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Honorons-la

par Ali BRAHIMI

Un laboureur, sentant sa mort proche, confie à ses enfants : «Travailler, semer toute la terre et éviter, autant que possible, de montrer ce qu'elle pourrait vous rapporter».

Car, ajoutait-t-il : «la terre affectionne les gens qui vénèrent la discrétion et respectent les lois de la nature. Soyez toujours propres et non vaniteux devant elle car elle déteste les prétentieux et ceux qui la souillent». C'était hier (1).

 Aujourd'hui, l'ostentatoire et l'arrogance l'emportent sur la modération et la tempérance ; le productivisme effréné aux dépens des réserves organiques du sol ; l'exploitation minière, c'est-à-dire sans tenir compte d'aucune limite, alors qu'il y'a urgence de renforcer leur potentiel agropedocologique au profit des futures générations, etc.

 En effet, aux temps actuels, les terroirs, au niveau mondial, ont atteint un seuil inquiétant voire un point de non-retour en termes de déséquilibre des composants organiques des sols à la merci de l'appauvrissement et son corollaire la désertification. Ajouter à cela l'accroissement démographique, jamais égalée dans l'Histoire de la terre, conjuguée à l'accaparement excessif des terres agricoles, pastorales et forestières.

 Au plan national, nos campagnes ne cessent de se dépeupler : moins de 30% de ruraux et la tendance n'est pas reluisante. Ainsi, d'autres configurations territoriales, sont en train de se mettre insidieusement en place, le plus souvent imposées par les exigences liées aux possibilités financières actuellement a profusion et, donc, elles incitent, au niveau des concepteurs de projets, des idées du genre mégalomanie exprimée en mégaprojets le plus souvent inachevés sinon «hachurés», à mis parcours, notamment dans les domaines de la mise en valeur des terres générant des impacts environnementaux aux effets pervers incommensurables.

 Car semer à la «main», à tout vent, l'argent issu de la rente rentrant à flots dans les caisses de l'Etat, à l'image de quelqu'un qui ne s'attendait pas à une telle «aubaine», engendrerait à coup sur les mauvaises herbes, d'autant que dans le semis à la volée il y'a toujours les grains de la Corruption !

 A terme, ce train de vie pourrait donc aboutir, A Dieu ne plaise, aux catastrophes sur tous les plans. Donc, l'essentiel est d'arriver de contenir, à moyen terme, les tenants et aboutissants des contours de l'espace rural ainsi que ceux liés à notre intégrité territoriale en terme sécuritaire.

 La réflexion : «Honorons-la» ci-dessus en titre participerait, un tant soit peu, espérons-le, à enrichir les débats à l'image de nos précédents articles liés à l'actualité de la maîtrise de notre sécurité alimentaire et celle territoriale de plus en plus lancinante ces derniers temps

L'ESPACE RURAL FACE AUX DEFIS DE LA SECURITE ALIMENTAIRE

D'abord, retenons-nous d' avancer que nos actuelles approches et possibilités de maîtrise de nos espaces ruraux sont les meilleures car tout simplement elles n'en existent pas de parfaites. En revanche, les techniques agricoles, liées au développement des produits alimentaires de base, pourraient constituer des éléments d'appréciations de ces approches et maîtrise du développement agricole et rural. Dans ce cadre, le ministère concerné est en train d'asseoir effectivement les voies et moyens en vue d'atteindre l'objectif de la sécurité alimentaire. Ce qui n'est pas, certes, une sinécure. En revanche, ce qui demeure aléatoire voire embêtant à plus d'un titre, c'est le désir de satisfaire, y compris par des statistiques erronées, les ambitions démesurées affichées au plus haut niveau de l'Etat. De toutes les façons, le bon sens et la raison l'emporteraient, tôt ou tard, sur la bigoterie et le mensonge.

 A l'image des statistiques liées aux productions céréalières et laitières. En effet, avant les moissons battages, elles ont escompté pour les céréales une production de 50 à 55 millions de quintaux. Puis, dernièrement, elles ont revu à la baisse les prévisions : A peine 40 millions de quintaux. Ce qui est énorme en terme prévisionnel. Et ce n'est pas fini ! En ce qui concerne la production laitière cela va de 30% à 18% d'autosuffisance. Et ainsi de suite et ce qui est malheureux dans tout çà, c'est que ces contradictions sont relayées par les médias notamment l'ENTV considérée comme l'image du pays.

 En outre, la répartition de la surface agricole cultivable par habitant ne constitue plus, à l'image d'autres référents devenus désuets par trop d'approximation, nullement un indicateur montrant les perspectives et les limites liées à l'autosuffisance alimentaire. En revanche, la productivité réelle d'une terre, en produits agricoles de base, échelonnée sur des décennies, est représentative de la politique du développement agricole et rural.

