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Nuages sur l’économie française

par Akram Belkaïd, Paris

Mais où va l’économie française ? C’est la question que l’on est en droit de se poser à la lecture des prévisions de la Commission européenne qui ont été rendues publiques mardi 4 novembre. Certes, comme l’a vite remarqué Paris, l’exercice de la prévision est à la fois théorique et aléatoire. En 1996, par exemple, tout le monde s’attendait à ce que l’économie française plonge en 1997 (ce qui avait poussé, entre autres, Jacques Chirac à dissoudre l’Assemblée nationale) mais la croissance avait été au rendez-vous. Mais ce qui est important de noter, c’est que les pronostics de Bruxelles sont encore plus pessimistes qu’au printemps dernier et qu’ils tablent sur une dégradation continue de la situation jusqu’à au moins 2016, c’est-à-dire à la veille de la prochaine élection présidentielle.

PANNE DE CROISSANCE

Dans le détail, Bruxelles ne voit pas l’économie française reprendre le chemin d’une forte croissance. Le taux d’augmentation du produit intérieur brut (PIB) ne serait finalement que de 0,3% en 2014 et de 0,7% en 2015. Pour 2016, la Commission table sur un taux de 1,5%, c’est-à-dire une progression sur laquelle ne cracherait pas l’actuel gouvernement français mais qui risque d’intervenir trop tard et qui, de toutes les façons, reste encore hypothétique. De façon générale, la France a besoin d’une croissance supérieure à 2% pour commencer à résorber le chômage (lequel va se maintenir à plus de 10% de la population active) et à assainir ses finances publiques.

Car c’est sur ce volet que les choses vont aussi se dégrader. Selon Bruxelles, le déficit public va s’aggraver, ce qui obligera la France à continuer de s’endetter. Les coupes et autres économies budgétaires décidées par Paris pour les prochains mois ne vont donc pas suffire. Les prévisions de la Commission tablent sur un déficit équivalent à 4,4% du produit intérieur brut en 2014 et de 4,5% en 2015. En 2016, la France afficherait même le plus fort déficit public de la zone euro avec un taux de 4,7%. Rappelons ici que le déficit public rapporté en pourcentage du PIB fait partie des fameux critères de Maastricht et que les Européens se sont entendus au milieu des années 1990 pour qu’il ne dépasse pas les 3%. Concrètement, cela signifie que le « découvert » d’un Etat ne doit pas dépasser 3% de la richesse qu’il crée en une année.

De nombreux économistes estiment pourtant que cette butée de 3% ne veut rien dire et qu’elle pourrait être de 4% voire de 5%. Par contre, ce qui est important, c’est la tendance. Vivre (un peu) à crédit pour un Etat n’est pas grave. Par contre, un pays dont le déficit s’aggrave d’une année à l’autre devient peu à peu dépendant des marchés financiers pour assurer son train de vie. Dans le cas de la zone euro, des finances saines sont jugées obligatoires pour renforcer le crédit de la monnaie unique et éviter qu’elle ne soit attaquée par des spéculateurs sur les marchés. Du coup, la France est pointée du doigt par Bruxelles et ses partenaires parce qu’elle ne serait pas suffisamment rigoureuse en matière de gestion budgétaire.

2017 DANS LE VISEUR

En tout état de cause, les prévisions de la Commission européenne sont un signal d’alarme pour François Hollande et son gouvernement. Peu à peu, s’impose l’idée de l’échec définitif de la politique économique du président français, cela dans un contexte de politique intérieure de plus en plus tendu. La montée du Front national -Marine Le Pen est donnée en tête du premier tour par les sondages- risque fort d’être renforcée. Assurément, la deuxième moitié de la présidence Hollande risque d’être des plus agitées.