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Agriculture intelligente et économie de la connaissance : une vision du futur

par Mohamed Khiati*

Disons d'emblée et sans précaution oratoire aucune et ce n'est plus de la démonstration spécialisée ou le langage de l'utopie que veuillent effleurer, peut-être, certains esprits lorsqu'on aborde un tel sujet d'importance cruciale tant aujourd'hui que demain, car investir dans le domaine de l'intelligence c'est en fait promouvoir et améliorer, sans cesse, les savoirs et les connaissances, à travers un processus de partage entre individus et organisations qui servira d'asseoir un développement rationnel et durable.

Aujourd'hui, il est pleinement établi que le progrès et le développement, quel que soit le domaine d'activités, sont parfaitement liés à la diffusion et le partage de l'information utile s'intégrant en droite ligne dans le concept de l'économie de la connaissance, auquel on tend à lui accorder à l'échelle mondiale un plein intérêt.

Déjà, il y a de nombreuses années Sir Edouard G. SCHUH, l'économiste américain, issu de l'Université du Minnesota fit mentionner l'interdépendance entre information et productivité pour souligner que : « l'accroissement de la production des années 20 au milieu des années 70 (du siècle dernier), s'est accompli sans que soit augmenté notre capital de ressources physiques. Il est entièrement dû à des améliorations de la productivité dont la plupart sont imputables à un savoir nouveau ou aux progrès de l'information (surtout). Cela montre clairement à quel point la ressource que constitue la connaissance est propre à favoriser le rendement. »

Dans cet essai qui ne se prête nullement à l'exhaustivité, nous tenterons, tant soit peu, d'aborder quelques éléments qui nous semblent d'importance capitale dans tout développement ou de « l'intervention de développement », à forte raison lorsqu'il s'agit du développement agricole et rural qui nous intéresse dans ce modeste essai compte tenu de notre domaine de compétence.

Aussi, nous essayons, hormis les éléments introductifs de prélude d'introduire les éléments de connaissance sur « l'économie de la connaissance » et ceux portant sur « l'agriculture intelligente », conjuguée au sujet du renforcement des capacités humaines. Ces thématiques font sujet et débat aujourd'hui dans divers parterres scientifiques et économiques à travers la planète. Leur importance est de taille. Alors voyons dans ce qui suit le détail.

Contexte :

Disons tout d'abord que l'agriculture est la base de la sécurité alimentaire, laquelle dépend parfaitement de la mise en œuvre des politiques agricoles et rurales inscrites dans le cadre des politiques publiques et traduites, dans le fond, par l'exécution de programmes et projets de développement. Ainsi, la priorité de l'agriculture est liée au fait qu'elle produit des denrées alimentaires, seconde condition indispensable à la survie humaine après l'eau.

L'agriculture est bien évidemment la principale source de revenus et d'emplois en zones rurales, c'est même souvent le principal employeur tous secteurs économiques confondus. Sa croissance constitue également la principale arme de lutter contre la pauvreté en zones rurales et urbaines, à la fois, un des objectifs essentiels (ODD) retenus par les Nations Unies, à l'horizon 2030 (objectif.1. Pas de pauvreté).

Il existe par ailleurs d'autres raisons de placer l'agriculture au centre de la politique économique. Aucun autre secteur n'est autant imbriqué au reste de l'économie. Elle n'est pas seulement le principal employeur de la main-d'œuvre nationale, elle joue aussi un rôle important dans l'équilibre de la balance des paiements, la création de richesses et d'opportunités d'exportation de produits agricoles.

Cependant, il existe une raison encore plus fondamentale qui explique la différence de l'agriculture par rapport aux autres secteurs de l'économie. Il est possible de déplacer, plus ou moins facilement, la main-d'œuvre et les capitaux d'une activité industrielle à une autre ou d'une activité de service à une autre et de revenir à la situation d'origine si les circonstances l'exigent. Par contre, une fois que la main-d'œuvre a quitté l'agriculture, faire marche arrière est coûteux et extrêmement difficile.

