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La Coupe du monde, la paix et le rêve arabe !

par M. Boukherissa Kheiredine*

Le rêve est la vraie victoire sur le temps. Jean-Claude Carrière

Laissez-moi méditer un instant sur cette providence qui vient de tomber du ciel et qui a fait qu'un pays de la taille d'une île perdue à la limite de l'océan puisse décrocher le rêve de centaines d'autres en attente du même espoir. En affrontant des pays aussi qualifiés que bien lotis sur tous les plans, comme les Etats-Unis, l'Angleterre, le Japon et la Corée, on est surpris et ravi d'accueillir cette victoire. Bien que je sois mitigé sur ce résultat, j'entérine tout en explorant au profit du rêve arabe cette caverne d'Ali Baba. Le poids de Madjer et Zidane réunis aurait influé sur le choix du pays ? Soutenu par le travail paraît-il remarquable de l'épouse de l'Emir à avoir managé d'une main de maîtresse la compagne. La sheikha Mozah fidèle aux principes régulateurs de la gestion du royaume, persiste et signe.

Ajoutant au peloton l'imam des imams, Youcef El Qaradhaoui. Il serait satisfait de la réussite de ce pays à avoir décroché enfin et au nom semble-t-il de toute la nation musulmane, une victoire contre les Etats-Unis. Est-ce possible que nous soyons sur ce plan imbattable.

La question palestinienne devrait être jouée sur un terrain climatisé au Qatar et en finir avec les tractations multilatérales et internationales pour réduire les crimes et les spoliations. Notre salut est là entre les pieds de ceux qui vont nous amuser au plaisir de la balle ronde. Il y a de quoi réviser ses principes de base régissant nos mœurs et nos croyances.

Faudrait-il vraiment croire que le politique ou le religieux puissent prendre le dessus sur le pouvoir de l'argent et des médias à consacrer ce jeu maléfique ?

Que d'interrogations qui me tarabustent et m'étranglent pour m'entraîner dans une profonde méditation. Laissez-moi donc rêver un moment et croire à ce miracle des temps modernes.

Mes rêveries solitaires !

Les Européens ont donc fait œuvre utile d'octroyer au plus minuscule pays arabe, le privilège d'accueillir la Coupe du monde 2022. D'ici là, si Dieu nous prête vie, nous serions tous frères de l'Orient à l'Occident et du pôle Nord au pôle Sud. Même les ours polaires signeront des traités d'amitié avec les Inuits. Et la Palestine libérée sur les frontières de 1967.

L'Irak redeviendra un pays libre et prospère, même le Sahara occidental découvrira le goût de l'indépendance. Il n'y aura plus de Guantanamo et encore moins de violence contre les musulmans dans les pays chrétiens. Les militaires diligentés par l'OTAN renteront chez eux avec des souvenirs inoubliables offerts par les familles autochtones. Ils garderont le contact pour s'échanger des cartes et des visites mutuelles durant les vacances scolaires d'été et d'hiver.

Wikileaks ne diffusera que de bonnes nouvelles. Son initiateur se repentira de ses errements et les dirigeants du monde n'en seront que plus courtois et gentils. Leurs propos à l'égard de petits chefs d'Etat en voie de développement n'en seront que pleins d'affabilité et de tendresse. Du miel? Et, l'amour du prochain régnera en maître incontesté. Le dialogue des cultures et des civilisations élira son forum au moudjahid. Il n'y aura plus de divergences, ni de différences et encore moins de controverses.

D'ici là Israël s'assagira et embrassera le droit chemin. Les colonies se rétracteront et laisseront place à leurs amis palestiniens de construire des demeures pour se loger et vivre en paix.

L'armée désarmera ses militaires pour qu'ils aillent jouer au football. Le match Israël -Palestine sera transmis par El-Djazira gratuitement et pour une diffusion mondiale. Le piratage sera banni.

Nous assisterons pour la première fois dans l'histoire à une véritable réconciliation mondiale. Quelle prouesse !

Le mécontentement d'Obama s'estompera et ne laissera qu'un vieux souvenir. Sans façon, il ne gardera que de bonnes images de son périple dans le monde arabe. Il oubliera par contre cette mésaventure de la coupe, car il ne s'agit que d'un jeu. Il ne sera plus président. Et sous sa conduite, prophétique, les noirs se convertiront tous en bienfaiteurs de l'humanité. Ils verseront dans la solidarité et les œuvres de charité pour venir en aide aux blancs, aux jaunes, aux métis et aux nécessiteux à travers la planète. Du moins ce qu'il en restera après la coupe. D'ici là, Ould Abbas exterminera la pauvreté et instaura le royaume des nécessiteux. Il scannera la terre pour la guérir de son cancer.

