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![]() ![]() ![]() Clinton et Trump s'étripent en Amérique: Le reste du monde vote avec ses pieds
par Abdelhak Benelhadj ![]() « On connaît,
dans les grandes cours, un autre moyen de se grandir : c'est de se courber. » Ch.
de Talleyrand-Périgord.
Ce ne sont pas les empereurs qui font les Empires mais leurs vassaux. Jamais cette expression n'a revêtu une vérité aussi crue que lors de ces élections américaines. Jamais la vassalité n'a été à ce point si universellement partagée. « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », écrivait Etienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire (1549). Certes, des élections aussi importantes dans la première puissance économique, financière et militaire de la planète, ne peuvent laisser indifférents. Les Etats-Unis sont des partenaires incontournables dans le monde. Toutes les décisions qui y sont prises impactent, à divers degrés, la vie des autres nations. On comprend que les médias et les politiques un peu partout dans le monde leur accordent une attention particulière. Cependant, le suivi des élections américaines, principalement en Europe et plus particulièrement en France, surprend à double titre : * On est surpris par l'intrusion envahissante de ce sujet dans les médias « chauds » européens, et en l'occurrence les médias français, qui multiplient les éditions spéciales, les débats, les documentaires en « prime time », la « une » des quotidiens et des magazines. Sur les plateaux de télévision se succède tout ce que la France compte d'experts labellisés et patentés, « américanologues », historiens, politologues, économistes, traders courtermistes? Et cela depuis des mois et des semaines. Depuis le début des Primaires démocrates et républicaines. Pas un jour, pas un journal qui ne rapporte les derniers potin d'une campagne insipide qui tourne autour de délires sociétaux : des mœurs sexuelles des candidats à la violence ou à la fragilité de leurs caractère ou de leur santé ou celle de leur proches. Chacun à en mémoire la braguette éventée de B. Clinton et du scandale qui a agité l'actualité pendant des mois. En Amérique et dans le reste du monde. * Tout se passe comme si on invitait les électeurs français à participer à un scrutin dont ils sont exclus en droit. Certains journalistes, et même des politiques (la candidate à la candidature aux Primaires de droite par exemple) n'hésitent pas à exprimer leur préférence pour tel ou tel candidat, sans apercevoir ce qu'il y a d'incongru et même d'inconvenant dans une telle expression publique. Mieux, la campagne française pour l'élection présidentielle de l'an prochain est recluse au second rang. En une sorte de scrutin qui n'a qu'une valeur « locale ». On aura beau en chercher traces au-delà des frontières de l'Hexagone. Hormis le marigot domestique, les élections françaises restent un non événement, de nature provinciale qui n'intéresse pas grand monde. Un peu comme la langue française qui de plus en plus fait figure de dialecte indigène au regard de l'américain, élevé en France même à la hauteur d'une langue universelle qui doit être maîtrisée par tous pour accéder à la connaissance, à l'emploi et au monde. Un peu comme si c'était de l'élection américaine que dépendaient réellement la prospérité et la sécurité des Français. Par exemple : Le système politico-médiatique tente de persuader les Français que leurs armées participent de manière concertée et décisive aux efforts de guerre de la « coalition ». Hélas ! Leur poids est bien dérisoire : tous les bombardements et actions militaires françaises pèsent moins que 5% de l'ensemble des opérations entreprises au Proche Orient? Elles pèseraient encore mois sans le renseignement, le soutien tactique et logistique américains. On se souvient que B. Obama avait tenu à remettre à leur place ceux qui clamaient trop fort avoir été les seuls architectes et acteurs de la chute de Kadhafi? C'est à Washington que sont définies les stratégies, que sont pointées les cibles et que sont distribués les rôles aux armées supplétives sous quelques drapeaux qu'elles paradent. L'Europe américaine « La trahison est une question de date. » Ch. de Talleyrand-Périgord Le gaullisme fait illusion alors que depuis G. Pompidou le gaullisme est régulièrement acclamé et unanimement revendiqué mais tout aussi régulièrement et fidèlement trahi. Jusqu'à la Constitution de la Vème République abîmée à coups de réformettes, dans un paysage