Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'Algérie a besoin d'un projet de développement souverain, porté par un Front et un Etat de souveraineté nationale

par Maradj Abed

L'abandon du projet de développent économique souverain depuis Chadly, a plongé notre pays dans la régression économique, sociale, culturelle et politique. Cet abandon a créé la crise qui a abouti à la décennie noire. Cette crise est loin d'être dépassée, ses causes n'ont pas disparues et elle fait courir, au pays, un très grave danger.

L'état entrepreneur, investisseur, édificateur, a été remplacé par un état consommateur, gaspilleur, corrupteur, et qui s'est menotté les mains en se définissant, dans la dernière révision constitutionnelle comme «état régulateur».

Sociologiquement cet état est dominé par deux forces sociales : la bourgeoisie bureaucratique et la bourgeoisie compradore, il est à leurs services et régule entre les intérêts de l'une et de l'autre. Ces deux forces sociales sont intimement liées, imbriquées l'une dans l'autre, à la fois alliées et en même temps en compétition dans la prédation. La bourgeoisie compradore a été enfantée par la bourgeoisie bureaucratique, et a pénétré les appareils de l'état en vue de mieux les soumettre au service de ses intérêts

La bourgeoisie bureaucratique a gagné ses lettres de noblesse à travers les décrets sur les installations classées de monsieur Ouyahia : décret n° 98339 du 03/11/1998 et celui de monsieur Belkhadem : décret n° 06/98 du 31/05/2006. Ces décrets ont été promulgués pour rendre quasi-impossible tout investissement productif et profitent à la bourgeoisie compradore ; ils bloquent, en même temps, toute possibilité de développement de la bourgeoisie industrielle. C'est ainsi qu'il faut comprendre les attaques contre CEVITAL et la préférence donnée aux Qataris, dans le projet de Bellara, plutôt qu'à des Algériens.

Avec l'importante hausse des prix des hydrocarbures bureaucrates et compradores se sont donnés à cœur joie, les importations ont battu tous les records, des sommes énormes englouties dans les marchés publics surévalués la bourgeoisie bureaucratique s'est grassement servie, des centaines de milliards de dollars dépensés, dilapidés, sans aucun effet sur le développement économique.

Avec la chute du prix du pétrole nous avons assisté à un débat à plusieurs niveaux. Un discours se voulant rassurant «nos réserves nous permettent de tenir plusieurs années». Puis un débat houleux dans lequel la bourgeoisie compradore est attaquée, des importateurs interviennent dans le débat, individuellement, mais aussi par le biais d'associations, un autre débat surgit: celui sur la bureaucratie vite réglé. Ce que l'on a pu observer c'est une réadaptation de ces deux forces pour continuer à pomper les richesses du pays. Les importateurs font pression sur les quotas, les concessionnaires obtiennent l'importation de voitures en kit (sans limitation), en plus des quotas de voitures montées. La bourgeoisie bureaucratique s'est remise à la prédation du secteur public, SONATRACH s'est vue dépouiller de sa filiale en pétrochimie ASMIDAL, NAPHTAL est dans son collimateur. Le fait nouveau est l'introduction des multinationales et l'accaparement massif de terres. Ces deux forces ont trouvé une autre astuce pour assouvir leur cupidité : c'est l'endettement extérieur. Le prêt de 900 millions de $ à la BAD est destiné aux bureaux d'études. L'endettement extérieur correspond au plan en cours du capital financier international visant l'endettement de l'ensemble du tiers monde, pour pomper ses richesses à travers le service de la dette. Noter, aussi, la tentative de privatisation des banques publiques, abandonnée mais qui revient sous une autre forme, celle d'association de ces dernières avec le capital financier étranger.

La superstructure politique est complètement gangrenée, les appareils de l'Etat, le Parlement, les Assemblées, les partis politiques, tous sont entraînés dans un mouvement de corruption, de soumission et d'opportunisme.

Il ne reste plus que la souveraineté territoriale assumée par la seule ANP dont les forces sont éparpillées à travers tout le territoire et le long de nos immenses frontières depuis des années, traquant les terroristes et empêchant les infiltrations. La sécurité retrouvée par les Algériens est le fruit des sacrifices de cette armée que des forces liées aux intérêts étrangers cherchent à déstabiliser

Au plan social, la situation va en se dégradant, un mouvement de masse spontané, en dehors de toute structure, commence à s'exprimer et va prendre de l'ampleur durant l'année à venir. Comment mettre en échec toute tentative de manipulation dans le sens d'un «printemps arabe», et en même temps, faire en sorte que ce mouvement populaire puisse s'exprimer et peser pour isoler ces forces mortifères pour notre nation ?