 La fin du pétrole annoncée par les experts ne sera qu'un leurre. Le football est là pour engranger une nouvelle dynamique économique basée sur la vente et l'achat de joueurs. Elle ne consacrera nullement la nostalgie de la traite, mais elle traitera comme même avec modération les pourcentages des intermédiaires. Ce sera un autre concept que la notion de Schipa ou corruption. Juste une commission pour services rendus.

Il n'y aura plus de mercenaires en Irak et ailleurs. Ils seront tous employés dans la sécurité des stades et des hôtels pour servir de protocole. La violence sera ainsi bannie des espaces urbains, clos et ouverts. Et tous les arabes présents aux joutes festives footballistiques seront en gandoura sportive. Un pantalon Nike doublé d'une veste aussi large que langue très proche de la djellaba avec de la broderie dorée autour du colle et le long des bras.

Il n'y aura plus de malade du sida dans le monde et particulièrement arabo-musulman. Les bénéfices qu'engrangera le Qatar des rencontres de la Coupe du monde seront investis dans la production des médicaments antirétroviraux.

D'ici là, les séropositives prendront leur mal en patience. La pauvreté, l'exploitation des hommes par les femmes ne sera qu'un vieux mirage. Il n'y aura ni rois, ni émirs, ni ayatollah. Les hommes seront égaux entre eux pour le bien et sans qu'il y ait de pire. Il n'y a rien à redire sur ce plan. Quel beau sentiment d'amitié et de fraternité. Le monde change et même les sempiternelles querelles entre politiques et sportifs cesseront d'exister. La mésentente couvant les intérêts des uns et des autres n'en sera qu'illusoire. Il n'y aura plus répugnance ni de rapport de force. La tutelle des uns et des autres se dissoudra dans la construction de la paix.

 Tiens une bonne nouvelle, le Conseil de sécurité, ce gendarme diligente un moment par le gentil Président Bush que Dieu le pardonne, décide de retirer les sanctions restrictives relative à l'ère Saddam qu'il repose en paix, appliquées en 1995 sur ce qu'il semblait être nécessaire le programme « pétrole contre nourriture » pour l'Irak. Voici un aveu de taille quand on décide de se repentir de ses actes malsains. Les Américains reviennent à leur raison grâce à ce fameux coup de gueule de la FIFA.

Après tant d'années de souffrances du peuple irakien et destructions massives des héritages et des hommes, ils peuvent se réjouir de voir le soleil enfin se lever. Ils devraient dès lors apprendre tous à jouer au foot?ball !

Au pays d'Alice

Qatar ! Ce dépotoir de toutes les perversions occidentales n'en sera que stérilisé. Les belles demeures qui cachaient l'opulence, le luxe, la luxure et le savoureux bien-être seront offertes gracieusement aux pauvres. Ces esclaves non déclarées des princes et des émirs arrogants qui un temps avaient permis de fausses lectures historiques. Même Malek Chebal s'y est mis à la besogne pour dénoncer le fait. Contrairement à l'idée trompeusement propagée par des occidentaux, selon laquelle l'islam est fondé sur l'esclavagisme, les relents d'un tel système seraient un héritage à offrir aux musées de la traite. Encore une œuvre utile que seul ce pays est en mesure de réaliser.

 Même les bars qui d'habitude étanchaient la soif des visiteurs et supporters occidentaux ne livreront que du Coca et de la Pepsi.

 Il y aura sûrement du Hamoud Boualam sur les étalages des grandes surfaces qataris. Les maisons closes interdites et les zones sombres seront éclairées. Les locataires prendront leur congé éternel ou se convertiront dans l'artisanat traditionnel. La transparence, la clarté et l'illumination du ciel durant la nuit sera l'événement exceptionnel qu'il gravera son exploit dans l'histoire de l'humanité. Fini le temps du double langage de l'Emir. Il se repentira de ses actes et ira faire une prière à la grande mosquée d'Alger pour avoir renversé son père, tout en perpétuant son régime. Il versera des larmes sur la tombe de Saddam pour arroser la terre et s'excusera d'avoir enflammé l'Irak par une crainte enfantine de l'ogre occidental. Sa relation étroite avec Israël ne souffrira d'aucune ambiguïté. D'ici là, nous serons tous des amis communs pour les mêmes causes. Et nous dévoilerons au même titre que le Qatar nos relations obscures avec nos vieux ennemis. Il se ralliera au combat de sa femme sur la liberté de la presse et la démocratie en pleine monarchie. Deux facettes occuperont le champ politique du Qatar. Une pépinière de partis politiques et de syndicats, jusqu'à l'heure interdits, sera plantée dans une partie du désert. Des tendances fleuriront pour le salut du monde arabe. Et le prince ne s'offusquera plus de sa passion et son amour pour les Etats-Unis et Israël.