politique français qui ressemble peu à peu à celui de la IVème. A observer l'histoire de l'Europe américaine, mise en place en 1944-45, pilotée militairement, politiquement, économiquement par l'OTAN, via Bruxelles, on retrouve le monde d'après-guerre, l'Europe de Roosevelt, des généraux Marshall, Eisenhower, Patton? et de la soldatesque yankee déferlant sur le continent, filant à grande vitesse vers l'est, pressée de limiter les gains territoriaux de l'Armée Rouge, quitte à négocier en coulisse avec l'Allemagne et certains de ses généraux et de ses politiques. Il n'y a que les Français pour croire et faire croire que c'était pour les libérer. Comment ne pas comprendre le vulgum pecus invité à s'américaniser quand il considère les « élites » européennes qui le sont déjà complètement et qui lui montrent le chemin. Ces élites votent toutes Clinton et organisent en sa faveur une bien étrange campagne relayée par les principaux network américains. Alignées qu'elles sont sur Wall Street, Hollywood ou la Silicon Valley (qui - contrairement aux mythes de la débrouillardise créatrice individuelle- vit aux crochets du DARPA et de nombreuses machines de guerre telle que la Rand Corp.). Tous sont terrorisés à l'idée de l'arrivée de Trump. On sourit et on fait mine de se demander pourquoi. Un ex-député européen centriste (égotique qui prétend avec N. Sarkozy qu'il soutien, adorer détester F. Bayrou, professeur à Sciences Po à ses heures), l'expliquait doctement aux auditeurs de France Culture (la crème cultivée des Français à l'écoute de la crème des radios hexagonales), ce dimanche 06 novembre à 11h, en une messe emphatique après messe. « Pourquoi sommes-nous inquiets ? On est inquiet parce que cette élection est absolument d'un enjeu massif et elle n'est pas isolée. On a des tas de phénomènes très différents qui se posent : la remise en cause de l'Union européenne, le Brexit. On a les évolutions aux Philippines qui sont très inquiétants. On a la naissance d'un parti de droite de plus en plus nationaliste en Allemagne. Et nous on a le Front National qui caracole dont plus personne ne semble contester qu'il soit au second tour de l'élection présidentielle. « Il est peu probable que Trump soit élu mais l'enjeu est tel que si ça se produisait c'est une catastrophe énorme. 90% des Européens ne veulent pas de Trump. Pour nous ce serait un traumatisme fondamental et ça remettrait en cause les valeurs essentielles sur lesquelles nous avons reconstruit l'après guerre. Ce qui est en cause, me disait un ami récemment, c'est l'humanisme. Une certaine idée du droit de l'homme, du pluralisme, du respect des femmes, du respect de la vérité, de la justice? [face à] cet individu, dépourvu de tout surmoi, cette pure force brute que Trump représente. Cet auguste français avoue être hanté par l'an 476 marqué par la déposition de Romulus Augustule, événement considéré par les historiens de salon, obnubilés par la guerre des civilisations, comme la date de la fin de l'Empire romain d'Occident. « Ce sentiment de fin du monde nous habite légitimement. Nous sommes en train de vivre partout dans le monde une remise en cause de ce à quoi nous avions cru et dont nous pensons, dont je pensais tout au long de ma vie qu'on ne reverrait jamais l'inverse. » Trump, le symbole d'une fin du monde ? Diantre ! Une frayeur par délégation, un réflexe de supplétif. Cette Europe atlantiste des pères fondateurs, l'Europe des Schumann et des Monnet est en œuvre depuis 19451. Elle a reçu un coup de fouet stimulateur à la fin de la « guerre froide ». Depuis, l'Europe de Maastricht est soumise aux marchés financiers dominés par Wall Street, la FED et le dollar. L'élargissement de l'Union aux ex-PECO - sans approfondissement qui ne convient ni à la Grande Bretagne ni aux Etats-Unis - est un tour de passe-passe au bénéfice de Washington et de Berlin qui ont manœuvré habilement pour le réaliser. L'Union Européenne est devenue très vite l'antichambre de l'OTAN, enceinte où se prennent toutes les vraies décisions. Ce qui permet à Washington de déterminer la vie d'une union à laquelle il n'appartient pas. Et l'Allemagne utilise ses industries à défaut de déployer ses armées et ses diplomates handicapés par une ascendance historiquement chargée. Celles-ci dominent le continent mieux et plus sûrement que n'avaient vainement tenté de le faire naguère les casques à pointe de Bismarck et de Guillaume II ou les panzerdivisionen de Herr Hitler. Le propre des pactes est de faire