 Aux temps actuels, dans la plupart des pays du monde, le niveau de l'activité agricole n'est pas vu sous le seul angle des grandes surfaces «notariées». En effet, avec le cycle des crises économiques mondiales répétitives conjuguées aux excès des marchés, les nouvelles approches se concentrent de plus en plus sur les petites exploitations jugées plus efficaces et, surtout, maîtrisables avec, cependant, les difficultés pour l'accessibilité aux crédits que certains pays ont intelligemment solutionné.

 En Chine et en Inde, entre autres, pays représentatifs des enjeux alimentaires du siècle, ce sont les «petits» producteurs qui assurent l'équilibra alimentaire des populations. D'après la FAO, cela s'est répercuté sur le niveau, de la pauvreté dans le monde, qui à régresser par rapport à celui de l'année dernière. Cette amélioration est remarquable notamment en?Chine et en Inde ou les microcredits pour les petits producteurs sont en train de prendre de l'ampleur.

 A ce propos, en fin de la semaine écoulée, la chaîne de télévision Franco Allemande ARTE a effectué un reportage aux USA dans l'Etat du Michigan, précisément à Detroit, montrant un paysage apocalyptique. Jadis, surnommée «Motor city» : ville du moteur en référence à son industrie automobile florissante : General Motors, Ford, etc. Depuis quelques années, ces gigantesques maisons ont été délocalisées voire décroîtrent. Des trois millions d'habitants vivants de l'industrie automobile, il n'en reste que le tiers sur place dont un nombre important de noirs américains.

 Sur les lieux mêmes des usines désaffectés, et dont personne ne revendique la paternité pour le moment, les habitants ont d'abord cultivé, sur des petites parcelles en bacs afin d'éviter les sols pollués, des plantes condimentaires telles que les laitues, épinards etc. Puis petit à petit, ils ont colonisé une grande surface en diversifiant les cultures condimentaires et maraîchères sous serre : carotte, tomate, petits pois, haricot verts champignonnières, etc. Ils approvisionnent la population et les grands restaurateurs de la ville. Ils ont généré un gros marché en la matière.

 Cela parait élémentaire voire, poux les mégalomanes, artisanal. Pourtant, le plus important, dans cette reconversion, c'est l'éducation des jeunes. En effet, ils vivent à coté des aliments qu'ils mangent. Avant ils vivaient comme des automates. Aujourd'hui ils cohabitent avec les tomates, la verdure, etc. Un autre environnement qui va leur permettre le contact avec le réel et non comme avant : se frôler au mirage industriel ! En plus de cette transformation des mentalités, ils sont en train de retourner à l'essentiel : Mettre face-à-face le présent et l'avenir de leur devenir alimentaire voire existentiel. Sans passer par l'industrie.

 A ce propos, cela nous fait rappeler la réflexion d'un penseur de «l'ancienne Europe» définissant que : « Les USA ont décollé de la barbarie vers la modernité, sans passer par la civilisation. C'est peut-être pour ça que les Cow-boy utilisent le lasso pour attraper les bovins. Ils ont le sens du raccourci !

 En ce qui nous concerne, nous avons une occasion inespérée allant dans le même sens que ci-dessus. Il s'agit de ces nouvelles cités - dortoirs - verticales disséminées un peu partout à travers le pays notamment autour des grandes villes s'ouvrant sur les campagnes. Ces agglomérations sont entourées de terres agricoles fertiles, en jachérés depuis longtemps, appartenant au domaine de l'Etat d'une façon générale. Il suffirait, pour ce dernier, de trouver judicieusement les méthodes, voies et possibilités, appropriées afin de faire intéresser des riverains pionniers afin qu'ils instaurent, a leur tour, des mécanismes incitants d'autres intéressés par les cultures maraîchères, entre autres, leur procurant nourriture et revenus sous paiement d'un bail de location des parcelles.

 Il existe d'innombrables idées dans ce sens. C'est le fond - non pas l'argent mais la volonté sincère - qui manque le moins. A l'image de ne pas imaginer d'autres palliatifs liés à l'occupation rationnelle de notre vaste territoire national, notamment dans sa partie sud à la merci de tous les périls et intrusions externes.

PROTEGEONS NOS TERRITOIRES DES PERILS ACTUELS ET CEUX DE L'AVENIR

Dans plusieurs de nos précédents articles parus depuis 2007, au Quotidien d'Oran, nous avons mis en exergue la nécessité d'avoir une meilleure contenance de notre vaste territoire notamment dans sa partie sud qui est la plus profonde et très large : le Sahara. Ajouter à cela, que nous sommes situés au centre du Maghreb. Une situation prépondérante sur tous les plans. Les derniers événements liés au rapt, par des terroristes rançonneurs, de ressortissants français au Niger relancent les inquiétudes sécuritaires pour l'ensemble des pays limitrophes.