Dans le prolongement de ces considérations, le développement de l'agriculture en tant que branche économique par excellence passe nécessairement par l'utilisation de l'ensemble des ingrédients ou « inputs » constitués par les éléments d'intendance (les investissements, le financement, les crédits, les prix, les marchés, les soutiens, les mesures incitatives), et le système de connaissance (la formation, la recherche, la vulgarisation, l'appui conseil et quelques autres encore), ayant pour but l'amélioration du savoir, des aptitudes et des pratiques des populations de la sphère agricole et para-agricole.

Une combinaison spécifique de ces éléments est primordiale pour amorcer un développement agricole voire un développement rural harmonieux et durable. Cependant, dans une phase de mutations souscrite dans la sphère de l'économie de marché où les partenaires sont engagés à détenir les principaux ingrédients de développement, les pouvoirs publics sont, dans ce contexte, censés fournir la grande partie, voire la quasi-totalité des instruments de développement de l'agriculture et son soubassement le milieu rural.

En Algérie, le défi de grande importance pour l'agriculture de demain sera de garantir la nourriture pour tous et d'une façon équitable, sachant toutefois que la population algérienne continue d'accroître à un certain rythme de croissance de 1,71% (ONS-2020), même si inférieur aux points des années 80 (3,1%). D'après certaines projections, l'Algérie atteindra une population de 51 millions en 2030 et plus de 70 millions d'habitants à l'horizon 2050, c'est dire qu'il y'aura plus de personnes à nourrir pour le demi-siècle à venir et au-delà.

Dans le détail et en en référence à certaines statistiques relatives à l'emploi agricole, il est utile de noter que le 1/4 des Algériens exercent un travail pour nourrir les 3/4 de la population. Autrement dit, il y a 3 fois plus de bouches à nourrir que de force de travail. Cela signifie que les consommateurs surpassent de loin ceux qui œuvrent dans le domaine de la production alimentaire.

Aussi, le grand défi d'aujourd'hui et de demain pour le pays sera de produire des denrées alimentaires sûres, de bonnes qualités, nutritives et financièrement abordables pour une population toujours plus nombreuse. A cet effet, le secteur agricole doit être suffisamment armé les années à venir pour nourrir la population et pour cela, il est de devoir des spécialistes et des politiques d'avoir une vision à moyen et long terme concernant le développement agricole et les tendances de son évolution.

Parallèlement et au moment où l¼industrie agroalimentaire, à l'aval de l'agriculture subit de fortes pressions pour répondre à la demande croissante de nourritures, les questions environnementales font surgir tout un lot de défis nouveaux qui rendent la tâche encore plus redoutable, notamment en sol et en eau. Les risques climatiques pour les cultures et les élevages devraient s'exacerber lors des prochaines décennies, en particulier dans les pays à revenu faible dont les capacités d¼adaptation sont moindres, notent les avertis. Dans ce cadre et compte tenu de la pression croissante pour intensifier la production et protéger l'environnement, les technologies de pointe pourraient jouer un rôle essentiel. A ce titre, seul le recours aux normes et aux meilleures pratiques agricoles induira les possibilités de créativité, du progrès et du développement, c'est dire que les investisseurs, les porteurs de projets, les industriels, les chercheurs et universitaires doivent engager la réflexion autour de l¼agriculture intelligente de demain et ce, pour entrevoir déjà les jalons et le soubassement de sa mise en œuvre.

Les politiques agricoles ne sont pas du reste, elles doivent inclure ces nouvelles thématiques dans leurs axes de développement quinquennaux ou pluriannuels. Y penser, c'est déjà agir, dit l'adage.

Aussi, si nous avons abordé un tel sujet, c'est pour susciter l'intérêt de la communauté scientifique et politique pour admettre les nouvelles thématiques dans les parterres de réflexion et de se préparer par voie de conséquence à formuler les bases d'une agriculture algérienne moderne de demain où la connaissance et l'intelligence seront le maître mot dans toute stratégie de développement.