des cocus. Et dans l'Union maastrichtienne ils prolifèrent. Taisons par charité le nom des pays qui arriveraient en tête de palmarès. Mais l'hommage ainsi rendu à l'Amérique aurait été mérité si la politique américaine était profitable pour elle-même et pour ses vassaux. Une démocratie pour gogos « C'est par la grâce de Dieu que nous avons ces trois précieuse choses : la liberté de parole, la liberté de penser et la prudence de n'exercer ni l'une ni l'autre. » Mark Twain. Si l'on organisait un classement des pays où le vieux dicton « élections piège à cons » s'imposerait le plus, l'Amérique occuperait une place de choix. Il y aurait tant à dire, n'en déplaise à Tocqueville, sur la démocratie en Amérique. Les Etats-Unis n'étaient pas particulièrement républicains (qui parlerait de président de la République des Etats-Unis d'Amérique ?). On se demande jusqu'à quel point ils sont démocratiques.2 Que des républiques bananières (généralement créées et entretenues par l'Empire ou par telle ou telle maison mineure à son service) soient dirigées par des satrapes primitifs, ne saurait nous divertir et nous détourner de l'élémentaire : Tel est l'état de la « première puissance mondiale ». Le taux d'abstention s'accroît de scrutin en scrutin montrant à quel point les Américains ne croient plus dans la démocratie représentative qui alterne sans alternative démocrates et républicains. 80% d'Américains affirment n'accorder aucune importance à ces élections. Pour les pousser à aller voter on organise simultanément d'autres élections, celle du shérif local par exemple. Le jour même en Californie, on propose un référendum sur la consommation de la marijuana. Tout est bon pour attirer et divertir le chaland. Les mises en scène spectaculaires débordant d'émotion visent sans doute plus à mobiliser les électeurs pour valider un ordre politique qu'à crédibiliser un candidat particulier.3 Beaucoup de réprouvés se réfugient dans Eglises évangéliques où ils trouvent la chaleur et la solidarité qui a déserté un champ économique et politique terriblement darwinien. « De la démocratie en Amérique » Il faut beaucoup d'argent pour se lancer dans une campagne électorale et en espérer triompher. Seuls les candidats soutenus par les lobbys économiques et financiers puissants peuvent y prétendre. Il s'ensuit que soutenir une campagne est un investissement qui présume et implique un retour sur investissement. Les élus gouvernent au nom de l'Amérique mais oeuvrent, cela coule de source, au nom de ceux qui les ont financés. C'est pourquoi le président est élu non par un suffrage direct mais par des « Grands Electeurs » plus faciles à contrôler. La conséquence est que le président peut être minoritaire en voix, comme ce fut le cas de Bush en 2000, avec en supplément l'obscur dépouillement des bulletins de vote4. Le succès de certaines séries américaines n'est pas usurpé. Récemment, la série House of Cards a montré le cynisme de la gouvernance contemporaine dans la plus emblématique des « démocraties » contemporaines5. Ces séries montrent en fait en quel mépris les gouvernants tiennent les gouvernés, sans le moins du monde encourir la plus périlleuse remise en cause. La différence entre « Mr Smith au Sénat »6 et « House of Cards » est que Mr Smith gagne à la fin d'une fable rassurante, mais que dans House of Cards, la Maison Blanche reste occupée par un criminel cynique. Washington n'est pas le lieu du pouvoir, mais seulement le lieu où il est mis en scène. Qui connaît ou a entendu parler de Gary Johnson, de Jill Stein, de Darell Castle et d'Evan McMullin ? Il s'agit pourtant des autres honorables candidats complètement ignorés d'une démocratie de pacotille. Au reste, c'est le Congrès et surtout le Sénat (les 100 vrais acteurs de ce théâtre d'ombres) qui décide de la politique américaine et, en arrière plan, les puissances occultes qui les ont placés là pour garantir la défense de leurs intérêts. Toutes les velléités de réformes d'Obama ont été bloquées par ces instances qui échappent à une Maison Blanche fermement tenue. « En démocratie, dites ce que vous voulez et faites ce qu'on vous dit. » Gérard Barry. Obama, un bilan Les deux mandats du Nobel de la paix 2009 se résument en une suite de fiascos retentissants : Si on laisse de côté la fin du blocus de Cuba, le feu a été mis à peu près un peu partout dans le monde, en particulier au Proche Orient là où B. Obama affirmait hautement vouloir y mettre un terme de manière définitive. Le discours