Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Hors-jeu était le plaisantin ?!

par Slemnia Bendaoud

Cent blagues ! Non? ! Sans blagues ! De toutes celles jusque-là bien connues du public, il est surtout fait mention spéciale de cette absurde constatation : ''Sellal al moussallimoutassellil * !!!''. La phrase, à elle seule, résume amplement et sans détour tout ce nouveau rôle auquel joue, à présent, Abdelmalek Sellal.

Le plaisantin aura-t-il finalement bel et bien travesti les limites de la convenance ou dépassé la correction d'un cran ?! Vraiment investi tous les écrans et même peut- être largement franchi le Rubicon?! À défaut d'une bonne gouvernance, il s'improvise donc ce très distrait rôle de convenance d'un véritable acteur comique qui s'éloigne davantage de la réserve, du protocole d'usage et de l'académique de la supposée réserve pour verser, nanti de toute sa verve, constamment -plus maintenant très occasionnellement- dans ce qui est plutôt très ''lexique'', bien laconique, vraiment hystérique et très critique? !

Ce plaisantin et très distrait haut commis de l'état, adepte du petit et amusé baratin, s'est-il vraiment mis en porte-à-faux avec son haut rang dans la hiérarchie de l'état ? Sinon est-il à son insu ou à son propre jeu pris en nette position d'hors-jeu pour avoir justement exagéré dans ce lexique inconvenant et impertinent, totalement incompatible avec la déontologie de la haute administration de la nation ?

Tous les réseaux sociaux, en tous cas, en aparté ou confondus à eux-mêmes, l'affirment, le confirment, l'admettent, le soutiennent, le croient, le soutiennent, le disent franchement ou le jugent tout comme?

L'homme galope ces derniers temps à la vitesse de ses grands galons, avale des kilomètres et sa salive, à force de faire souvent dans ce verbe, parfois acerbe, souvent plèbe, mais jamais vraiment superbe, disant tantôt une chose et tout à fait son contraire, pour avoir à en juger à travers plusieurs angles de sa perception des choses, sinon à longtemps ressasser les mêmes expressions d'usage, se perdant dans les dédales de cette très grande géographie physique de l'Algérie.

En l'absence d'un véritable porte-parole du pouvoir et surtout en raison d'une éclipse jugée assez longue du président de la république, Abdelmalek Sellal s'est vu donc pousser de grandes ailes et prendre de l'importance et de la véritable dimension jusqu'à s'approprier de droit d'autres prérogatives et attributions, faisant ainsi de l'ombre sur tout son monde alentour.

Il est donc devenu ce premier personnage de l'Algérie qui voyage(ait) sur un véritable nuage, distillant au sein de tous les villages qu'il visite ce gage de grands verbiages, comme la preuve de son grand courage, d'exprimer la volonté prouvée ou supposée de celui qui est réellement le premier ordonnateur, condamné à s'exhiber ostentatoirement sur ce terrain qu'il ne cesse de parcourir dans tous les sens et directions.

Ce dix-septième premier ministre de l'Algérie indépendante (chef du gouvernement), mieux que l'ensemble de ses prédécesseurs, jouit, selon la conjoncture actuelle très particulière du pays, d'une bonne partie des prérogatives dévolues de droit au chef de l'état, à telle enseigne qu'il habite pour de bon et sans le moindre concurrent la télévision publique nationale. Mieux que tout autre grand commis de l'état algérien, il s'est payé toutes ces interminables visites inopinées, improvisées, effectuées à la hâte et en série ordonnée et bien cordonnée, dans la presque quasi-totalité des wilayas du pays, y distribuant cette grande manne de la rente de nos énergies fossiles, sans le moindre management ou procédure d'usage et d'octroi préalables de ces deniers publics considérables.

La conjoncture nationale aura fait de lui qu'il cumule plusieurs fonctions, devenant par la force des choses ce président de la république par procuration, qui sillonne le pays, détenant dans ses mains ces volumineuses enveloppes d'octroi de crédits allouées directement aux autorités locales, lors de ses nombreuses visites sur site.

D'est en ouest, du nord au sud, il aura longuement trotté et parcouru de grandes distances, à la recherche de cette crédibilité à recouvrer pour une gouvernance qui manque fondamentalement de légitimité démocratique, eu égard à ces élections tout le temps truquées et à ces budgets tout le temps revus et corrigés selon l'humeur du chef, ses ''désiratas'' et son éventail de proratas de ponctions et onctions à opérer sur leur quotas. Avec Ahmed Ouyahia, ils sont donc ces rares premiers ministres de l'état algérien à avoir fréquenté, à des périodes plutôt chevauchantes ou bien distinctes, la grande Ecole Nationale de l'Administration (ex ENA) d'où ils sortirent comme prestigieux diplômés dans la filière diplomatie.