 D'ailleurs, il serait injuste de ne pas citer ces propos à ce sujet : « On ne peut pas blâmer les israéliens de ne pas faire confiance aux arabes, ils ont été tant trahis? ». C'est la faute à Voltaire, la faute à Palestine d'avoir persisté dans son agression de la sorte contre les pauvres sionistes. Quel dommage de n'avoir pas écouté ce prince. Il pouvait à travers sa tribune nous épargner autant de dégâts. Comme nous avons été bêeeeeetes !!!

 Quelle malchance d'avoir aussi laissé passer la chance d'épargner des vies entières emportées par l'ignorance et la petitesse de nos analyses et nos différends. Pauvres arabes, les dindons de la farce?

 Vacillant entre le pragmatisme et l'opportunisme, ce petit pays aux merveilles occidentales, où Alice en quête de son prince charmant, a su ménager le chou et la chèvre. Il se dresse comme réconciliateur pour protéger ses acquis, avant et arrière. Derrière ce miroir, Dieu en a-t-il fait un gigantesque puits de pétrole juste pour appâter la galerie et consacrer le jeu ? Alors que sur ce chapitre l'islam est intransigeant.

Un choix judicieux !!!

Les bonnes mœurs qui ont précédé la sélection des pays accueillant la Coupe du monde 2018 et 2022, ont subi une regrettable déformation du prisme médiatique. La presse n'est sûrement pas déchargée des erreurs humaines. Il lui arrive de se tromper de version. Qui peut croire que dans un espace aussi propre et aussi probant que la FIFA, pourvoyeuse des idéaux universels d'éducation des nations par le Football, et en particulier ses alliés africains au passé exemplaire, usent de pratiques aussi indécentes qu'impropres comme la vente de voix ou des dessous-de-table pour favoritisme. Ceci est encore moins acceptable quand il s'agit d'un pays musulman à recourir à ce type de moyens pour se faire élire. L'islam prohibe ce genre de pratiques blasphématoires. Aissa Hayatou peut être tranquille ses successeurs n'en seront qu'honorés de le remplacer. Le choix du Qatar pour répondre aux détracteurs et jaloux était plus que judicieux. D'abord pour la richesse et l'opulence de ce pays. D'habitude on offre ce type de prestations pour enrichir un tant soit peu l'économie locale. Pour le Qatar, c'est le processus inverse qui se produira. Il n'a pas besoin d'être enrichi, il a pour percepts de semer cette richesse en guise de solidarité là où on en a le plus besoin. Ensuite ce n'est pas pour une poignée d'habitants que porte cette contrée, qui ne risqueraient nullement d'encombrer l'espace offert pour la circonstance aux visiteurs, pouvant en disposer à outrance sans aucune contrainte qu'ils verseraient dans ces inepties. C'est un peuple docile qui produit plus qu'il ne consomme, grâce à Dieu. Le football dans ce pays est à son balbutiement et les infrastructures existantes construites pour porter ce jeu à son firmament méritent d'être exploitées. D'ailleurs, ils font dans l'ingéniosité extrême. Construire des stades complètement clos et climatisés, cela mérite un prix Nobel de l'architecture. Ce pays a tout d'un grand. The little big town. Il faut quand même se rendre à l'évidence que si la FIFA percevait le Qatar comme une porte ouverte vers le monde arabe et musulman, c'est qu'elle n'avait pas tort. Très attentive et bien intentionnée, elle ne fait que fructifier ses acquis. Ceci est légitime, faut le reconnaître. Une aussi terrible caisse pleine de pécule débordant sur tous ses côtés, endormie, sur un territoire aussi vaste que riche où le Football est devenu une drogue douce. Bien que tolérable pour ses effets adoucissants sur la santé des peuples, il était naturellement « N.O.R.M.A.L» qu'elle nous rende service et dynamise nos économies. Elle nous achètera bientôt des ballons, des pull-overs, des espadrilles, des survêtements et bien d'autres accessoires pour accueillir ce grand événement, made in Nike, Puma, Adidas, Aréna et consorts. Car, c'est les meilleurs pour le meilleur. Les arabes auront bientôt leur propre marque. Du Qatarina?lina (à nous) !!!