du Caire (04 juin 2009) a été complètement jeté aux oubliettes. N'est-ce pas après tout à l'Occident que cette région du monde doit l'essentiel de ses malheurs, des Croisades médiévales aux guéguerres bushiennes (père et fils) en passant par les intrigues de Balfour à Laurence d'Arabie. * Sous une estampille printanière, le désordre s'étend partout et menace des pays jusque-là relativement épargnés, en particulier une Turquie incertaine et imprudente, écartelée entre plusieurs objectifs antagonistes et soumise à une multitude de contraintes (Europe, OTAN, Israël, monarchies du Golfe?) entraînée dans la déstabilisation de la Syrie et happée par un conflit qui lui a été peu ou prou imposé. * Israël continue sa politique de colonisation et de judaïsation de la Palestine. Le lobby juif sioniste, traditionnellement républicain, bascule aux côtés de Clinton qui a toujours donné des gages à Israël (Par exemple, H. Clinton a voté en 2002 l'intervention de Bush en Irak), contrairement à Obama qui a été régulièrement humilié chez lui par Netanyahu7. Cela n'a pas empêché Washington de signer un protocole d'accord rendu public le 13 septembre dernier selon lequel les Etats-Unis vont verser 38 Mds de dollars sur dix ans à partir de 2019. Le procole actuel en vigueur jusqu'en 2018 prévoit une aide de 30 Mds (soit 3 Mds$ par an). Cette contribution militaire en faveur d'un pays étranger « constitue le plus important engagement d'assistance militaire bilatérale dans l'histoire des Etats-Unis ». (AFP le mardi 13/09/2016 à 23:10). Ce qui confirme le poids marginal de la Maison Blanche quand l'essentiel est en jeu et relativise le poids du président dans la décision à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale. * En Egypte, un coup d'Etat militaire a été promptement organisé et un chef d'Etat démocratiquement élu, pourtant accommodant, a été déposé et embastillé, ses soutiens par milliers sommairement exécutés. Pauvre Morsi qui louvoyait laborieusement entre les écueils, n'a pas compris qu'il n'était là que pour apaiser les foules après le départ - tout relatif- de Moubarak (le même rôle tenu par Ennahdha et Marzouki en Tunisie). Aucune pétromonarchie sous étroit contrôle US ne pouvait venir à son secours. Rien ne devait remettre en cause la hiérarchie des intérêts domestiques et les alliances iniques conclues avec les puissances extérieures. Depuis le début du siècle, aucune intervention militaire américaine n'a enfanté la paix. Ni en Afghanistan, ni en Irak, ni au Soudan, ni au Yemen, ni en Libye, ni en Ukraine, ni en Syrie? S'est-on souvenu que le Nobel de la paix ait été offert à Kissinger en 1973, sans doute pour le gratifier de la destitution d'un président légalement et démocratiquement élu, qu'il organisa le 11 septembre 1973? au Chili ? Bush et Obama ne divergent pas sur les objectifs (pas plus de différences entre N. Sarkozy et son successeur « socialiste ») mais dans le style et la com. Et, reconnaissons-le, bien que cela ne présente aucun intérêt stratégique, il y a une nette et évidente différence de QI? Le plus grand naufrage de B. Obama est sûrement celui d'avoir trahi ceux des électeurs indigents, les gueux qui ont cru en ses promesses et qui l'ont élus. Et nous savons que dans le Nouveau Monde, la misère et l'iniquité se déclinent selon un dégradé d'odeurs et de couleurs, pour reprendre les mots malheureux de J. Chirac. Eux aussi forment la cohorte des déçus. Si cela pouvait les consoler, qu'ils sachent que sur ce point le cocu est une entité universelle. Avec leurs homologues français ils pourraient appeler à l'« Internationale des cocus » : « Cocus de tout pays unissez-vous ! ». Le pire est que l'économie américaine est présentée sous ses meilleurs atours. Si on laisse de côté les tours de passe-passe statistiques fournies par les ministères américains et leurs relais à l'OCDE, à la Banque Mondiale et au FMI, mis en lumière dans les médias « chauds », la réalité de l'économie US n'a rien d'une mirobolante épopée. On peut la résumer en quelques données simples. La situation de l'emploi est plus que préoccupante. La chute des taux de chômage est mise au crédit d'une politique économique portée par la croissance. La réalité est bien différente Le chômage est masqué par des statistiques tronquées, par les mêmes procédés, comme dans de nombreux pays (Grande Bretagne, Irlande, France, Espagne?) Pendant que « chômage statistique » baisse, la misère s'étend et la communication biaise, en jouant par