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La croissance chinoise baisse, les taux aussi

par Akram Belkaïd, Paris

Lorsqu’une économie fait face à des difficultés conjoncturelles en matière de croissance du produit intérieur brut (PIB), l’une des recettes les plus usitées consiste à actionner l’un des principaux leviers de la politique monétaire. Il s’agit ainsi de baisser les taux d’intérêts afin de stimuler le financement des entreprises mais aussi de relancer la consommation des ménages. C’est le « job » classique des banques centrales et de leurs gouverneurs et c’est ce qui explique pourquoi les médias et les économistes sont si attentifs aux signaux émis par ces institutions. Le but du jeu est de connaître leurs intentions réelles en matière de gestion des taux. Parfois, la baisse (ou la hausse) de ces derniers est attendue car ayant été précédemment annoncée de manière plus ou moins implicite. Mais il arrive aussi que la décision surprenne tout le monde. C’est ce qui vient de se passer en Chine où la Banque centrale vient d’assouplir sa politique monétaire en faisant passer le coût de l’emprunt à un an de 6% à 5,6% tandis que la rémunération des dépôts de base a diminué de 25 points à 2,75%.

SOUTENIR UNE CROISSANCE EN BAISSE

Cette décision qui a agréablement surpris les Bourses du monde entier est destinée à soutenir une croissance qui donne des signes de faiblesse depuis 2009. Selon la majorité des économistes, il est peu probable que la Chine atteigne son objectif de 7,5% de croissance du PIB en 2014 et cela même si la création de richesses a augmenté de 7,3% au troisième trimestre. On est loin des 14,2% de croissance enregistrés en 2007 et la Chine est en train de s’habituer à ce que son économie fasse moins d’étincelles. Ce qui ne veut pas dire que Pékin se soit résigné. Bien au contraire. Pour les dirigeants chinois, le plancher limite à ne pas dépasser reste 7%, ce qui explique pourquoi de nombreuses mesures ont été prises pour doper l’activité. Baisse de la fiscalité des entreprises, facilités bancaires, encouragement de la consommation des ménages et injection de près de 500 milliards de yuans (65 milliards d’euros) dans les caisses des grandes banques publiques (afin de leur permettre d’accorder plus de prêts aux entreprises) et lancement de plusieurs chantiers d’infrastructures, notamment ferroviaires, sont les principales actions de relance entreprises par le gouvernement chinois.

Or, dans un contexte marqué par une baisse continue des prix de l’immobilier (l’un des moteurs de la croissance), ce dispositif de « mesures ciblées » - c’est la dénomination officielle- n’a pas vraiment produit les effets escomptés. C’est ce qui a donc poussé Pékin à opter pour une approche plus classique. Une démarche qui peut produire ses effets mais qui reste à double tranchant. Les chiffres de la croissance du dernier trimestre de cette année seront examinés avec soin, et si d’aventure la croissance continue de fléchir, il ne fait nul doute que des voix vont s’élever pour réclamer de nouvelles baisses de taux. C’est un cycle classique où, passée leur première satisfaction, les opérateurs économiques exigent que le loyer de l’argent continue de baisser et la Banque centrale se retrouve alors sur la défensive.

Une Banque centrale sous contrôle

Par ailleurs, le trou d’air que connaît actuellement l’économie chinoise donne l’occasion à des institutions comme le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale (BM) d’inciter Pékin à mettre en œuvre de nouvelles réformes structurelles destinées à libéraliser son marché intérieur. Des « incitations » qui, il faut le relever, n’influent presque jamais sur le calendrier élaboré par le gouvernement chinois qui reste fidèle à sa feuille de route. Des réformes, oui, mais à son propre rythme… D’ailleurs, l’un des symboles de cette singularité chinoise se retrouve dans le statut de la Banque centrale. Contrairement à la Banque centrale européenne (BCE) ou la Réserve fédérale (Fed), l’institution monétaire chinoise n’est pas indépendante et ses décisions sont soumises au gouvernement donc au pouvoir politique. Une hérésie pour les tenants du libéralisme qui, de temps à autre, tentent de convaincre Pékin de réformer le statut de sa Banque centrale. En vain, bien entendu…