1. Agriculture intelligente

Aujourd'hui, on fait valoir la connaissance comme appoint à la bonne gouvernance du domaine agricole, soutenue par les avancées technologiques qui ont de surcroit bouleversé le monde de la production jusqu'à finir par définir le concept de l'agriculture intelligente ou « Smart agriculture », c'est-à-dire celle qui tend à utiliser le numérique pour améliorer la performance et la qualité des productions agricoles.

Dans une récente publication, la FAO note que : « l'innovation numérique joue un grand rôle dans les domaines de l'alimentation et de l'agriculture car elle vise à exploiter la puissance des technologies numériques pour piloter, accélérer et adapter les idées novatrices ayant un fort potentiel en terme d'impact sur l'alimentation et l'agriculture, en transformant les solutions et les services numériques en biens publics mondiaux ».

Dans la sémantique, l'agriculture intelligence telle qu'a été définie est un concept de gestion et de management ayant pour but de fournir à l'industrie agricole l'infrastructure nécessaire pour tirer parti des technologies de pointe y compris les grandes données, le Cloud et l'internet et ce, en vue de suivre, surveiller, automatiser et analyser les programmes et projets agricoles».

Connue également sous le nom d'agriculture de précision, l'agriculture intelligente est gérée par des logiciels et surveillée par des capteurs. Ainsi, grâce à des dispositifs intelligents, plusieurs processus peuvent être activés en même temps, et les services automatisés améliorent la qualité et le volume des produits en contrôlant mieux les processus de production.

Les systèmes agricoles intelligents permettent aussi de gérer avec soin les prévisions de la demande et la livraison des marchandises sur le marché à temps pour réduire le gaspillage.

L'agriculture de précision est axée sur la gestion de l'offre de terres en fonction de leur état, se concentre sur les meilleurs paramètres de croissance, telle l'humidité, la teneur en engrais ou en matières organiques et autres susceptibles d'accroitre la productivité et augmenter la production.

Les systèmes intelligents fournissant des informations à distance pour l'approvisionnement et l'aide à la décision, en plus de l'automatisation des machines et des équipements pour répondre aux problèmes émergents et à l'aide à la production. Aussi, l'agriculture intelligente pose les bases d'une « troisième révolution verte », qui fait référence à l'application combinée des Tics. Elle prend de plus en plus d'importance en raison de la demande croissante de rendements plus élevés des cultures, de la nécessité d'utiliser efficacement les ressources naturelles et notamment l'adaptation aux changements climatiques.

Ces éléments de référence et les tendances de l'agriculture productive et performante à l'échelle mondiale nous interpellent à poser déjà les jalons de l'agriculture intelligente de demain.

Dans le sillage de ce développement conceptuel, il serait d'un grand intérêt d'engager l'esquisse d'une stratégie future destinée à gérer tous les aspects d'une technologie agricole de précision, à savoir une approche de la gestion des exploitations agricoles s¼appuyant sur les technologies de l¼information (TI) afin de s¼assurer, à titre d'exemple, que les cultures et le sol reçoivent exactement ce dont ils ont besoin pour permettre leur exploitation rationnelle et assurer une productivité maximale.

Cette nouvelle solution agro-technologique doit intégrer une série d'instruments tels la télématique, les systèmes de gestion de données et des solutions d¼autoguidage qui, lorsqu'ils sont associés seront susceptibles de rendre l¼agriculture plus productive et plus rentable. Dans ce cadre, tout laisse penser que nos jeunes munis de l'esprit d'innovation peuvent contribuer à cette entreprise technologique à travers des formules de startups, d'incubateurs ou de micro-entreprises accompagnés toutefois par des structures publiques ou privées.

Dans cette optique, les agriculteurs devront se tourner vers de nouvelles technologies pour répondre à la demande croissante de production de denrées alimentaires dans le pays, car les technologies agricoles de précision peuvent les aider à gagner en efficacité et à économiser les ressources en vue d'œuvrer d'une manière efficace et rentable.

Il est affirmé par ailleurs à travers de nombreuses expériences réalisées à l'échelle mondiale que les technologies agricoles intelligentes aident à réduire la consommation de carburant par hectare et à limiter les chevauchements, ce qui permet d¼utiliser moins d'engrais ou de produits phytosanitaires et offre par là même aux agriculteurs la possibilité d¼investir ces intrants là où ils ont le plus d¼impact.