exemple sur les différentes catégories de sous-emploi. Une véritable entourloupe de prestidigitateur : En 2014, le New York Times observe que les secteurs proposant des hauts salaires avaient perdu 3,6 millions d'emplois pendant la crise pour en recréer 2,6 millions à l'heure de la reprise. A l'inverse, les industries et services employant de la main-d'oeuvre bon marché ont perdu 2 millions d'emplois, pour en recréer près de 3,8 millions. Au total, les salaires horaires réels ont augmenté, mais de manière très marginale puisqu'ils n'ont pris que 7% en autant d'années, rapporte le Guardian. Le revenu médian d'un ménage a baissé : 55 775 dollars en 2015 selon les données gouvernementales, bien en deçà des 57 724 dollars de 2001, année de départ de Bill Clinton de la Maison Blanche. La part des revenus fournie par le travail s'est réduite de 5% depuis 15 ans dans le pays et que la taille de la classe moyenne n'a jamais été aussi faible en 30 ans. Un Américain sur sept, soit 46,7 millions des membres de cette étrange nation vivent dans la pauvreté. Pourtant 40% d'entre eux travaillent. (AFP le J. 23/06/2016, 14:14) C'est un peu comme entre les deux mandats Reagan. Lors du premier, une forte augmentation des taux d'intérêts, du dollar et du taux de chômage. L'inverse à partir de la réunion du Plazza en novembre 1985. Mais les emplois ne sont plus les mêmes : moindre revenu, moindre protection dans le passage des emplois industriels perdus aux emplois tertiaires retrouvés. Il ne fut pas se laisser impressionner par le montant brut des salaires. La santé, l'éducation, les retraites, la famille des Américains - à l'exception des élites marginales - ne sont pas pris en charge. Ils sont tenus de se protéger individuellement. Y compris par les armes : 250 000 armes sont en circulation dans cette société d'une violence extrême. Santé inégale Il ne faut pas non plus considérer les 30 à 50 millions d'Américains qui n'ont aucune couverture sociale, malgré le Medicare (conforté par Obama : « Obamacare », soit le Patient Protection and Affordable Care Act), une santé pour indigents que H. Clinton hésite à défendre et à développer dans sa campagne électorale. Les clichés ont la vie dure. La plupart des citoyens de ce pays ont du mal à se soigner convenablement sans un système de prise en charge public similaire à ceux que connaissent les Européens (malgré une privatisation rampante de la sécurité sociale). Les yeux, les dents, les maladies lourdes? ne sont que très faiblement couverts. Le plus intéressant est que non seulement le système de santé ne couvre pas la totalité des citoyens, mais en outre il est peu économique et coûte fort cher à ceux qui en bénéficie. Qu'on en juge : Rapporté aux PIB, les coûts de la santé sont plus élevés aux Etats-Unis (17.1%, en 2010-2014, 9146 $/hab.) qu'en Europe : 9.6% en Norvège (9715 $/hab.), 11.3% en Allemagne (5000 $/hab.) 11.7% en France (4864 $/hab.) Les Dépenses privées de santé remboursables (en%) confirment le coût de la santé pour les citoyens : Etats-Unis (22.3), Norvège (95.9), Suisse (76.1), Allemagne (55.6), France (32.9). Enfin, l'espérance de vie à la naissance (en année) synthétise une situation qui n'est pas à l'avantage de la première puissance économique de la planète : Suisse (83), France (82), Allemagne (81), Norvège (81), Etats-Unis (79 ans). Tous ceux qui ont suivi la série « Urgence » au cours des années 1990 en constatent l'évidence. Et l'on sait que les inégalités de l'avenir porteront précisément sur la durée et la qualité de la vie au voisinage de son terme. Creusement des inégalités Entre 2013 et 2014, les revenus des 1% les plus riches ont cru de 11%, tandis qu'ils ont augmenté au rythme de 3,3% sur la même période pour les 99% les moins riches, selon les calculs de l'économiste de Berkeley, Emmanuel Saez. L'Amérique est classée autour du 40ème rang en compagnie de pays pauvres d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Un curieux pays du Tiers-monde où la classe moyenne maigrit : une toute petite part bascule dans la classe de fortunés augmentant le nombre de millionnaires et de milliardaires tandis que la plus grosse part s'affaisse déclassée et grossit la masse de ceux qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts d'une vie misérable. L'économie US est dominée par un informel constitutif que revendiquent doctrinalement les maîtres de céans. L'ubérisation, stade suprême de l'externalisation du travail qui devient une consommation intermédiaire