A l'indépendance de l'Algérie, encore frimousse, le jeunot Abdelmalek Sellal avait tout juste atteint ses quatorze printemps. A une toute autre époque, il aurait été bon pour monter au maquis. C'aurait été peine perdue! D'inutiles prolongations, en fait. La guerre venait de se terminer. Mais, lui, a plutôt choisi ce sinueux chemin des études qui le mènera, plus tard, dans la plus prestigieuse des écoles génératrice du pouvoir algérien. Déjà à ce stade-là, son destin était donc tout à fait tracé. Il ne lui manquait plus que cette trajectoire à véritablement affiner et ce long cheminement à, au besoin, bien peaufiner. Ce fut donc ce véritable tremplin qui l'enverra faire du chemin et une très grande carrière dans les rouages de cette toute jeune administration algérienne, source de la bureaucratie et le plus important levier au service de cette gérontocratie de l'autocratie d'un pouvoir chancelant, bien vieillissant et très vacillant.

Mais Abdelmalek Sellal, l'homme qu'il est ou celui qu'il fut, ne put être vraiment découvert qu'à la faveur de son intronisation dans ses toutes dernières fonctions de premier ministre, disposant, en revanche, de beaucoup de temps d'antenne à la télévision publique nationale (ENTV) et surtout d'écoute attentive de la part de nombreux algériens, très curieux, du reste, de bien connaitre le responsable dans sa vie publique, privée, dans son côté plutôt intime, dans sa manière de communiquer avec le commun des mortels?

Là, beaucoup d'algériens ont été vraiment très surpris. Et comment ?! Je veux dire quelle grosse surprise? !!!

Appelé à beaucoup voyager et à énormément communiquer avec des tiers, en raison de ses nombreuses apparitions publiques, de sa grande stature, et du vide sidéral sur ce plan précis, notamment depuis la maladie du président de la république, il eut donc à commettre trop d'impairs, en plus de son penchant très prononcé pour les anecdotes dont il use et abuse, à chaque occasion?

Sa corpulence physique impressionnante aurait pu le prédisposer ou le prédestiner à devenir un grand général dans l'armée. Grand de taille, le regard vif et très appuyé, l'attitude rectiligne, il l'est déjà dans sa vie civile, sans même aller chercher l'uniforme. Il l'est déjà pour cette grande carrure qu'il trimballe et cette forme physique qu'il affiche là où il passe ou repasse pour y refaire ses classes, pour y ressasser son discours ou pour y donner ses cours. Mais ce grand gaillard a plutôt un point faible, son péché mignon : il est attiré par ces petits mots qui font rire, et ces autres belles phrases qui font sourire. Et comme tout le monde, quand il s'y met, il en use à bon escient et en abuse à profusion. Sans le moindre repère, il s'y perd. La tête comme les pieds ! En tenue très officielle ou juste en aparté. Dans les coulisses où on fait office et utilise ces nombreux et dangereux vices du lange de gage. Ou même à titre très privé et dans son petit jardin de prédilection de la bonne ou utile expression.

Pour les gens de sa propre génération, cela peut même paraitre une chose tout à fait admise et bien normale. Tant tout était verrouillé durant l'ère de Houari Boumediene et celle connexe de Chadli Bendjedid pour pousser le peuple algérien à exceller dans ces anecdotes subtiles qui lui faisaient changer son quotidien morose et vraiment très lourd à supporter.

En l'absence de toutes ces techniques modernes de l'industrie de la sphère de la grande communication, il était bien évident que le bouche à oreille était le seul support technique et efficace, maitre de cette bonne nouvelle qui faisait vibrer tout son monde à la ronde. Et nul autre responsable algérien ne pouvait donc être épargné. Pas même le président Houari Boumediene ou même son successeur Chadli Bendjedid !

Au sujet du premier-cité, on évoquait, à l'envi, cette claque à laquelle il s'est adonnée en solitaire dans les sanitaires du stade du 05 juillet, à l'occasion de cette finale retour de la coupe d'Afrique de clubs, gagnée haut la main par le Mouloudia d'Alger un certain 27 décembre 1976, devant le représentant guinéen, le Hafia de Conakry.

Tandis que Chadli Bendjedid eut droit à toutes sortes d'anecdotes et de railleries bien sympathiques, du reste, comme celle portée même sur le petit écran de la télévision publique nationale par le grand humoriste Fellag, ayant pour objet ce simulacre de cigare qui fera tourner la tête à notre feu président de l'époque.

Beaucoup d'algériens, scrutant attentivement la façon de parler du premier ministre actuel, sa manière un peu trop osée ou vraiment exagérée de faire dans ces finesses de la grande liesse, se demandent encore si Monsieur Abdelmalek Sellal n'est toujours pas atteint par ce virus qui date des dernières décennies du siècle dernier, pour le faire souvent revenir à cette autre nostalgie de ces temps jugés bien anciens et définitivement révolus ! En tant que ministre de la république, ses répliques dosées, son humour osé, ses blagues trop prononcées et autres doctes anecdotes, passaient très bien, sans le moindre accroc, très croustillantes comme des petits pains et bien scintillante de leur génie hors du commun. Mais pas aujourd'hui qu'il aura été soulevé ou surélevé d'un cran, dépassant de la tète et des épaules presque tout son monde à l'horizon.