Au plan géotechnique

Le Qatar a-t-il été suffisamment persuasif pour réussir son coup d'un coup d'éventail. Terre de repos et de retraite, les vétérans du football, Zinedine Zidane, Josip Pep Guardiola, Gabriel Omar Batistuta, Ronald De Boer, Rabah Madjer, ces rois sans trônes, pesaient-ils d'un poids conséquent ? L'ingéniosité architecturale qui plaidait pour des réalisations innovantes, des stades climatisés, une véritable trouvaille du genre pour contrer la chaleur de l'été et faire barrage aux critiques contrevenantes. Ajoutant à cela la pression atmosphérique et culturelle pleine d'hospitalité et d'extravagance bédouine pour ne pas se laisser séduire par ces lieux exotiques. Blatter, Hayatou, Grondona, Platini pour ne citer que ceux-là, ont dû baver et haleter au regard de ce paradis perdu dans le désert d'Arabie. L'idée d'explorer de nouveaux espaces et temporalités me rappelle les débuts de la colonisation. Pour asseoir son hégémonie, elle est allée disséquer les contrées, territoires après territoires pour étudier les mœurs et le savoir des autochtones pour finalement s'enrichir de ce qui était inexploité. Au large donc disaient-ils la colère d'Obama. Ce ne sera que passager pensaient ces explorateurs d'un nouveau temps. Une réaction tout à fait légitime sur le coup. La priorité est aux découvertes. Les séquelles de la politique de Bush devaient être estompées par un geste probant d'une instance mondiale qui était censée livrer d'habitude la joie et le plaisir planétaire dans son fief.      Le désarroi américain est certes mesurable. Deux échecs successifs, les Jeux olympiques et la Coupe du monde, s'en était trop pour raccommoder les trous de l'incurie. La déception du sage Obama, le téméraire, l'homme de la paix, serait-elle enfouie dans le moment ?

 Stratégiquement non, elle constitue une offense qu'il faudrait faire avec aux prochaines épisodes sur la Coupe du monde et ses conséquences directes. Elle fait ainsi son transfert de champ conceptuel. Outre les questions économiques et politiques, elle intègre dorénavant le cultuel. Champ de prédilection de l'hégémonie américo-occidentale. Fille unique du colonial. Et pour preuve la sortie médiatique de l'imam des imams est révélatrice du nouveau combat inutile pour l'islam. Les croisades sont terminées !!!

Pour conclure

Au delà de toutes considérations et rêves inaccessibles, la FIFA a fait montre d'un courage exceptionnel. Elle a surpris plus d'un, le monde entier, en octroyant le déroulement de cette coupe à un minuscule pays aux ambitions d'un grand. Il a tout d'un grand pensaient-ils ! Ce qui est encore plus surprenant, c'est ce commentaire fort intéressant et déroutant à la fois à mettre dans les annales de l'érudition d'un journaliste sportif connu pour ses escapades putatives. Hafid Derradji, c'est de lui qu'il s'agit, pense être plutôt déçu qu'heureux. Il pleure le sort des pays arabes qui n'ont pas eu la chance d'accueillir un tel événement. Il oublie que tout ce qui brille n'est pas or et qu'un nain, riche de surcroît, même au sommet d'une montagne restera un nain. Et au regard de ce qui se passe dans le monde, la misère des musulmans devant la richesse de leurs commandeurs est un blasphème devant Dieu et son prophète.

 Si la Coupe du monde compose avec un certain rythme de la vie d'ici-bas, éphémère et poussière, elle n'apportera absolument rien au destin de l'islam et aux musulmans. Pour sa gouverne, saura-t-elle mettre fin aux massacres commis durant des siècles, aux barbaries occidentales qui s'étalent de l'Orient en Occident. Bravera-t-elle l'autorité israélienne qui tue, spolie, extrade, emprisonne à sa guise et sur arbitrage modéré du Qatar politiquement correct. Ce pays dont le prince accueille Ben Laden dans ses ondes et s'allie avec Israël et fait des bous-bous aux Américaines. Un prince arabe et musulman en apparence, accepte la dénudation à l'occidentale de sa femme pour la décomplexer face à Cecilia Sarko assises sur les hauteurs des Champs-Elysées. Quelle belle prestation de courage et d'universalisme !!! Cependant, on est en droit de mesurer les conséquences d'un tel sacre. Honore-t-il le monde arabe dans sa déchéance ? Sera-t-il la flamme du salut qui ouvrira des interstices d'espoir pour une meilleure condition humaine dans le monde? J'en doute, il sera désossé jusqu'au dernier millimètre et c'est toujours nous les « barbaresques » qui en pâtiront.