D'autres démonstration font valoir à titre d'exemple que des capteurs placés dans les champs permettent aux agriculteurs d¼établir des cartes détaillées de la topographie et des ressources d'une zone donnée et définir d'autres paramètres tels que l'acidité et la température du sol. Les agriculteurs peuvent également avoir accès aux prévisions météorologiques, ce qui permettra d¼anticiper les tendances pour les jours et les semaines à venir. Enfin, l'application jouera un rôle très important pour l¼agriculture de demain et offrira la possibilité aux exploitants d'être beaucoup plus précis dans leurs activités de développement.

Aussi dans la foulée de ces considérations, disons que l'agriculture restera pour l'Algérie la clef de la prospérité économique et sociale. Son développement sera donc le meilleur atout pour satisfaire les besoins alimentaires croissants de la population, améliorer les conditions de vie en milieu rural, créer des richesses, de revenus et d'emplois, réduire la dépendance à l'égard des importations alimentaires et agricoles et promouvoir les créneaux d'exportation.

En bref, il s'agit d'entrevoir les voies et les moyens d'obtenir une sécurité alimentaire effective et durable pour les générations présentes et futures, nourries de cette idée que l'indépendance réelle des peuples se mesure par leur degré de sécurité alimentaire. Elle est seule et unique référence du reste. Les pays n'atteignant pas cet objectif se trouvent souvent incapables de lutter contre l'oppression et l'exploitation. Dès lors, la sécurité alimentaire restera pour le pays un gage de souveraineté nationale et désormais notre conscience et volonté sont mises à rude épreuve pour l'atteindre.

Par ailleurs la mise en valeur du potentiel inexploité du pays et le maintien des ressources productives et de leur qualité seront une tâche lourde où la nature et le climat parfois hostiles laissent peu de marge à l'action et où l'érosion, la désertification, la déforestation, l'engorgement et la salinité, les changements climatiques ont déjà pris des proportions jugées parfois d'alarmantes. Ainsi, le recours à l'agriculture intelligente devient un facteur de premier plan pour se prémunir des faiblesses et des lacunes, d'autant que les opportunités et les possibilités de développement, dans le pays, sont certaines. Avec un effort supplémentaire, l'ensemble des obstacles seront sûrement surpassés. Dans ce cadre, l'apport de la science est d'une nécessité absolue.

D'autre part, les ressources naturelles agricoles que recèle le pays sont certes importantes, mais néanmoins relativement peu exploitées au regard des disponibilités et aux objectifs escomptés. La faiblesse de leur exploitation ne suffit pas, à elle seule, à expliquer certains résultats mitigés de la production agricole, bien qu'en net accroissement au vu de l'historique de leur évolution et des améliorations enregistrées au fil des années en corrélation étroite avec le cumul de connaissances et d'expériences acquises à travers la succession des politiques et des réformes agricoles engagées.

Dans ce cadre, sur une carte, le faciès agricole est de 44 millions d'hectares constituant la superficie agricole totale, mais la terre arable est en quantité limitée traduite par une superficie agricole utile (SAU) de 8,6 millions ha dont 2,8 millions d'hectares relevant du domaine de l'Etat est répartie entre exploitations agricoles collectives (EAC) et exploitations agricoles individuelles (EAI), ainsi que les fermes pilotes et les instituts et organismes publics. C'est dire que l'agriculture en Algérie est dominée majoritairement par un statut privé (MADR, 2018).

La production agricole selon le département ministériel de l'agriculture (2021) est le fait de 1,274 millions exploitations agricoles dont près de 70% ont moins de 10 ha représentant 25% de la de surface agricole utile dont la majorité est de type familial. Cette tendance de petites exploitations pèserait énormément outre mesure sur la productivité, la rentabilité, l'investissement et la modernisation du secteur agricole, selon de nombreux agronomes et spécialistes. Alors qu'en parallèle, les statistiques révèlent que 2,7 millions constituent la population active œuvrant dans le secteur de l'agriculture, soit 20% de la population active nationale.

