble des profils de l'enseignant (Chef d'établissement, professeur, conseiller pédagogique, inspecteur de l'enseignement du français, formateur), c'est un amoureux de l'histoire et du patrimoine archéologique du pays. Déjà auteur de plusieurs romans (chez L'Harmattan, Dar el Gharb et les Editions du Net). Extraits : «Les colonnes vertébrales sont des charpentes résistantes mais ne supportent pas trop le poids des ans. Elles perdent leur compacité osseuse et ondulent comme pour mieux se rapprocher du sol» (p10), «Les soldats ne sont pas toujours présents lors des naissances, ils arrivent souvent en retard et s'émeuvent discrètement. Ils pensent au combat et confondent sirène nocturne et stridence d'un cri de bébé» (p 111), «Les militaires, on sait quand ils partent, ils ont des dates précises. Mais, on ne sait pas quand ils reviennent» (p 148) Avis : De la prose et de la poésie. Une écriture fluide et changeante. Histoire (archéologie et patrimoine culturel national) et histoires. Une autre façon de produire un roman. Qui joint le très utile et le très culturel aux très romantiques rencontres... décrites avec pudeur. Un ouvrage qui se laisse lire. Et, surtout ne pas se décourager face aux détails archéologiques multiples. Citations : «C'est la façon de rapporter l'Histoire qui, souvent, la déforme, la détourne de la vérité, la discrédite et même lui est nuisible. L'Histoire, elle, ne ment pas, ce sont les historiettes qui, souvent, en altèrent les faits» ( p 30), «Quand la vérité ne balbutie plus et qu'elle résonne, portée par la peur, par la douleur puis par le courage et la fierté, elle devient un élément majeur de l'histoire» (p53), «Il n'est pas facile de jongler quand on s'assoit sur deux chaises en même temps» (p 89), «Quand la peau se fane et se dessèche, les vieux ressemblent à un parchemin de souvenirs heureux et de douleurs dissimulées. C'est aussi cela qui attire les décodeurs de rides» (p113), «Les égoïstes n'ont de problèmes avec personne, même pas avec leur conscience.(...). Parce qu'ils ont dressé leur cerveau à la résistance, à l'impudeur, au défi, aux mots roturiers et même aux gestes pervers. C'est la clef de leur réussite» (p135) La révolte des saints. Un essai historique (et, aussi, roman : Deux seuls chapitres sur un total de 15) de Ahmed Akkache. Casbah Editions. Alger 2006, 157 pages, 410 dinars (Fiche de lecture déjà publiée. Pour rappel. Extraits. Pour lecture complète, voir in www.almanach-dz.com/histoire) Ahmed Akkache, aujourd'hui, hélas, décédé, n'est pas à présenter pour les quinquagénaires et plus. Militant actif de la cause nationale, il avait été arrêté en 1957 par les autorités coloniales, il avait été condamné à mort et s'était évadé de prison en janvier 1962... Il est auteur de plusieurs ouvrages historiques (Tacfarinas, La résistance algérienne de 1845 à 1945) et économiques ainsi que d'un roman (L'évasion). Enseignant, journaliste, militant actif de la gauche progressiste, connu pour sa rigueur scientifique, il a exploré, durant des dizaines d'années, des «sources latines» multiples pour remonter, en fait, aux sources de la Résistance du peuple algérien à toute colonisation. Et ce, à partir d'une grande et continuelle révolte, hélas méconnue par nos historiens, laissant ainsi la place aux œuvres françaises pour la plupart naturellement orientées afin de servir la cause coloniale : celle des circoncellions de la Numidie antique, aux IVe et Ve siècles après J-C ; révolte éminemment populaire, regroupant des paysans sans terre, d'agriculteurs déclassés, des ouvriers agricoles,des paysans révoltés, tous des «damnés de la terre numide», et qui a contribué largement à l'effondrement de l'Empire romain en Afrique (qui a dominé l'Afrique durant plus de 5 siècles). On les appelait Saints alors qu'ils n'étaient que rebelles, attaquant surtout les immenses domaines fonciers esclavagistes de l'époque. On fait connaissance, au passage, avec de grandes figures de notre histoire, certaines réhabilitées (Tertullien, Cyprien, Pétilien, évêque de Cirta, Optat, évêque de Timgad, Donat et bien d'autres) représentant une Eglise nationale autonome à travers le Donatisme et qui ont compris (sinon soutenu ou rejoint) le mouvement des Circoncellions... d'autres ramenées à leur dimension réelle et démythifiés, comme Augustin, fils de Thagaste, évêque d'Hippone (immense par ses œuvres intellectuelles dont La cité de Dieu et Les Confessions) représentant l'Eglise «officielle» et défendant de l'«ordre romain». Avis : A lire deux fois plutôt qu'une. Pour connaître les dignes ancêtres de nos moudjahidine... car la résistance et la lutte contre le colonisateur et l'occupant étranger (le «roumi») a commencé déjà... avant J-C... et ne s'est jamais, jamais, arrêtée. Jusqu'en 1962. Qui se souvient des premiers rebelles du Djurdjura conduit par Farascen (mort en 259) dont la révolte, à partir de 253 a couvert une région allant de Constantine à Tlemcen ? Il est vrai que nos martyrs et nos héros de 54-62 sont déjà oubliés ! Alors, pour ce qui concerne l'Antiquité, on peut repasser. Phrase à méditer: «Qu'on les appelle Saints, Circoncellions ou plus simplement rebelles, les révoltés de l'Algérie antique font partie de ces générations d'ancêtres qui ont contribué, au long des siècles, à ancrer dans la conscience collective des Algériens, les idéaux inséparables de liberté et de justice». | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||