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Brésil, panne ou déclin ?

par Akram Belkaïd, Paris

Où va le Brésil ? C’est la question que se posent nombre d’experts depuis que la première économie sud-américaine (la septième mondiale en termes de produit intérieur brut ou PIB) donne de sérieux signes, non pas d’essoufflement, mais de très fort ralentissement pour ne pas parler de régression brutale. En 2014, le pays n’avait enregistré qu’une maigre croissance du PIB de 0,1% et, pour 2015, un repli de 1% devrait confirmer l’entrée en récession.

Austérité et inflation

Plus préoccupant encore, l’inflation semble devenir hors contrôle, atteignant le taux de 8% alors que la Banque centrale du Brésil (BCB) admet pour dernière limite 6,5% et que le gouvernement clame qu’il maintient son objectif de la faire revenir à 4,5% par an. La situation des finances publiques n’est guère idéale avec un déficit budgétaire qui équivaut à 6,5% de PIB et une dette à près de 60% de ce même PIB. Comme le constatent plusieurs observateurs, ni la Coupe du monde de football en juin-juillet derniers ni les Jeux olympiques de 2016 qui auront lieu à Sao Paulo n’ont dopé l’économie. Bien au contraire, ces grands événements sportifs ont surtout contribué au renforcement des tensions inflationnistes dans le pays.

Les grands maux du Brésil sont connus. Si le pays fait désormais du surplace, c’est parce qu’il n’arrive plus à attirer les investissements malgré une classe moyenne de 100 millions d’habitants. De même, et les manifestations en marge du mondial de football l’ont bien montré : il manque cruellement d’infrastructures et celles qui existent sont mal entretenues ou s’avèrent défaillantes. De plus, l’industrie, l’un des fleurons de l’économie avec l’agriculture, perd en compétitivité par rapport à d’autres concurrents, notamment asiatiques. Enfin, les scandales à répétition de corruption ont contribué à plomber le climat des affaires et à faire monter les tensions et les revendications sociales.

Pour faire face à ces difficultés, la présidente Dilma Roussef, réélue en octobre dernier, et son équipe assurent qu’ils sont engagés dans un vaste plan de réformes et de limitation des dépenses publiques. Très critiqué, ce véritable virage à droite, symbolisé par la nomination de Joaquim Levy au ministère des Finances, a notamment consisté en d’importantes coupes dans les dépenses publiques, y compris sociales. Pour Brasilia, il est nécessaire que le pays ne perde pas l’appui des marchés financiers, ce qui justifie cette austérité. Un objectif qui semble d’ores et déjà difficile à atteindre puisque l’agence Fitch vient de faire passer sa note de perspective à long terme de «stable» à négative. En clair, la dette du Brésil n’est pas loin d’être considérée comme étant «spéculative» (ou «junk», c’est-à-dire «pourrie»), ce qui va lui imposer d’importantes dépenses supplémentaires pour se financer.

Fin d’un cycle

 Les difficultés du Brésil sonnent peut-être le glas de la représentation idéale -faite au cours des deux dernières décennies- des pays émergents. Certes, la Chine avec ses 7% de croissance continue de tracter l’économie mondiale mais les autres membres du fameux club des BRICS sont désormais à la traîne. Ni le Brésil ni, à un degré moindre, l’Inde et encore moins la Russie ou l’Afrique du Sud ne sont devenus les géants que l’on nous annonçait au début des années 2000. Bien sûr, il est encore trop tôt pour parler de régression définitive mais le cycle actuel de ces émergents est tout sauf euphorique.