Ces ressources humaines impliquées dans le développement agricole pour qu'elles puissent s'intégrer dans une optique de progrès doit s'approprier des principes de l'économie fondée sur la connaissance. Parmi cette population, la catégorie des agriculteurs et des éleveurs représente une grande frange. Ces derniers ont parfois des problèmes et des préoccupations liées à la diversité du domaine agricole, on le sait. Cependant, toutes les difficultés que connait cette catégorie ne sont pas nécessairement de nature physique ou matérielle.

Certaines tiennent davantage aux caractéristiques techniques, sociales voire culturelles de la région dans laquelle ils vivent et qui se traduisent (pour eux) - parfois pas souvent- par un accès limité aux services et aux ressources, parmi lesquels la connaissance est peut-être l'élément fondamental. C'est dire combien la communication, vecteur de connaissance est aussi utile dans la pratique quotidienne des acteurs du développement agricole.

Aussi, dans la pratique quotidienne et en relation avec le partage des connaissances, les exploitants agricoles : principaux acteurs et force motrice du développement s'attendent plus particulièrement à :

- un conseil à la fois « formateur et informateur » de telle manière que l'orientation est perçue comme une école de formation. C'est une démarche pédagogique partant du réel et s'y ressourçant toujours, un conseil permanent et évolutif qui constitue une conséquence de la multiplicité et du développement des besoins et des techniques ;

- un conseil « global et spécialisé » à tel point que celui-ci doit tenir compte de plus en plus de l'unité de l'exploitation et de toutes ses composantes. C'est une approche globale menée dans l'exploitation, un conseil aux différents niveaux de perception des individus et des groupes d'exploitants ;

- enfin, un conseil « objectif et humain », de telle sorte que l'encadrement agricole doit être suffisamment proche de l'exploitant pour le connaître et suffisamment éloigné pour avoir un certain recul vis-à-vis de l'exploitant voire de l'exploitation tout entière.

Dans cet esprit, les aspects liés à la pédagogie font valoir toute une gamme de méthodes et d'approches pour promouvoir le degré de conscience et induire le savoir et la connaissance des exploitants agricoles en vue d'améliorer leurs capacités, aptitudes et pratiques et de ce fait, on serait parfaitement dans une démarche « d'économie fondée sur la connaissances ». Dans cette entreprise de construction, il s'agit de partages mutuels dans une relation de communication interpersonnelle.

2. Economie fondée sur la connaissance

Il est à avancer que quel que soit le domaine d'activités, l'insertion dans l'économie mondiale dépend aujourd'hui de la capacité des pays à devenir des économies de la connaissance, c'est-à-dire, des économies relevant le rythme de production des biens et des services nouveaux à forte valeur ajoutée. Pour cela, il convient de disposer de réseaux permettant d'accueillir, de traiter et de diffuser les informations pertinentes et les formations correspondantes. Ce mouvement est nécessaire pour définir la qualité de l'insertion dans la sphère de production.

Le retard pris par de nombreux pays qui se contentent d'exploiter des rentes liées à la détention de matières premières risque d'être un obstacle de plus en plus important pour leur propre développement. Ce qui suggère une diversification des créneaux de l'économie. Dès lors, la connaissance devient un facteur crucial de diversification.

Il est à souligner que l'économie contemporaine est une économie de la connaissance. Cela signifie que l'information et les connaissances qui en résultent sont devenues des facteurs de production stratégiques. Ici, la connaissance est souvent associée à la bonne gouvernance, dit-on. Mieux encore, il ne semble pas que la mise en œuvre de ce facteur fasse l'objet de rendements décroissants, bien au contraire, il est cumulatif.

Aujourd'hui les théories de la croissance sont dites endogènes parce qu'elles considèrent que la connaissance, comme bien collectif, permet d'élever non seulement la productivité de celui qui l'utilise directement, mais aussi celles des autres entreprises ou institutions.