Pour sortir de la crise et mettre en échec les plans des Occidentaux et de leurs alliés nationaux, il faut développer le pays, cela est possible en luttant pour imposer un projet de développement économique souverain.

Quelle stratégie pour un projet de développementéconomiquesouverain ?

La stratégie en vigueur depuis trois décennies est basée sur la consommation et la dilapidation des revenus pétroliers. Cette voie est sans issue, elle mène notre pays à la banqueroute et à des révoltes que souhaitent les Occidentaux.

L'Algérie est un pays très riche en ressources naturelles, le Sahara recèle d'immenses richesses minérales, mais comme cet Etat a inscrit, dans la dernière révision constitutionnelle, l'abandon du rôle d'Etat entrepreneur, toute stratégie de développement économique devient impossible, la seule politique possible est celle d'un Etat exportateur de matières premières comme en témoigne le projet d'un port minéralier, à Arzew, pour l'exportation du minerai de fer de garadjebilet d'une teneur en fer de plus de 55%, il s'agit là d'une politique de type république bananière, ni plus ni moins.

Une stratégie au service des intérêts de notre nation doit être celle qui valorise les richesses minérales en développant une industrie extractive et une industrie de transformation de ces matières premières. C'est à partir du Sahara que toute l'Algérie peut se développer, c'est au Sahara qu'existent les conditions idéales pour cela : il y a des richesses minérales fabuleuses (fer, cuivre, manganèse, tungstène, or, diamants, terres rares, la liste est longue et cela fait baver les Yennes qui ont installé leurs bases militaires, tout autour de notre pays), il y a de l'eau en très grande quantité que les Français considéraient, en 1957, comme la découverte majeure et que des imbéciles gaspillent en pratiquant une agriculture intensive, en association avec des multinationales. Grâce à cette eau, il est possible d'industrialiser le Sahara, de bâtir de nouvelles villes, de créer de l'emploi, non seulement pour les populations du Sud mais aussi pour ceux du Nord. Enfin l'autre atout majeur c'est l'Energie solaire que certains proposent d'exporter, alors que son utilisation la plus simple, la moins coûteuse, à portée de nos compétences, c'est une utilisation sur place dans le cadre de cette industrialisation mais aussi dans les villes qui naîtront. Un Sud industrialisé et développé rendra impossible toute tentative de partition par les Occidentaux.

Une telle stratégie qui donnera espoir à notre peuple ne peut qu'être l'œuvre d'un front entre partisans d'un Etat entrepreneur et investisseur donc d'un capitalisme d'Etat souverain, et les partisans d'un secteur privé d'entrepreneur, d'industriels. Pour un tel projet, l'Etat a les moyens que n'a pas le secteur capitaliste national, entrepreneurial. Un tel projet nécessite de revenir à la planification aux plans de développement. A l'Etat d'investir dans l'industrie lourde et aux privés d'investir dans l'industrie de transformation, manufacturière ; Etat et privés peuvent s'associer dans le cadre de sociétés mixtes. A l'Etat incombera la réalisation des infrastructures, des cités, la formation du personnel. Dans un tel projet seul l'Etat peut se procurer les énormes capitaux, quitte à recourir à l'endettement extérieur pas pour engraisser bureaucrates et compradores, un endettement extérieur, dans le cadre d'une telle stratégie sera accepté et soutenu par notre peuple.

Un tel projet nécessite un front entre les partisans du secteur d'2tat (capitalisme d'Etat souverain): cadres ingénieurs, techniciens et travailleurs de manière générale de ce secteur, mais aussi intellectuels, militants de partis et les représentants de la bourgeoisie industrielle et de manière générale la bourgeoisie entrepreneuriale. Ce front sera possible si toutes ces forces bannissent les idées sectaires ou hégémoniques, et mettent l'intérêt de l'Algérie au-dessus de tout. C'est la condition pour sauver l'Algérie du naufrage vers lequel on la dirige.

C'est cette vision stratégique qui permettra de s'orienter politiquement, telle une boussole pour élaborer des positions, dans n'importe quel domaine de l'économie ou de la politique, avec le moins de risque possible de se tromper.