 Les foyers les plus nocifs et actifs sont situés au Niger et le Mali. Deux pays dont la gouvernance, notamment territoriale, laisse à désirer. En effet, depuis leurs indépendances respectives, aucun réaménagement territorial n'a été effectué. En d'autres termes, des indépendances obtenues sur les anciens schémas territoriaux coloniaux et que, par ironie de l'Histoire, la France en paye le prix aujourd'hui. En attendant, d'autres rebondissements !

 En ce qui nous concerne, il est encore temps que jamais d'entrevoir un autre schéma de découpage de nos vastes contrées sahariennes regroupées par un empire colonial lequel n'entrevoyait pas, à l'époque, les multiples conséquences de ses accaparements effrénées liées à ses fantasmes. Aujourd'hui, il est en face du réel. Et il est entrain de payer le prix fort de ses lubies.

 Ainsi, il est devenu impératif, pour nous, de concevoir un autre découpage territoire basé sur l'actualité en cours et celles se profilant aux horizons notamment dans le domaine géosécuritaire intimement lié au géoéconomique : Le Ténéré et le Hoggar en sont l'illustration. Leurs destins, ainsi que leurs avenirs respectifs, sont liés depuis la reine targuie Tin hi nan. Aujourd'hui, il y a un autre destin qui est apparu : l'Uranium !

 Ci-après l'extrait : «L'avenir des relations mondialisées, en tous genres, d'un pays appartiendrait aux audaces diplomatiques liées aux imaginations prévisionnelles fondées, dont celle d'un mode de gouvernance territorial fort et évolutif, avisé et clairvoyant, pertinent et en diapason avec son environnement offert aux perspectives d'attractivité multidimensionnelles, liées au développement durable, équitablement réparti dans une régionalité libérée des carcans... douaristes mytho coloniaux, au profit d'un Etat fédérateur des diversités nationales.

 De notre humble point de vue, la priorité des priorités serait d'initier une réflexion collective de l'ensemble des compétences nationales, et ce, afin d'imaginer un mode gouvernance territoriale horizontale basé sur 7 collectivités régionales reparties selon des critères géoculturels, climatiques, orographiques, économiques?, homogènes. A savoir : 1 - La Collectivité territoriale régionale du littoral, 2 - de l'Atlas Tellien, 3 - l'Atlas Saharien, 4 - du Sahara de l'Ouest, 5 - du Sahara Central, 6 - Sahara de l'Est et enfin 7 - de l'extrême Sud du Sahara.

 Il convient d'ajouter que les enjeux et défis nationaux, sous régionaux, régionaux, continentaux et mondiaux, actuels et futurs, plaident pour une meilleure gouvernance territoriale du pays. Les satellites et les avions sophistiques ne peuvent contrôler ces immensités prédisposées à toutes sortes de nuisances. Notre Sahara paraissant «vide» fait l'objet d'intéressements et de calculs multiples. Anticipons-les. Pour mieux les contenir.

 L'avenir des relations diplomatiques, régionales et internationales, appartiendra aux imaginations créatives et prévisionnelles dont celui d'un pertinent mode de gouvernance territoriale en diapason avec son environnement offert eux perspectives d'attractivités multidimensionnelles, dont la sécurité permanente et non conjoncturelle, liées au développement durable équitablement régionalisé et, surtout, libéré des carcans et folklores douaristes mytho coloniaux ségrégationnistes» Fin de citations

 Nous saisissons cette occasion, qui nous a permis d'honorer nos patrimoines physiques et moraux, pour saluer la mémoire du défunt Mohamed Argoun, un éminent penseur, mort et enterré cette semaine au Maroc. Qu'il repose en paix la ou il est. Ce deuxième pays ou sont nés des Algériens aux parents humiliés et offensés dans leur terre natale. D'autres vivants, se trouvant mal dans leur peau la ou ils sont, souhaiteraient être enterrés la ou ils aimeraient qu'ils le soient. Honorons le savant n'importe où et tout le temps. Inversement les gens de la politique, à titre d'exemple, sont honnis de leur vivant et?après. Pire qu'avant !!!

Note :

(1) Les anciens jardins, de M'sila et Bou-saâda, étaient entourés de murets confectionnés en pisés d'argile, surélevés de haies a base de branchages épineux difficiles voire impossibles a franchir ou percevoir ce qu'il y a dans l'intérieur des jardins. A l'image des Ksars. Leurs propriétaires, avant de pénétrer au sein de ces forts, ôtaient leurs chaussures puis ils font une prière. Ils l'accomplissent à la rentrée tôt le matin et à la sortie des potagers le soir. Comme dans un sacerdoce : terme apprécié par le défunt Kasdi Merbah définissant la fonction d'un Agent de l'Etat.

Actuellement, les contenants des jardins : murets, brises vents?, ils n'existent plus. Et donc, les contenus : fruits et légumes, vaches laitières etc., également. Pour les deux zones de jardins, une perte de pas moins 1500 ha : l'équivalent, en termes de productivité, de 4500 ha d'aujourd'hui. Comparaison pareille pour les valeurs humaines !