D'une certaine manière, le rôle des dotations initiales de facteurs de production (terre, capital, travail) comme facteurs de croissance est relativisé puisque de telles connaissances présentent les caractères de bien collectif. Mais encore faut-il alors organiser l'économie pour qu'elle puisse accueillir, sécréter, traiter et diffuser les informations recherchées.

Aujourd'hui encore, il est admis que toute politique est élastique. Elle suit exactement l'élasticité des mutations et des changements opérés qui font appel toutefois à la bonne gouvernance et ce, quelle que soit l'évolution des choses. Cette expression de bonne gouvernance a pris aujourd'hui, une place de premier plan dans les débats sur le développement durable, tant à l'échelle mondiale qu'a l'échelle nationale.

Dans ce contexte, la bonne gouvernance doit veiller à ce que la réalisation de la croissance économique s'accompagne d'une insertion sociale et d'une amélioration de l'environnement. Elle doit veiller à ce que la réalisation de cette croissance se conjugue avec une homogénéisation par le haut, des niveaux de vie des différents territoires.

Cependant, si la gouvernance part aujourd'hui des critères constitutifs du développement durable, elle implique toutefois, des critères organisationnels qui doivent favoriser le rapprochement et l'agrégation des partenaires et mettre les acteurs locaux en situation de décider dans le cadre des options nationales, conjuguant ainsi incitation et cohérence, à la fois.

Dans cette vision des choses, la décentralisation et l'association systématique des acteurs économiques et sociaux apparaissent alors comme des éléments constitutifs de la gouvernance recherchée. Ceci dit, toute bonne gouvernance et liée au cumul des connaissances dont personne ne peut en disconvenir. Cette vue et pas celle de l'esprit, veuille dire que le perfectionnement continue des acteurs doit être une action continue inscrite dans les programmes des structures.

Mais en terme général, tant l'agriculture intelligente que l'économie fondée sur la connaissance s'appuient dans les faits, sur un autre aspect d'importance capitale dans toute entreprise de développement. Il s'agit du renforcement des capacités humaines qui signifie dans le jargon des scientifiques l'art de consolider des actions et appuyer les individus, les organisations et la collectivité à mieux gérer leurs affaires avec succès.

Il s'agit, dans l'entrailles du concept, de promouvoir les capacités, autrement dit, développer les connaissances, les qualités, la motivation, la compétence et les aptitudes des individus, mais également rehausser la capacité d'organisation, c'est-à-dire, renforcer le potentiel collectif pour parvenir aux objectifs de l'organisation. Tandis que la capacité technique, c'est la capacité requise par l'encadrement en vue de la prise en main des activités de développement dans ses diverses facettes.

A l'échelle mondiale et jusqu'à une époque très récente, le renforcement des capacités a été considéré comme un processus technique supposant un simple transfert des connaissances ou des modèles d'organisation du nord vers le sud (OCDE 2006). A l'heure actuelle, on repart pour décrire le renforcement des capacités comme étant : « l'aptitude des individus, des organisations et de la collectivité dans son ensemble à gérer leurs affaires avec succès ». Elle englobe l'aptitude à créer, à comprendre, à analyser, à développer, à planifier, à atteindre les objectifs fixés, à réfléchir sur les résultats des actions, à se diriger vers une vision, à changer et à se transformer ».

Il est donc « un processus par lequel les individus, les organisations et la collectivité dans son ensemble libèrent, créent, renforcent, adaptent et préservent les capacités, au fil du temps».

Dans la pratique, trois dimensions font le renforcement des capacités. Il s'agit :

a) de la dimension individuelle qui procède d'un changement dans les compétences, les comportements et les attitudes de divers acteurs. Les mesures peuvent inclure le renforcement des connaissances, de la motivation et des valeurs des individus dans l'organisation.

La formation ne constitue dans ce contexte qu'une modalité parmi d'autres à savoir : l'appui au partage des connaissances, le réseautage et le jumelage, pour n'en citer que quelques unes,-utilisées pour renforcer les capacités au niveau de cette dimension. Les particularités de chaque situation doivent être prises en compte lors de la conception d'interventions appropriées.

b) la dimension organisationnelle qui fait dire que l'existence d'individus compétents au sein d'une organisation ne signifie pas que l'organisation est compétente. Les organisations se définissent comme étant des « groupes d'individus unis par un quelconque dessein commun pour atteindre des objectifs ». La capacité organisationnelle se réfère à la capacité collective des membres à atteindre leurs objectifs organisationnels.

