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Création du titre de séjour «passeport-talent» pour l'opérateur économique et le salarié étranger

par Fayçal Megherbi*

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France vient d'être publiée dans le Journal officiel.

Le texte crée le titre «passeport-talent», de quatre ans, qui remplacera la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière (artistes, scientifiques, sportifs...). La carte de séjour pluriannuelle portant la mention «passeport-talent» est, en effet, prévue dans les dispositions de l'article L. 313-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a une durée maximale de quatre ans, est délivrée dès sa première admission au séjour à plusieurs catégories d'étrangers :

L'étranger qui soit exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master, soit est recruté dans une entreprise pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ;

A l'étranger qui occupe un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à un an, et justifie d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable. Cette carte, d'une durée égale à celle figurant sur le contrat de travail, porte la mention «carte bleue européenne»;

L'étranger qui justifie avoir séjourné au moins dix-huit mois dans un autre Etat membre de l'Union européenne sous couvert d'une «carte bleue européenne» obtient la même carte de séjour ;

A l'étranger qui vient en France dans le cadre d'une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe et qui justifie, outre d'une ancienneté professionnelle d'au moins trois mois dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France, d'un contrat de travail conclu avec l'entreprise établie en France ;

A l'étranger titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé. Cette carte porte la mention «chercheur» ;

L'étranger ayant été admis dans un autre Etat membre de l'Union européenne conformément à la directive 2005/71/ CE du Conseil du 12 octobre 2005 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique peut mener une partie de ses travaux en France sur la base de la convention d'accueil conclue dans le premier Etat membre s'il séjourne en France pour une durée inférieure ou égale à trois mois, pour autant qu'il dispose de ressources suffisantes ;

A l'étranger ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable et qui, justifiant d'un projet économique réel et sérieux, crée une entreprise en France ;

A l'étranger qui justifie d'un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;

A l'étranger qui procède à un investissement économique direct en France;

A l'étranger qui occupe la fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établie en France, dès lors que cet étranger est salarié ou mandataire social dans un établissement ou une société du même groupe ;

A l'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète, ou qui est auteur d'une œuvre littéraire ou artistique ;

A l'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie et qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif ;

Pour rappel, le 26 janvier 2016, l'Assemblée nationale française a adopté le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Cette réforme a été annoncée en 2013 et a été préparée par Manuel Valls, à l'époque ministre de l'Intérieur. Ce texte propose notamment la mise en place d'un nouveau titre de séjour pluriannuel, valable quatre ans, délivré après un an de séjour régulier en France. Cette carte de séjour permettra justement de limiter les passages en préfecture aux ressortissants étrangers.

Cette nouvelle loi définit, également, les conditions d'accueil de l'étranger qui souhaite s'installer durablement sur le territoire français et notamment par une formation civique et linguistique. Elle généralise la carte de séjour pluriannuelle délivrée après un premier document de séjour. Préalablement prévue aux étudiants, elle instaure, aussi, les cartes de séjour pluriannuelle portant la mention «passeport-talent», la mention «passeport-talent (famille), la mention «travailleur saisonnier» et la mention «salarié détaché».

Cette loi modifie légèrement les mesures d'éloignement applicables aux étrangers en situation irrégulière et les conditions de mise en œuvre des décisions d'éloignement.

Toutefois, certaines associations françaises considèrent que la création de la carte pluriannuelle constitue un recul sur les acquis de la loi du 17 juillet 1984 (Loi Joxe) qui a créé le titre unique de séjour et de travail de dix ans. Pourtant, l'accession à ce titre unique de séjour et de travail de dix ans n'a jamais été automatique. Des conditions de recevabilité sont imposées aux candidats au titre de séjour de dix ans, comme l'exigence de ressources suffisantes, d'un emploi, d'un bon niveau de la langue française, d'une ancienneté de résidence sur le territoire français. L'évaluation de ces critères est laissée à l'appréciation du préfet. Ce titre de séjour pluriannuel ne sera certainement pas un tremplin pour la carte de résident de dix ans, mais allègera immanquablement la vie administrative des ressortissants étrangers en France.

*Avocat au Barreau de Paris