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Guelma: Il y a 62 ans, le massacre de Besbassa... 365 civils assassinés

par Mohammed Menani

C'était dans la nuit du 5 au 6 mars 1956 que le moudjahed Abderrahmane Bensalem avait décidé de déserter sa garnison en stationnement dans un casernement près de Khemissa (Souk Ahras), avec armes et bagages, à la tête d'une trentaine de soldats algériens dont un Européen, qui avaient convenu de rallier les rangs des unités combattantes de l'ALN. Cet officier baroudeur, originaire de Bouhadjar située à l'extrême est du pays, était forgé au combat à travers son appartenance aux «tirailleurs algériens» lors de la seconde guerre mondiale, bravant héroïquement les hordes hitlériennes de l'Afrikakorps de Rommel. Après la victoire sur le nazisme et le désenchantement provoqué par les sanglants massacres du 8 mai 1945, il prolongea d'instinct sa présence au sein de l'armée coloniale jusqu'à cette action de rébellion et de désertion méticuleusement préparée depuis la proclamation du 1er novembre 1954. Devant cette surprenante défection, le commandant de la place militaire de Souk Ahras avait engagé une implacable poursuite contre «ses soldats déserteurs qui avaient osé aussi vider l'arsenal d'armement de la caserne». A la faveur de la nuit et des maquis très denses de la région, la résistance des «rebelles» a été des plus farouche pour faire subir des pertes considérables dans les rangs de leurs poursuivants. A la levée du jour, la soldatesque coloniale reprenait la traque dans une opération de grande envergure, soutenue par l'aviation et des troupes au sol, ratissant les monts et les vallées de la région d'Oued Cheham, sans parvenir à retrouver le «lieutenant arabe» et sa section dissidente qui s'étaient évanouis dans la nature. La rage meurtrière de l'armée coloniale s'était déversée sur la population civile des mechtas environnantes, regroupant 365 personnes dont des femmes et des enfants au lieu-dit Besbassa, dans la commune de Dahouara. Les innocentes victimes ont été alignées et mitraillées à bout portant à titre de représailles. Le soldat français ne peut s'exhiber que devant les civils désarmés et c'est l'instinct nazi de l'extermination qui avait guidé cet assassinat collectif de femmes, enfants et vieillards sans défense.

Cet acte odieux ne fut qu'un remake de la sombre journée du 12 mai 1945, où le sinistre sous-préfet de Guelma organisa un supplice théâtral et lent contre les civils d'Oued Cheham (ex-Villars), avec un peloton d'exécution milicien, à qui il avait crié: «Vengez-vous! Mrs les colons». Aujourd'hui encore, l'école de l'histoire coloniale continue de claironner ses refrains sur les «bienfaits» de la colonisation qui avait duré 132 ans à distribuer les massacres collectifs, les razzias, les enfumages, les exécutions sommaires, les scènes de torture et autres formes d'exaction déshumanisante, menant jusqu'au génocide identitaire.

En effet, il nous importe peu que l'ancienne puissance coloniale manipule la sémantique controversée en refusant de voir son passé en face, car l'Histoire qui avait déjà retenu que le colonialisme est un crime contre l'Humanité, retiendra aussi sur ses pages indélébiles qu'on ne pourrait décomposer la mémoire immortelle des peuples. Nos commémorations seront toujours ponctuelles pour que nul n'oublie et par devoir de mémoire, l'on doit rendre plus lisibles toutes les strates de notre histoire et du long combat mené par notre peuple, poussé par une foi inébranlable, afin de se libérer de l'oppression séculaire et brutale d'un colonialisme foncièrement criminel qui avait voulu lui extirper jusqu'à sa mémoire pour lui dénier toute identité.

En cette journée commémorative du 62ème anniversaire de ce sanglant massacre perpétré froidement contre la population algérienne, c'est le peuple qui se rend devant le mémorial érigé sur les lieux du crime colonial. Ceci présente la haute distinction qui tend à enrichir nos jalons et repères historiques afin de préserver les symboles des sacrifices consentis par les enfants de ce pays, dans le but de se délivrer de l'asservissement et d'accéder dans la dignité à une souveraineté méritée.