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PETROLE EN HAUSSE, SOLAIRE EN FAILLITE

par Akram Belkaid, Paris

L’énergie solaire finira-t-elle par se substituer à l’usage des hydrocarbures ? On le sait, la réponse à cette question oppose partisans et adversaires de la sortie du «tout-carbone». Les uns affirment qu’il est possible de se passer de pétrole et de gaz naturel grâce notamment au solaire mais aussi à d’autres énergies renouvelables. Les autres affirment qu’une telle vision relève de l’utopie et que, faute d’alternative crédible, le carbone continuera d’être la pierre angulaire de la civilisation moderne, qu’il provienne du pétrole, du gaz naturel ou même du charbon dont les réserves disponibles sont énormes.

LA FLAMBEE DU BRUT NE PROFITE PAS AU SOLAIRE

Deux événements récents vont certainement relancer ce débat. Il y a d’abord le fait que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la facture mondiale pétrolière devrait atteindre cette année le record historique de 2.000 milliards de dollars (contre 1.700 milliards de dollars en 2008). Ce chiffre, équivalent à 3,4% du Produit intérieur brut (PIB) mondial, démontre à quel point la hausse du baril (125 dollars de prix moyen en 2011) va continuer de pénaliser l’économie globale. La seconde information concerne quant à elle la faillite de Q-Cells, le pionnier allemand des panneaux photovoltaïques. Ce n’est pas le premier dépôt de bilan qui affecte le secteur du solaire en Allemagne. Dans ce pays, comme ailleurs en Europe notamment en Espagne, c’est la conséquence directe de la décision du gouvernement de réduire ses subventions avec, entre autres, une baisse conséquente du prix du rachat de l’électricité «verte» (produite à partir du solaire ou de l’éolien). Cette diminution des subventions rend moins rentable l’usage du solaire et nombreux sont les utilisateurs potentiels qui renoncent à s’équiper en panneaux photovoltaïques. Pourtant, on pourrait s’attendre à ce que la cherté du pétrole profite au solaire. La faillite de Q-Cells mais aussi les difficultés de nombre de producteurs, y compris chinois, démontrent le contraire. En réalité, ce secteur souffre à la fois de la réduction des subventions mais aussi d’une surcapacité en matière de production. Pour résumer, l’offre est de loin supérieure à la demande, ce qui met à mal la rentabilité financière des fabricants de panneaux photovoltaïques. Du coup, nombreux sont les spécialistes qui se demandent si cela ne va pas contrarier le développement de l’énergie solaire. Dans ce contexte, la Chine fait aussi figure d’accusée. On lui reproche un dumping sur les prix des panneaux combiné à une surproduction, cela dans le but de mettre en difficulté la concurrence mondiale, qu’elle soit européenne ou même asiatique (Malaisie, Corée du Sud…).

LE MAGHREB A-T-IL RATE LE COCHE ?

Les faillites dans le solaire européen et l’omniprésence de la Chine sur le marché mondial des panneaux et autres équipements photovoltaïques sont deux éléments qui doivent interpeller les décideurs maghrébins. Depuis quelques années, un discours convenu affirme que l’Afrique du Nord, et particulièrement l’Algérie, va prendre appui sur le solaire pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures. Cette mutation est encore possible. Par contre, on se demande comment, faute de stratégie affirmée, le Maghreb peut encore espérer développer une compétence industrielle dans ce secteur. Ce qui vient d’arriver à Q-Cells, qui a pourtant parié sur le haut de gamme pour tenir la dragée haute à ses concurrents chinois, montre que le Maghreb a peut-être d’ores et déjà raté le coche et, qu’au mieux, il se contentera d’être un simple producteur d’énergie solaire faute d’avoir pu développer à temps une filière industrielle dans le photovoltaïque.