Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quelle sera la prochaine crise ?

par Akram Belkaïd, Paris

Sur les marchés financiers, une mention revient régulièrement quand il s’agit d’établir des bilans ou d’analyser des statistiques. Qu’il s’agisse des niveaux des indices boursiers, des volumes de transactions, du nombre d’ouvertures de capital ou bien encore de l’évolution des données macro-économiques - à l’image des mises en chantier de logements neufs aux Etats-Unis - la phrase classique est la suivante : « nous sommes revenus aux niveaux d’avant la crise financière de 2008 ou en passe de l’être ».

La menace du « shadow banking »

Ce qui apparaît comme un retour à la normale peut paraître une bonne nouvelle. Après des mois de turbulences et d’incertitudes, les marchés, censés être les poissons pilotes de l’économie mondiale, ou du moins les indicateurs avancés, seraient en passe de se stabiliser. Reste que, pour nombre de spécialistes, c’est désormais maintenant qu’il convient d’être le plus vigilant. Pour tous ceux qui, et ils sont nombreux, considèrent que les crises obéissent à un cycle, il est très possible qu’un nouveau choc se profile. Toute la question est donc de savoir de quelle nature sera cette nouvelle crise à défaut de pouvoir prévoir sa date.

L’une des principales craintes concerne le système bancaire parallèle ou « shadow banking ». Il s’agit des échanges financiers entre acteurs institutionnels tels que les fonds d’investissements, les fonds monétaires, les sociétés de financement et les assureurs. Ce secteur pèse pour plus de 60.000 milliards de dollars et échappe à toute régulation. Son fonctionnement n’est donc pas surveillé et même le Fonds monétaire international (FMI) s’inquiète de sa croissance vigoureuse. Bien entendu, et exception faite de ses acteurs, on ne voit pas encore de quelle manière pourrait s’enclencher une crise dans ce secteur opaque. On dira simplement qu’il n’est nul besoin d’être calé en chimie pour savoir qu’une casserole de lait posée sur le feu finit toujours par déborder.

L’autre thème récurrent en matière de crise concerne bien sûr la Grèce. La question est de savoir ce qui va se passer si ce pays fait faillite et s’il quitte la zone euro, les deux possibilités pouvant être simultanées ou non. Dans le passé, la faillite d’un Etat a toujours généré de graves turbulences - on pense notamment aux pays sud-américains au début des années 1980. Mais il faut se méfier des Cassandres, surtout quand on sait que l’une des tactiques de l’ex-Troïka (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne) est de laisser entrevoir le pire pour forcer le gouvernement grec à accepter les réformes et mesures dont il ne veut pas. De même, il est peu probable que la sortie de la Grèce de la zone euro sonne la fin de la monnaie unique. Pour autant, le risque demeure d’une grave crise institutionnelle avec, à la clé, la redéfinition des critères d’adhésion, et d’appartenance, à la zone euro.

Les produits dérivés, toujours et encore

Enfin, et sans oublier la possibilité d’un événement inattendu (déclencheur classique d’une crise), il est important de ne pas oublier que le marché mondial des produits dérivés continue de vivre tranquillement sa vie. Depuis 2008, et la mise en exergue de son rôle néfaste dans la spéculation liée aux titres immobiliers, il n’a subi aucune réforme de fonds et des dizaines de milliards de dollars continuent d’être investis dans des produits dérivés, ces derniers basés (on parle de sous-jacent) sur n’importe quel type d’activité économique ou financière à l’image de ces contrats d’assurance destinés à se prémunir contre le réchauffement climatique et dont la valeur est corrélée à la météo quotidienne… A bien des égards, les raisons d’une prochaine crise ne manquent pas mais, en attendant, les marchés continuent d’avancer en se répétant la fameuse phrase de l’homme qui tombe d’un immeuble : « jusqu’ici, tout va bien ».