comme une autre à la disposition des donneurs d'ordres. Ainsi « libérés », les « travailleurs indépendants » sont offerts sur un marché (du travail) qui mérite son nom. Externalisation, délocalisation, désindustrialisation, brevetage maîtrisé juridiquement à l'échelle mondiale (observons les « innovations » proposées par les Traités TAFTA et CETA), le monde est alors livré au GAFA (partie émergente d'un iceberg entrepreneurial transnational) affairé à y faire prospérer ses rentes sous la protection des armadas du Pentagone. Cela nous donne une économie d'endettement et de déficit qui patauge dans la déflation. La FED croit sauver les équilibres « naturelle » qui n'ont nul besoin de régulation et de régulateurs en maintenant les taux au jour le jour au niveau zéro, tout en inondant le marché de dizaines de masses liquides intarissables à coups de QE. Mais pas de vrais emplois ni de vrais investissements. On comprend qu'elle ait longtemps hésité à augmenter sont taux de 25 points de base, de peur de priver l'économie du peu d'oxygène qu'elle a et de faire exploser les bulles financières considérables que cette politique monétaire a généré. C'est fou combien les hommes semblent renoncer à ouvrir les yeux sur l'évidence pointée sur le bout de leur nez. Naturellement, cela n'a rien à voir avec le manque de courage, de lucidité ou de connaissance des choses élémentaires, et tout à voir avec la cupide folie de la défense des puissants accrochés à leurs intérêts. Après un « Noir », une femme - si Clinton est élue (et rien ne semble démentir ce pronostic). Les médias vont se déchaîner en attendant de déchanter. Les Européens ne participent pas avec leurs « alliés » américains à une civilisation occidentale qui rayonne sur le monde, à un concert de nations libres, à l'écriture d'un avenir rayonnant commun à tous les peuples de la planète. Un pays représentant moins de 5% de la population mondiale organise un show où il invite 95% de l'humanité à le reconnaître comme guide, comme Nouveau Moïse, vers une Nouvelle Jérusalem. La preuve, dans les films hollywoodiens (catastrophistes comme il se doit), tous les petits bonhommes verts qui débarquent sur Terre le font aux Etats-Unis, parlant globish et c'est le président US qui est appelé à négocier au nom de toute l'humanité avec les monstres venus des profondeurs de l'espace sidéral. Dans ces images et dans la « réalité » que l'on suit projetée à la télévision depuis des mois, les Européens sont dans les gradins en compagnie de tous les autres peuples que compte la planète, en spectateurs d'une élection qui ne concerne que les Dieux de l'Olympe. Durs seront les réveils pour tous les apprentis sorciers et les cohortes de somnambules qui se reconnaissent dans les scénarii qu'on a prévu pour eux. « Si vous avez compris ce que je vous avais dit, c'est que je ne me suis pas bien exprimé. » Alan Greenspan. Notes 1 Lire : « La faute de Jean Monnet » de Jean-Pierre Chevènement, Fayard, 2006, 148 p. Jean Monnet écrivait d'Alger, en mai 1943, à Henri Hopkins, conseiller du Président Roosevelt qui n 'aimait pas De Gaulle attaché à la souveraineté de son pays : « Il faut le détruire », en parlant du général. 2 Lire : « République ou démocratie » de Régis Debray, 1992, in « Contretemps, éloge des idéaux perdus » Gallimard, Folio Actuel, 1992, pp. 15-54. 3 Lire : « La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie » de N. Chomsky et E. Herman. Trad. Agone, Contre-Feux, 2009, 662 p. Une mise au point informée de grande qualité, propre à réveiller les benêts et à remettre à leur place les intellectuels de salon qui pullulent. Je ne recommande pas ce texte aux experts cyniques et « pragmatiques » qui croient avoir tout compris. 4 Voir : « Recount », téléfilm réalisé par Jay Roach en 2008 avec Kevin Spacey . 5 Remake de son homonyme britannique créée par Andrew Davies et diffusée en 1990 sur la BBC. Avec Ian Richardson dans le rôle principal d'une intrigue sordide dans l'univers décomposé du règne de M. Thatcher. Voir : « Mais qui a tué Maggie ? » Excellent documentaire de W. Karel (2008) 90 mn. 6 « Mr Smith goes to Washington », Frank Capra, 1939. 7 Lire. A. Benelhadj, « Hyperpuissance israélienne. B. Netanyahu à Washington, à Paris? comme chez lui ». Le Quotidien d'Oran, 19 mars 2015. Un fait jamais démenti: Israël, au Conseil de Sécurité, où il ne compte pas parmi les membres permanents, dispose de trois droits de veto. |
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