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LES AMBITIONS DE PEKIN POUR LE YUAN

par Akram Belkaid, Paris

Le feuilleton concernant la valeur du yuan continue… Quelques jours avant les réunions du G20 (19 et 20 avril) et du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement chinois vient de faire un geste pour atténuer les critiques dont il fait, régulièrement, l’objet à propos de la gestion administrée de sa devise. Samedi 14 avril, la Banque Centrale de Chine a ainsi annoncé avoir décidé d’élargir la bande de flottement du yuan par rapport au dollar étasunien. Désormais, la monnaie chinoise pourra fluctuer de plus ou moins 1% par rapport au cours pivot fixé de manière quotidienne par la Banque Centrale. Pour mémoire, cette marge était jusque-là de plus ou moins 0,5%.

LA BATAILLE POUR LE STATUT DE MONNAIE DE RESERVE

Bien entendu, ce petit geste de la Chine ne va certainement pas calmer les critiques concernant la valeur du yuan ou renminbi (« monnaie du peuple»). Pour de nombreux acteurs de la vie politique et économique aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et en Asie du Sud-Est, le yuan est en effet maintenu de manière artificielle à un niveau inférieur de 20 à 40% à sa valeur réelle. Une manipulation qui vise à soutenir les exportations chinoises (une monnaie faible favorise les ventes à l’étranger) et qui pénaliserait donc les producteurs des autres pays. Du coup, en ne fixant la bande de fluctuation qu’à 1% par rapport à son cours administré, la Chine ne fait qu’une concession modeste à ses détracteurs.
Aux Etats-Unis, ces derniers vont certainement continuer à exiger du Congrès qu’il accuse, officiellement, la Chine de manipuler sa devise. Cela permettrait alors au gouvernement américain de mettre en place des sanctions commerciales contre Pékin sans encourir les foudres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il s’agit d’un thème que les républicains ont d’ores et déjà décidé d’exploiter durant la campagne électorale pour l’élection présidentielle de novembre prochain. Pourtant, depuis le milieu des années 1990, période où la question de la valeur du yuan a commencé à devenir centrale dans les relations sino-américaines, toutes les administrations, qu’elles soient démocrates (Clinton, Obama) ou républicaines (Bush) se sont bien gardées de formuler une accusation officielle de manipulation de monnaie. Peut-être est-ce parce que la classe politique américaine sait bien que, plus que la valeur du yuan, c’est bien le coût du travail en Chine qui est déterminant.
En réalité, la vraie bataille concernant le yuan se situe à un autre niveau. Depuis plusieurs années, les autorités chinoises ont mis en place une stratégie d’une extrême prudence visant à faire de leur devise une monnaie mondiale de réserve mais aussi de transactions. Mais, pour Pékin, il s’agit de rendre le yuan plus international sans pour autant se mettre à dos les Etats-Unis qui sont bien décidés à défendre la place du dollar en tant que première monnaie mondiale de réserve mais aussi de transactions et d’émissions sur les marchés financiers. Plutôt que de décider de faire totalement fluctuer sa monnaie et donc d’abandonner au marché des changes l’internationalisation de sa devise , Pékin a décidé de privilégier les accords bilatéraux avec certains de ses partenaires commerciaux. Ainsi, les échanges entre la Chine et la Turquie seront en partie libellés en yuans. Cela obligera la Turquie à accumuler des yuans pour pouvoir commercer en yuans avec Pékin mais aussi avec les pays qui ont signé le même type d’accord avec la Chine.

L’ALGERIE ET LE YUAN

L’émergence progressive du yuan en tant que monnaie internationale doit être suivie de près par les autorités algériennes. Il est peut-être même temps de commencer à réfléchir à libeller une partie des échanges commerciaux sino-algériens dans cette monnaie. Cela ne plaira certainement pas aux Etats-Unis mais cela aura pour avantage de diminuer la dépendance algérienne à l’égard du billet vert. Reste une question majeure : l’Algérie est-elle prête à prendre le risque de vendre ses hydrocarbures dans une autre monnaie que le dollar ? Rappelons juste que cette expérience a déjà été tentée, à leurs frais, par l’Irak de Saddam Hussein et la Libye de Mouammar Kadhafi…