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![]() ![]() ![]() ![]() Un visage angélique d'une blancheur transparente émerge lentement d'un
embrun bleu, Ismail Samsom éclaire délicatement le chemin de la tendresse,
éclaboussé par un marron écaillé et balayé par un vent tiède et farouche. Sur
une antinomie de couleurs, de figures géométriques et d'étages incontrôlés,
plane une colombe blanche comme pour apaiser l'angoisse d'une cité sans
veilleur. Les terrasses deviennent les miroirs d'une sensibilité qui craint le
sens équivoque des mots et ne se confie qu'à l'entrelacement consenti et serein
des couleurs. C'est par la même voie que Samsom accède à ses chimères et aux
utopies dont il se sent dépositaire. Il déterre ses rêves des sables de la
solitude pour une restitution éblouissante dans des jardins de couleurs tendres
et de traits épurés. Il arrive à saisir le froissement d'une feuille et le
bruissement de sa synthèse avec la lumière naissante du jour. Les émotions les
plus douloureuses trouvent toujours une issue dans une luminosité qui ne fait
pas obstacle à la mémoire mais la déleste de son poids pour la rendre plus
flottante, plus aérienne. Le regard de Samsom dépasse toujours le réel mais
l'homme sait rester à la hauteur de son monde, car pour vibrer comme tous les
êtres il a besoin de sa fragilité et de ses faiblesses. Mon premier contact
avec l'œuvre de Samsom a été très brutal. Mon regard a été happé par un flot
irréductible de couleurs se bousculant sans cesse dans un couloir de lumière
d'où jaillit et rejaillit le bonheur. Les couleurs se rencontrent et divorcent
dans une valse-explosion de formes bigarrées imprimant à chaque composition un
mouvement sans fin. Mais Samsom sait aussi être d'une tendresse indicible. La
lumière diaphane, dont il a le secret, laisse souvent filtrer une atmosphère
feutrée et attachante. La Casbah est, pour lui, l'intimité dans la rue, les
maisons arborent une haie de circonstance, qui rappelle au regard le moins
perspicace qu'elles n'ont rien perdu de leur superbe devant l'agression du
temps et de l'homme.
Les contours, pourtant incertains et fragiles, semblent affirmer, à un rythme inégal, que la nature est toujours plus forte que l'homme. La mémoire, chez lui, a beaucoup de style et sans prétexte esthétique, il la raconte en couleurs comme on raconte une fable qui a illuminé son enfance. Le mythe de la cohérence n'effleure même pas ses compositions hardies, qui sont des lieux d'entente plus que de rencontre. Avec sobriété, il rend compte d'une ambiance plus que d'une réalité, mais sa simplicité dans l'approche n'exclut ni la finesse ni l'harmonie entre les perspectives et les couleurs. Un œil de beauté, sur un cou élancé, nimbé par des cheveux en vagues, traverse, avec élégance, un champ d'enthousiasme discret, noyé dans un vert qui s'estompe et vacille. Des luminosités, distraites de leur incandescence, sont, curieusement dominées par une forêt brune d'où monte une palette de bulles, humées, consciencieusement, par le seul être vivant admis dans cet étrange univers. Des ruelles imprécises semblent chargées d'une épopée indéfinissable que s'efforce de recomposer, dans sa rêverie, un être sans âge assis sur une marche du temps. Des formes ondoyantes et fragmentées émergeant d'un espace sans structure et pourtant d'une grande intimité, défient avec insistance la sensibilité. Des corps inattendus s'animent et entrent dans une danse avec une nature à la fois présente et inaccessible. Samsom accomplit, à chaque fois avec bonheur, la reconstitution rugueuse et bourrue d'une réalité à la beauté inquiétante mais aussi sensuelle et généreuse. Son rapport à la nature, à la vie, se surpasse en fidélité, au point de générer aujourd'hui ce que le regard timoré n'attendait que demain. Qui peut se prévaloir comme Samsom de la complicité des muses pour prétendre dessiner son propre destin ? |
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