La bonne raison ? Y-a-t-il vraiment le feu à la maison ? Les algériens ne sont-ils plus heureux comme autrefois et jadis ? Qu'y a-t-il de si changé dans leur comportement ? Et pourquoi ce conteur atypique, grand amuseur des foules est-il si sévèrement rabroué? Si méchamment réprimé et à jamais abandonné?

Le globe-trotter aura-t-il perdu de la superbe de son lucide langage au cours de ce long périple de tumultueux voyages qui l'aura mené dans tous les coins d'Algérie, son enveloppe à la main, poursuivi par toute une armée de cameramen et la grande foule ou importante meute de manifestants qui n'aura perdu, elle aussi, ni le souffle de la revendication ni même l'espoir en des lendemains bien meilleurs. Aussi, galope-t-il à l'allure de ses grands désirs et espoirs fous de convaincre sans peine et à la pelle les cancres de la classe du secteur de l'enseignement, les plus désespérés et de tout démunis de celui dit de la solidarité et de la grande charité nationale, les plus méprisés de ceux de l'administration de la grande et très puissante bureaucratie, et de la tatillonne justice sociale qui fait plutôt dans le sélectif et dans l'inventif du pur conjoncturel et bien réel occasionnel !

Poussé par ce vent de la curiosité de la découverte des grandes contrées et luxurieux paysages de l'immense espace variétal de la grande Algérie, la plus profonde et forcément la plus féconde, il aura justement manqué de ce langage utile au titre d'un véritable gage de la grande stature qu'il étrenne et du titre de mérite qu'il pense trimballer, sans jamais rien déballer au peuple de cette misère qu'il foule au pied au moment où Hassi-Messaoud refoule tout ce qu'il a dans le ventre pour venir en aide à cette gouvernance en mal d'imagination et de sensation.

Ses tournées, faites à la série, ont-elles fini par lui donner le vertige ? Lui ont-elles fait remonter à la tête ce désir plutôt bien suspect de ne jamais se dessaisir ou se départir du pouvoir et de son très huppé perchoir durant cet empêchement momentané ou bien durable du seul maitre des céans, lui qui, hier encore, n'acceptait jamais de léguer le moindre pouce de son très grand espace et territoire de mouvance, craignant y être éjecté ou rejeté de force avant l'heure fatale à tout être vivant ? Désormais la voie de la probable succession lui est largement ouverte, bien balisée, minutieusement analysée, très possible à être réalisée sans délais, susceptible de hisser le propriétaire de ce second palier au rang du tout huppé pupitre de la toute première marche du podium du grand et absolu pouvoir. Il en tient donc vraiment bien compte dans ses nombreuses tournées et interminables sorties effectuées à travers la grande sphère géographique de ce pays-continent, géré à la manière d'une toute petite gargote ou vulgaire épicerie de quartier !

Cette autre Algérie que Abdelmalek Sellal qualifie de façon désobligeante, très désopilante et inconvenante de Boutika(petite boutique) lors de ses nombreux discours de circonstance ou de convenance, improvisés à la hâte sur ces nombreux sites qu'il visite à la vitesse d'un cuirassé pris de panique au milieu d'une très forte tempête de continues contestations populaires.

Pour le commun des algériens, Abdelmalek Sellal développe donc ces discours insensés que pas même l'impact très négatif de ses impardonnables bourdes linguistiques et autres mauvaises plaisanteries ne saurait les rendre plutôt bien recevables ou tout juste acceptables, au vu de ce grand décalage qui existe entre la parole et l'acte, creusant davantage ce grand fossé qui sépare l'administrateur des administrés de la nation.

Quant à user sans relâche ou à la tâche de tous ces autres outils lexicaux ou très abusés qualificatifs comme ceux, malgré tout, bien amusants, tout de même, de bien verrouiller le domino, de regarder au travers des jumelles, de ressembler au hanneton, de ne compter que pour la découverte du croissant lunaire, de cette autre ''nannak'' qui ferait ''dégager de son poste le président en exercice à la fin de son mandat'', de cette ''goumina'' (gel de cheveux) pour des étudiants en mal de look ou d'amour, de ces autres misérables ''fakakir'' ? le pas aura bel et bien, cette fois-ci, été franchi, bien allègrement, très solennellement, si imprudemment ou si incidemment? Désormais, c'est celle des Chaouis qui tient le haut du pavé ! Il fallait y penser, en ces temps où toute susceptibilité est de droit vite interprétée dans le contexte de ces élections qu'ils aura bien marquées de son empreinte! Fort de tout ce fabuleux registre de langage qui fait dans le burlesque, Abdelmalek Sellal passe plutôt, aux yeux d'une partie de l'opinion publique, pour un sérieux amuseur de foules ou un grand commis de l'état très distrait de son état. Aux jeunes chômeurs qui demandaient du boulot, il leur refilera ces blagues et anecdotes à gogo. Aux jeunes du pré-emploi qui exigeaient leur titularisation, il leur promit cette longue attente que nulle autre passion de l'amusement ne pourrait la faire oublier. Triste était pourtant resté leur sort que toutes les blagues du monde ne pourraient les faire désormais juste sourire !

(*) Abdelmalek Sellal, le plaisantin, est hors-jeu !