Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Trump et les marchés

par Akram Belkaïd, Paris

On avait prédit le pire… Une victoire à l’élection présidentielle américaine de Donald Trump devait fatalement provoquer une catastrophe sur les marchés financiers. Les principaux indices boursiers devaient plonger car entraînés par des ventes massives effectuées par des investisseurs affolés. Or, rien de tout cela ne s’est passé. Certes, les premières heures qui ont suivi l’élection de Trump ont provoqué quelques turbulences mais les choses se sont vite calmées et les Bourses sont revenues à leur train-train habituel, certaines places se payant même le luxe d’atteindre leur plus haut de l’année.
 
Le poids de l’imprévu
 
Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce comportement inattendu qui fait dire aux spécialistes que les marchés ont «finalement voté Trump» alors qu’on les pensait acquis à sa rivale démocrate. Il y a d’abord le fait que le consensus général allait dans le sens de la victoire de Clinton. Sa défaite, on le sait, a été une grosse surprise y compris pour les milieux d’affaires. Or, les marchés n’aiment guère les surprises. Elles remettent en cause des stratégies d’investissement décidées à l’avance et brouillent les cartes. Elles obligent à reconsidérer certaines décisions d’achat ou de vente. Bref, elles amènent de l’imprévu dans un milieu qui n’aime rien tant que le caractère prévisible des événements. Une fois la surprise passée, les marchés se sont finalement dit que Trump à la Maison-Blanche, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose (du moins pour eux).

Ensuite, il y a les projets du président élu en matière de politique économique qui deviennent soudainement audibles. Nombreux sont ceux qui ont découvert que le candidat républicain avait promis une sorte de plan de relance avec de grands travaux d’infrastructures. Il est vrai que, durant la campagne, on avait plus accordé d’attention à ses outrances sur les femmes et les immigrés. La perspective de relancer l’économie de manière keynésienne tout en diminuant les impôts sur les grandes fortunes est jugé comme une bonne nouvelle pour la finance américaine. Cela signifie que l’Etat fédéral va devoir s’endetter auprès d’elle. Cela signifie que le crédit va être stimulé et que, in fine, la consommation va reprendre. C’est du moins le schéma théorique qu’avance Trump et que les marchés «achètent».
 
Attendre un peu…
 
Pour autant, il faudrait se garder de penser que l’idylle est susceptible de toujours durer. Attendons encore un peu. Trump n’est pas encore à la Maison-Blanche, on ne connaît pas encore son gouvernement et ses intentions réelles demeurent plus ou moins vagues. Que se passera-t-il demain si une guerre commerciale s’enclenche avec la Chine, en raison de mesures protectionnistes décidées unilatéralement par le président américain ? Comment les marchés réagiront si des poids lourds comme Apple sont heurtés de plein fouet par des mesures de rétorsion décidées par Pékin ou d’autres pays ? Ceci dit, la présidence de Trump va être intéressante à suivre car elle pourrait remettre au goût du jour une caractéristique des deux mandats présidentiels de Ronald Reagan (1980-1988). Ce dernier gouvernait sans vraiment tenir compte des incidences possibles de sa politique sur les marchés financiers. Une ligne de conduite à l’inverse de Bill Clinton qui fut un chouchou de Wall Street. Autrement dit, il sera intéressant de voir si Trump va gouverner sans se faire une obsession de la réaction des marchés. Au risque de les faire paniquer…