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Au pays des «hiatus» ! what else ?

par Belkacem AHCENE DJABALLAH

D'abord, un ouvrage, petit par sa forme et sa pagination, surtout si l'on tient compte du sujet abordé, mais grand par son contenu, édité en 2006, qui est passé totalement inaperçu tant il est vrai que les publications de l'Anep ne font l'objet d'aucune campagne très visible de promotion.

C'est une étude qui reprend et analyse les résultats d'une enquête sur le terrain menée par la défunte Enori (qui s'en souvient ?) , alors dirigée par Smail Seghir (un de nos principaux «think tankers» actuels) , en 1993, en collaboration avec, bien sûr (et c'est une habitude qui perdure), un cabinet étranger d'experts.

L'étude s'est appuyée sur une hypothèse centrale découlant d'une première recherche menée en 1989 : les formes de gestion mises en place dans les entreprises algériennes sont, dans une large mesure, étrangères aux réalités socioculturelles de la force de travail.

On va, donc, aller encore plus loin, pour aboutir ? de manière scientifique avec une présentation pédagogique - à la révélation (au fond, on s'en doutait, et il ne fallait pas sortir de Saint-Cyr ou de Laval pour le savoir) à deux faits essentiels :

Premièrement que l'entreprise algérienne est marquée par un fort HIATUS culturel ( hiatus? qui pourrait dire «trou noir» et non décalage? qui pourrait dire «retard»).Un tel phénomène désigne l'entreprise dont les éléments de structure, les modes de gestion et les systèmes de commandement sont en désaccord avec la culture ambiante et avec celle des travailleurs.

Deuxièmement, qu'il existe une forte homologie (qualité de ce qui est homologue) entre les fondements culturels de la société algérienne et les modes de gestion souhaités par l'ensemble des salariés, ce qui revient à dire qu'il existe un modèle implicite de gestion de type algérien.

Smail Seghir (un des auteurs) nous dit que les résultats de l'enquête ont été révélés aux managers en 1993? Il est certain, connaissant les bonnes «habitudes» de l'époque, que cela s'est fait sous le signe de la confidentialité. «A lire et à ne pas divulguer»? pour ne pas dire «à oublier». Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et bien des entreprises publiques ont (aussi) «coulé» dans les eaux tumultueuses et imprévisibles des multiples réforme (tte) s économiques. Un ouvrage a certes été publié, en 1997. Mais, à l'étranger. Comment ?? et il n'avait pas été diffusé en Algérie. Pourquoi ?...

On nous dit, aussi, que si l'enquête de 1993 devait être menée en 2006 (et pourquoi pas en 2012?avec ce qui reste comme entreprises publiques ), les résultats seraient très peu différents. Voilà une bonne nouvelle qui, entendue (encore fallait-il que l'ouvrage ait été lu ?), aurait permis de faire des économies en n'entamant pas d'autres enquêtes de ce genre toujours coûteuses.

Ce qui est sûr, et c'est, là aussi, un problème de gestion de la culture, c'est que la rétention de l'information (les études et autres enquêtes menées tout particulièrement par les entreprises et les institutions publiques), puis le stockage dans des tiroirs sans fond, ont causé plus de mal à l'économie nationale que la mauvaise gestion elle-même.

Ensuite, un livre d'histoire(s) assez instructif ! L'auteur des articles, écrits en 1857, n'a raté aucune occasion pour mettre en exergue, sans hésitation, la férocité des Turcs, «qui savaient, selon lui, manier beaucoup plus le sabre que la plume» et défendre «l'Arabe qui, courbé sous le poids du plus brutal despotisme, oublia entièrement les productions de l'intelligence, pour ne songer qu'à soustraire ses biens ou sa vie à la rapacité de l'oppresseur». Il oublie d'ajouter que si les citadins ont fait le «dos rond» (encore que Constantine est réputée pour «ne devoir son salut, face aux sièges, qu'au courage de ses habitants et non point à l'initiative de ses chefs, toujours absents au moment du danger»), les ruraux et les montagnards ont été continuellement rebelles et ont livré des batailles épiques avec des victoires retentissantes.

Rebahi Abderramane, dans sa présentation et son avant-propos, n'y va pas, aussi, de «main-morte». Pour lui, «avec une poignée d'hommes, les Turcs sont restés, pendant plus de trois cent ans, maîtres du pays» car leur force «reposait sur la concentration (entre les mains des conquérants) de tous les pouvoirs militaires, et sur l'exclusion sévère des indigènes de toute participation à l'autorité suprême»?.et «les trois siècles de domination turque furent un regrettable HIATUS dans l'histoire algérienne».

Galerie des portraits (évidemment, légèrement ou très fortement retouchés par l'auteur initial pour les besoins de la cause coloniale) des 19 derniers beys de Constantine, un véritable royaume, jusqu'au 13 octobre 1837 - après le très fameux Salah Bey dont le règne avait duré vingt ans?et qui voulait même proclamer son indépendance - certains ayant duré un seul mois, d'autres quatre années avec une moyenne générale de deux ans. Presque tous ayant fini décapités, sur ordre du Dey. On ne plaisantait pas avec le pouvoir à l'époque : On avait donc le constructeur, juste et pacifique. qui faisait trop confiance à son voyou de fils, un corrompu et un pervers, le kourougli ferme et droit mais «pas de chance», l'aventurier, l'administrateur ferme doublé de guerrier intrépide?mais qui aimait le sang, le juste et bon qui se souvient de toutes les «crasses», le tyran sanguinaire, le débauché pervers, spécialiste des orgies et des tortures barbares? (il n'a duré qu'un seul mois, heureusement), l'«occasionnel» (six mois), l'ignorant grossier et incompétent?qui ira jusqu'à inventer un instrument spécial destiné à «bien» couper les cous (la Chettabia), l'indolent se reposant sur ses adjoints cruels et voleurs, le revanchard qui finit (toujours) mal, le généreux sincère et naïf, le vieillard sénile et incapable qui délègue ses pouvoirs aux cupides (un mois de règne), le sévère (à la turque !) mais équitable (c'est selon !)? puis résistant contre l'occupation française? et qui mourut dans son lit, bien au chaud, à Alger, à 63 ans, en 1850,? avec une pension de 12 000 francs.

A méditer !