Le renforcement des capacités organisationnelles renvoie à un ensemble de mesures prises pour améliorer le fonctionnement et la performance de l'organisation en général et est souvent, caractérisé par les changements qui interviennent aux niveaux des mandats, des systèmes, des processus ou des priorités de l'organisation.

Cela peut s'appliquer à tous les types d'organisations d'orientation ou de développement : les agences et ministères publics et autorités décentralisés, les services de protection sociale, les bureaux d'inspection, les laboratoires, les systèmes nationaux de recherche, de et de vulgarisation agricoles, les entreprises, les coopératives, les chambres d'agriculture, les groupes de consommateurs, les associations de producteurs, les organisations communautaires, les ONG, les instituts d'éducation et de formation de type formel et informel.

La dimension organisationnelle a certainement un impact formidable sur la façon dont les individus renforcent leurs compétences et utilisent leurs capacités au sein de l'organisation. Les questions liées à la motivation, les incitations, les perspectives de carrière, et la qualité des pratiques managériales sont des aspects tout aussi importants dans la rétention du personnel qualifié et enfin,

c) l'environnement favorable qui constitue un contexte dans lequel, les individus et les organisations transforment leur potentiel en action, et où s'effectuent les processus de renforcement des capacités. Il s'agit du montage institutionnel d'un pays, de ses règles implicites et explicites, de ses structures et de l'environnement politique et juridique au sein duquel, les individus et les organisations opèrent.

Des changements au niveau de l'environnement favorable sont susceptibles d'influencer la manière dont les organisations et les individus se comportent et évoluent. Ces mutations peuvent impliquer des réformes de politiques au niveau du secteur agricole ou d'autres domaines connexes, des changements de lois, des exercices stratégiques en matière de planification et d'établissement de priorités au niveau national ou des modifications au niveau des systèmes d'incitation.

D'une manière générale et dans la cadence de l'accélération de la mutation vers en une agriculture moderne, où les dispositifs d'encadrement des programmes et projets permettent une mise en œuvre cohérente intégrant et valorisant toutes les ressources mobilisées et mobilisables, que la promotion de l'agriculture apparaît comme une nécessité pressante compte tenu des enjeux géostratégiques et des défis du présent et de l'avenir en matière d'atteinte d'une sécurité alimentaire.

C'est dire que les challenges de l'agriculture algérienne de demain résident dans sa réponse aux enjeux intérieurs mesurés par la satisfaction des besoins alimentaires et à ceux de l'extérieur en s'adaptant aux normes internationales et s'intégrant aux marchés mondiaux. Une telle option ne pourrait se concrétiser d'une manière soutenue et durable que si l'on intègre les éléments du progrès parmi lesquels les aspects liés à l'agriculture intelligente et les facettes de l'économie fondée de la connaissance seront pleinement appliqués.

Il en est de même pour le renforcement des capacités humaines des acteurs qui devrait favoriser le sens d'organisation et de modernisation du secteur de l'agriculture, un secteur prometteur et d'avenir.

En définitive, disons que la sécurité alimentaire fait partie intégrante de la sécurité et de la souveraineté nationale. Elle a besoin tant aujourd'hui que demain de l'implication accrue de la science et de la technologie. L'agriculture intelligente et l'économie de la connaissance prennent ici, toute leur signification dans une perspective et optique de modernisation de l'agriculture, branche vitale de l'économie nationale.

*Agronome Post-Universitaire

Référence :

1) SCHUH G.Edward. L'information : un bien de consommation (in dialogue n°60-1983). L'auteur est issu de l'Université du Minnesota. Il est auteur de nombreux ouvrages, notamment économiques et de l'économie politique.

2) FAO citée par APS, le 01/03/2020.

3) Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE/CAD).